Ni agnostique ni laïque !

Coup d’gueule contre les libertaires et leurs alliés religieux et laïco-patriotes

« Moi je dis que péter, c’est démolir. »
(Stupeflip)

Christianophobie par ci, islamophobie par là, il devient de plus en plus difficile de bouffer du curé sans être accusée à tort de « phobies » contre les croyants, de « racismes ». En pervertissant le sens de la lutte contre les discriminations, des personnes croyantes et inquisitrices se posent en victimes alors que leurs accusations calomnieuses sont illégitimes, d’autant plus illégitimes quand ces personnes constituent une majorité numérique et sociale à l’échelle d’un État, d’un continent ou du monde. Leur tactique tordue et abusive ressemble à deux gouttes d’eau à celle employée par des individus assignés « blancs » à la naissance et qui se plaignent de « racisme antiblanc » au sein d’une région ou d’un État où ils y sont majoritaires. Le comble de l’hypocrisie est lorsque ces nouveaux torquemadas en viennent à dénoncer le « privilège athée » (sic) quand on sait que les personnes athées et anti-théistes sont une minorité numérique et sociale mondiale, qu’elles sont persécutées en de nombreux endroits, qu’elles sont massacrées, que la haine de l’athéisme et de l’anti-théisme est malheureusement une réalité multicentenaire.

Au contraire de ce qu’affirment des militants libertaires et de gauche (1), les combats contre les religions ne sont pas d’arrière-garde. Si ces luttes étaient « dépassées » et « secondaires » comme ils disent, 84% de l’humanité ne serait probablement plus religieuse. 37% de la population en France ne croirait plus autant aux fables bibliques et autres. Plus de 75% des États-Uniens ne seraient plus de si fidèles serviteurs de la pensée divine… (2)

Parmi ces militants, certains reprennent l’idée de la droite conservatrice selon laquelle la religion serait « positive » et défendable parce qu’elle serait vectrice de « lien social ». Ainsi se voient unies une partie de l’extrême gauche et de la droite par un concept fourre-tout dans lequel on peut surtout y mettre n’importe quoi : nationalisme, racisme, xénophobie, compétition, esclavage, patriotisme, régionalisme, ethnicisme, capitalisme, statu quo, amour, haine, misogynie, proxénètisme, hooliganisme, bolchevisme, néonazisme, scientisme, new-age, etc., etc.

La litanie trompeuse favorable aux religions braillée par ces enchanteurs sournois est connue par chœur : La religion fait le lit de la contre-révolution capitaliste et patriarcale depuis des lustres mais RESPECT pour ne pas froisser des personnes qui choisissent de s’y soumettre et d’y assujettir les non-convertis. La religion est toujours un des remparts les plus puissants de l’autorité mais RESPECT à ses hordes de défenseurs et un peu moins à ses fanatiques. Les papes prônent le sacrifice de soi à la Cause Divine ou Familiale mais RESPECT pour ne pas paraître trop méchants et infréquentables… Un véritable double-discours aux airs de tolérance pluraliste libérale mais anarchiste en aucun cas (3).

Je ne sais si les accusations infamantes de racisme contre les personnes athées et anti-théistes ont des antécédents historiques (19e, 18e, 17e, … siècles). Mais je me demande bien pour qui et pourquoi une quantité non négligeable de libertaires est devenue aussi frileuse que les marxistes vis-à-vis des religions, de leurs responsables (du croyant de base au plus haut placé des clercs), quand on sait que l’athéisme radical et l’iconoclasme sont des composants majeurs du mouvement anarchiste. Frileuse au point qu’elle voit des alliés en des individus qui se soumettent à une Idée et font du prosélytisme conservateur en son Nom. « Par opportunisme politicard » me souffle-t-on à l’oreille, et c’est sûrement vrai. En outre, les collaborations passées entre l’extrême gauche et des mouvements politico-religieux qui se sont terminées dans la reproduction de la suprématie masculiniste, ou plus vastement dans des bains de sang dictatoriaux, n’ont visiblement pas encore servis de leçons aux libertaires tolérants à l’égard de l’institution Religion. Séduits par l’ouverture de la déconstruction postmoderne, ils en ont oublié de barricader la grande porte par laquelle les courant d’airs laïcs-étatiques et religieux entrent et empestent leurs milieux.

Et pas la peine de sortir le hochet du « féminisme islamique », ou ceux de la douzaine d’« anarchistes chrétiens » et de « curés antifascistes » et « progressistes ». On ne détruit pas une machine de guerre idéologique conservatrice planétaire en la lustrant par le petit bout de la lorgnette. Un anarchiste individualiste plus bien actuel et vindicatif que tous les systèmes conceptuels « matérialistes de l’histoire » légitimant la résignation dans l’attente du Grand Soir, l’avait déjà compris voilà plus de cent ans :

« Résignés, regardez, je crache sur vos idoles ; je crache sur Dieu, je crache sur la Patrie, je crache sur le Christ, je crache sur les Drapeaux, je crache sur le Capital et sur le Veau d’or, je crache sur les Lois et sur les Codes, sur les Symboles et les Religions : ce sont des hochets, je m’en moque, je m’en ris… Ils ne sont rien que par vous, quittez-les et ils se brisent en miettes. » (Albert Libertad)

Les religieux – n’en déplaise à leurs services d’ordre de gauche et de droite – sont toujours en première ligne d’opposition face aux rebelles qui revendiquent la libre procréation, la liberté sexuelle et l’amour libre, la liberté de contraception et d’avortement, le combat contre les discriminations des personnes LGBTQA+, contre tout ce qui entrave la liberté individuelle anarchiste et prône la soumission aux normes établies.

La pensée agnostique n’en est pas moins relativiste et méprisable que la pensée religieuse ou « ni pour ni contre ». Renvoyer dos-à-dos l’idée d’existence et de non-existence des dieux est non seulement une façon de « montrer pattes blanches » face à un dispositif doctrinal d’oppression, mais aussi un excellent moyen de ne pas s’opposer au spiritualisme dans les lieux où il n’a rien à y faire. Quand il s’agit de juger de l’existence ou de la non-existence d’un acte qui a engendré des mutilations ou la mort de personnes, on sait fort bien comment cette posture pseudo-sceptique se traduit… De l’agnosticisme, les lobbyistes financiaro-religieux sont les meilleurs alliés (4).

Quant à la Laïcité, Elle est une divinité comme la Nation, la Patrie, la France et la République. Un fantôme-pilier idéologique de l’État jacobin et républicain (5). Et aux dernières nouvelles les libertaires étaient toujours anti-étatistes, mais j’ai la forte impression que certains d’entre eux deviennent de plus en plus amnésiques et réformistes, de plus en plus hostiles à la liberté de bouffer du curé au service aussi bien de l’Église que de l’État, au point qu’ils collent parfaitement aux « concepts » de « fonctionnaires de l’anarchisme » et d’« anarcho-étatistes ». À bas aussi la Laïque !

1 – Des militants cependant contre la « hiérarchisation » et la « prioritairisation » des luttes mais qui, on le voit encore ici, ne sont pas à mille et une contradictions près.
2 – Source : Le monde des religions, 2013.
– C’est-à-dire la majorité des sondés. Source : Rapport de l’Observatoire de la laïcité, 2019.
– Source : Pew Research Center, 2014.
3 – Et les séminaires gauchistes et libertaires au Vatican, à La Mecque, à genoux devant Le Mur des Lamentations, c’est pour quand « camarades » sociaux-démocrates ? C’est le manque d’espoir en le retour du Messie-Révolution qui vous fait tremper les pieds dans les temples de la foi mystique ? Pour vous rafraîchir la mémoire à propos de votre « sacro-saint » Respect, consultez le N°302 de L’Assiette au Beurre, ça décape encore un siècle après sa parution. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1048368c
4 – Là où l’athéisme marque une « simple » négation des divinités et un refus de croire, l’agnosticisme est une position « bancale » entre croyance et non-croyance, c’est-à-dire que l’option du « doute » se situe « en deçà » de l’athéisme et bien évidemment de l’anti-théisme. Si à ce dernier l’athéisme est un prérequis, l’anti-théisme est un combat plus radical et offensif, une attaque contre l’intrusion théiste partout et sous toutes ses formes et symboles.
5 – En athéisme et en anti-théisme comme en « politique », il n’y a pas qu’un seul « camp » où se rangerait tous les athées et anti-théistes, mais une pluralité de points de vue oppositionnels qui n’ont pas forcément d’affinités. Avec leur manichéisme semblable à celui des dogmes ecclésiastiques, les « anarco-laïcards » et autres « Je suis Charlie » de Centre Gauche et Droit patriotes me font bien rire.