EDITO

Dans le courant du mois de mai, la Cour suprême israélienne a rendu une décision regrettable et navrante. Elle a en effet rejeté sept requêtes dénonçant les amendements récents de la loi sur la citoyenneté en ce qui concerne le regroupement familial. La législation actuelle empêche les Palestiniens de Cisjordanie ou Gaza mariés à un conjoint arabe israélien de devenir citoyens israéliens ou résidents permanents. Cela signifie clairement que les Arabes d’Israël sont les seuls citoyens israéliens à ne pas pouvoir bénéficier du regroupement familial.

Cette décision regrettable ne s’inscrit pas dans la tradition progressiste de la jurisprudence de la Cour suprême israélienne qui s’est généralement manifestée par son activisme judiciaire dans de nombreux domaines sensibles, notamment lorsqu’il est question de limiter la coercition religieuse ou de faire valoir les droits fondamentaux des Israéliens et des Palestiniens tant en Israël que dans les territoires occupés. Le malaise prend de l’importance lorsqu’on sait aussi qu’il n’a fallu qu’une seule opinion défavorable pour que ces requêtes soient rejetées : sur les onze juges de cette juridiction, six se sont prononcés contre et cinq pour. En outre, le Président de la Cour suprême, Aaron Barak, faisait partie des cinq magistrats mis en minorité. Selon lui, il ne fait aucun doute que le dispositif mis en place par la loi sur la citoyenneté en matière de regroupement familial est contraire aux textes constitutionnels israéliens car il crée une situation discriminatoire. Curieusement, la majorité des juges reconnaît que tout citoyen israélien a droit au regroupement familial et que la loi en question crée une discrimination flagrante mais cette même majorité de juges accepte cette violation pour des raisons de sécurité.

La sécurité d’accord, mais il y a malgré tout des limites à ne pas franchir. Une démocratie qui se respecte ne peut imposer à ses citoyens le choix de leur conjoint. Même en admettant que la sécurité des israéliens suppose qu’on limite dans des circonstances exceptionnelles certains droits fondamentaux, on s’aperçoit qu’en réalité ces regroupements familiaux ne portent atteinte ni à la sécurité d’Israël ni à l’équilibre démographique du pays : depuis 1967, des dizaines de milliers de Palestiniens des territoires occupés sont devenus israéliens et dans seulement 26 cas des soupçons d’appartenance à un groupe terroriste ont été retenus. Depuis 1993, on ne relève que 16.000 demandes de regroupement familial de ce type.

Le bras de fer n’est cependant pas terminé. La Knesset n’a pas encore décidé de fondre la loi sur la citoyenneté dans le moule d’une loi constitutionnelle et il se peut que les parlementaires acceptent de nouvelles pétitions ou tout simplement que de nouvelles requêtes soient encore déposées avant le départ à la retraite d’Aaron Barak. Et à ce moment là, espérons que les juges ou les parlmentaires auront bien lu et retenu les propos que ce dernier a livré dans ses attendus : La démocratie n’impose pas de prescriptions radicales privant ses citoyens de leurs conjoints ou les empêchant de vivre en famille … La démocratie ne peut contraindre ses citoyens à cette alternative : le célibat sur son territoire ou la vie de couple hors du pays.

L’équipe de Kol Shalom

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