Image de la police / police de l’image
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La police (et la gendarmerie aucune différence n’est faite dans cet article entre ces deux corps de l’Etat qui ont la même fonction) fait la chasse à sa propre image sur les sites internet et sur tout ce qui peut constituer un vecteur de communication. Les syndicats de policiers sont soucieux de préserver l’anonymat des fonctionnaires de police qui font leur métier dans la rue.
Etrange attitude de la part d’une institution qui se proclame républicaine et garante des libertés publiques.
Pourquoi la police a peur, ou aurait peur, de sa propre image?
La plupart des sites internet et journaux se sentent obligés, sous la pression, de «flouter» les visages des policiers en action. Mais que craignent les policiers? D’être reconnus? Et alors! Par qui? Par celles et ceux qu’ils arrêtent, qu’ils contrôlent… mais ils le font à visage découvert. Par leurs voisins? Leurs familles? Leurs enfants? Le citoyen Lambda? Mais pourquoi?
Peut-être s’agit-il d’un excès de timidité, d’humilité de la part d’un corps d’élite, à l’Histoire prestigieuse et sans tâche, totalement dévoué à la population et qui souhaite en toute humilité remplir sa mission dans un anonymat quasiment monastique? Peut-être. C’est une hypothèse à ne pas exclure. Mais un fait pourtant me fait douter de cette hypothèse: c’est l’agressivité déployée à l’encontre de ceux qui s’obstinent à obtenir des documents filmés sur les pratiques policières. Cette attitude agressive cadre mal avec l’humilité d’une mission. Alors?
Alors, le mystère reste entier.
Certains individus assurément malfaisants et suspicieux affirment que la police se livrerait à des pratiques parfaitement contradictoires à l’éthique républicaine tel que tabassages, interrogatoires musclés, «contrôles ethniques» accompagnés de propos racistes, etc… ce qui expliquerait que les policiers ne veulent aucun témoin, aucune preuve. Mais honnêtement qui peut croire de telles fables?
Aucun policier n’a jamais reconnu de tels faits. Jamais leurs syndicats n’en ont fait état. Nous avons pour preuve du caractère parfaitement diffamatoire de telles allusions les propos tenus par tous les ministres de l’Intérieur qui ne manquent pas une occasion de louer l’esprit de responsabilité et de modération des policiers. Nous avons pour preuve la parole même des policiers assermentés, porteur d’une parole officielle et donc forcément exacte. Nous avons également pour preuve le fait que les policiers portent systématiquement plainte contre les délinquants qui n’hésitent pas à les agresser… ces plaintes étant d’ailleurs souvent consécutives à des violences qui nécessitent des arrêts de travail pour cause de blessures. Et puis les enquêtes sur la Police sont menées par… la Police ce qui est évidemment une garantie absolue de neutralité et d’objectivité. Enfin, la Justice qui plus est, institution parfaitement indépendante comme chacun sait – rendue au nom du peuple, qui innocente quasi systématiquement les policiers, apporte la démonstration au fait qu’ils ont une conduite exemplaire et exempte de toute dérive anti républicaine.
Alors? Alors on ne comprend pas.
Jamais des maçons au travail, des coiffeurs, des barmans, des infirmières, des enseignants ne se sont opposés à la diffusion de leur image. Jamais les pompiers n’ont fait obstacle à la diffusion des images de leur mission. La situation est d’autant plus curieuse qu’il n’existe pas des «films pompiers» ou des «films enseignants», ou des «films infirmiers», alors qu’il existe abondamment des «films policiers».
La fiction de la mission policière fait l’objet d’un art alors que la mission policière réelle doit rester dans le secret. Curieuse démarche.
Il existe, et c’est à noter, des «chiens policiers» mais il ne viendrait à personne l’idée de «flouter» l’image d’un chien policier. Alors?
Cette aversion policière pour l’image est comparable à celle des «stars» de cinéma qui essayent d’échapper aux paparazzi. Leur popularité, si elle les sert, dans une certaine mesure dans leur métier, doit à la longue peser sur la vie quotidienne de la personne «pourchassée» par les photographes. Pourtant, à y regarder de prês, les photographes de policiers ne se sont jamais intéressés à leur vie privée, aventures conjugales et autres frasques domestiques. Et puis lorsque l’on photographie un policier surveillant une plage ou participant au secours en montagne, il ne s’oppose jamais au photographe, bien au contraire.
Alors? Alors le mystère s’épaissit.
Le policier fait-il la différence entre ses différentes missions? Y en aurait-il qui seraient nobles et d’autres pas?
Peut-être une piste pour comprendre. Mais alors y aurait-il des fonctions policières et républicaines respectables et d’autres non? Et quels sont les critères qui feraient la différence? On ne m’a jamais parlé, et on ne parle jamais de cela dans les cours d’instruction civique.
Virer des chômeurs d’un local occupé, frapper des grévistes qui défendent leur emploi, traquer des sans papiers,… serait-il moins noble que surveiller une plage?
C’est une question qui n’est jamais posée, et surtout à laquelle le pouvoir et ses policiers ne répondent jamais… mais on ne peut pas penser à tout.
Le droit à l’image de la police dépendrait-il de la nature de la mission? Plus on peut photographier, plus c’est noble, moins on peut, moins ça l’est?
Pourtant dans tous ces cas il s’agit du respect de la loi, de la loi républicaine, de la loi démocratique. Cela voudrait-il dire que, dans certains domaines, les conditions pour assurer le respect de la loi ne seraient pas conformes avec l’éthique républicaine et au respect des Droits de l’Homme? Voilà une intéressante question. Parce que cela voudrait dire également, et surtout, que cette même loi, pour être respectée, pour la faire respecter, on viole la dignité des personnes et que donc cette loi n’est que l’expression de rapports sociaux inégalitaires. Mais cela n’est pas possible puisque la «loi c’est la loi», elle est unique dans la définition et la référence aux principes de «Liberté-Egalité-Fraternité» dont justement les policiers sont les garants. Alors?
Alors, il faut raison garder Tout ce raisonnement n’est bien sûr que pure spéculation. Il nous conduit à des conclusions aberrantes dans un système démocratique.
Conclusion: c’est par simple modestie que les policiers refusent d’être photographiés au cours de leurs missions.
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