Mon corps m’appartient !
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Genre
Rappelons que l’appropriation des normes de genre façonne des représentations et des usages du corps différenciés entre les femmes et les hommes, depuis l’enfance et tout au long de la vie.
Le corps est un enjeu fondamental de contrôle social, qui renvoie à des représentations de ce qui serait de l’ordre du féminin, du masculin, et qui est construit tout au long de la vie, notamment par les institutions sociales.
Quelle que soit la marge de manœuvre individuelle et collective vis-à-vis de cette forme de conditionnement, ses ressorts sont puissants. Si ces normes identitaires sont contraignantes pour les deux sexes, elles sont génératrices de violences vis-à-vis des femmes car leur corps est censé rester « à disposition », et à être façonné, habillé, contrôlé suivant les normes sociales.
Or, dès l’enfance, l’Éducation nationale devrait affranchir les enfants des représentations et stéréotypes sexistes plutôt que de les valider en fondant des interdits aux seules filles, et en mettant en exergue des arguments tout aussi stupides que sexistes comme « cela distrairait les garçons ».
La conquête des droits contraceptifs et la libération de la sexualité n’ont pas fait disparaître ce mécanisme patriarcal puissant qu’est l’objectivation d’un corps tenu de rester « à disposition »…
Laisser entendre qu’un décolleté ou un ventre apparent dérange leurs camarades, voire les excite, c’est accepter comme une donnée intangible que les désirs masculins sont irrépressibles. Qualifier l’aspiration des jeunes femmes à s’affranchir des diktats sexistes de « liberté affichée qui n’en a que le nom », c’est non seulement leur dénier toute capacité réflexive, c’est aussi nourrir les représentations qui enferment leur corps dans le registre sexuel. Exiger qu’elles couvrent leur poitrine, leurs épaules, leurs jambes, c’est en un mot leur asséner un rappel à l’ordre patriarcal des choses » (tribune du 17 septembre dans Libération de Camille Froidevaux-Metterie, professeure de science politique).
Le patriarcat est une normme esclavagiste à laquelle se conforment très tôt les humains, comme une maladie héréditaire et évolutive dont on ne connaîtrait pas le traitement…
Si aucune éducation n’est proposée dés leur plus jeune âge aux individu.e.s, filles et garçons, elles et ils en feront les frais et se plieront à cette norme qu’est le patriarcat. Le machisme et le virilisme entraineront à divers degrés une tendance aveugle vers la prédation sexuelle chez les garçons. Cette tendance se développera en même temps que leur corps (qui comprend théoriquement un cerveau et un coeur…) évoluera vers la puberté. Quand aux filles, elles seront toujours poussées à nier leur identité autonome d’êtres humaines totalement libres et fortes, non soumises (ni à l’homme, ni à la norme).
Les excès qui en résulteront seront eux pratiquement toujours pardonnés aux garçons et toute la culpabilité dues à des attitudes déplacées et violentes sera elle imputée aux filles, qui en sont pourtant les premières et principales réelles victimes.
Au final, si les filles restent des souffres douleurs de premier choix, les garçons quand à eux s’enferment dans un déni et un aveuglement mortifère et destructeur à l’horizon totalement bouché, sur fond d’auto-victimisation facile et débilisante.
Tout ceci est un gâchi complet vis à vis de notre droit commun au bonheur et à la justice et ne peut que nous porter
encore et toujours vers une violence infinie.
Mort au patriarcat!
MON CORPS EST À MOI
Le fleuve de la volupté coulait entre des rives semées d’arbustes odorants, étoilées de fleurs parfumées ;
Et mon déterminisme du moment me poussait à m’y jeter et à m’abandonner à l’étreinte de l’onde pailletée de séductions.
Mais voici que de différents points de l’horizon surgirent des ombres qui avaient l’air d’être vivantes.
D’abord une ombre vêtue de noir qui m’interpella d’une voix onctueuse : « Ton corps est à Dieu, susurra-t-elle, à nous ses représentants sur terre, et ton droit d’en disposer est nul ».
Ensuite une autre ombre qui semblait ne consister qu’en reflets métalliques et qui tenait érigée une bannière flottant au vent : « Ne plonge pas dans cette eau énervante, m’ordonna-t-elle, tu n’as pas le droit de disposer de ton corps à ton gré ; il est à la patrie et à nous, qui commandons pour la défendre ».
Puis une ombre qui portait casquette à visière, était vêtue d’une tunique de cuir et tenait à la main un fouet à neuf queues : « Décampe, gronda-t-elle, ton corps appartient au corps social ».
Et puis un fantôme encore. Celui-là était habillé d’une longue redingote noire qui lui tombait sur les talons. Sous le bras, il portait un livre menaçant, épais, noir. « Que veux-tu faire, mon enfant, murmura-t-il, mielleusement, ne sais-tu pas que ton corps est destiné à être un vase de vertu ? »
Et de droite, de gauche, il surgissait ainsi toutes sortes de revenants ayant figures d’hommes, et qui gesticulaient et clamaient sur toutes sortes de tons et de modes que mon corps appartenait à quelque chose ou à quelqu’un qui n’était pas « moi ».
Mais je me suis insurgé et je ne les ai pas écoutées, ces ombres à apparence d’êtres humains.
Car je suis individualiste et anarchiste et « mon corps est à moi… »
Et c’est à moi de savoir s’il est opportun ou non de le laisser baigner par les vagues prometteuses, ondoyantes et pénétrantes du fleuve de la volupté.
E. ARMAND
l’en dehors N° 120-121
Début Novembre 1927