Arrête de me mater
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Genre
Je suis une meuf, je correspond aux normes établies par la société, je suis blanche, je suis mince. On me prend tout le temps pour une hétéro car je suis Fem (gouine féminine), dans la rue je passe au dessus, j’ai « l’habitude » de me faire harceler des dizaines de fois par jours depuis des années. « Habitude » car on ne s’y fait jamais vraiment. Mais que voulez vous, me dis-je, c’est comme ça je suis une meuf, j’aime porter de belles fringues, j’aime me trouver jolie quand je me regarde dans le miroir, j’ai besoin de ça pour survivre, le prix à payer c’est de se faire emmerder dans la rue.
De se faire mater, tout le temps.
Alors la rue, passe encore, je me dis que les mecs ce sont des zonards dans des concours de virilité avec leurs potes, on fait avec, on a « l’habitude » on a pas le courage de s’arrêter pour dire arrête c’est du harcèlement, j’en peux plus et y’a aucune meuf que tu vas accoster comme ça sur un trottoir pourri du boulevard Hanspach qui va finir dans ton pieu. Puis quand j’y pense à cette « habitude » que mes copines et moi on a adopté, je me dis que le patriarcat a sacrément bien réussis son coup puis ça me rend triste.
Mais ici n’est pas le coeur du sujet :
Arrête de me mater,
Ici, ça s’adresse aux gars du « milieu », des gars « politisés », « pro-féministes » (si je pouvais mettre 50 guillemets je le ferai) j’en ai marre de débarquer sur des lieux, des événements, des ZAD, des zones de luttes, et de me faire mater par des gars qui ne se cachent même pas.
En fait, je vous vois, je vous vois tous, vos regards de merdes qui me déshabillent, pas besoin de parler pour être relou tu sais ! Et quand tu vois que je te vois, que tu baisses même pas les yeux car tu te sens tellement légitime à me mater, tu te rend même pas compte que je finis par partir car je me sens mal à cause de toi.
J’en ai marre de débarquer dans des endroits qui devraient être aussi les miens et de me sentir comme une proie, comme la meuf à baiser.
Ton désir il me fait gerber.
Arrête de me mater.
Après, on me traite d’enragée, on me dit que je suis trop énervée, que ça dessert mon discours, tu veux me calmer, toi le mec qui n’a « rien dit », tu trouves ma réaction disproportionnée quand tu viens me parler alors que tu n’as « rien dit ». Tu n’assumes rien, tu ne te rend compte de rien car tu te sens légitime. Légitime de me mater, pendant parfois des dizaines de minutes et dès que je tourne les yeux je tombe sur ton regard, je le fuis et j’y reviens car il me met mal à l’aise, comme dans le métro, comme dans la rue, et toi tu ne scilles pas, tu me mattes, en interprétant mon regard qui revient comme une invitation. Tu ne songerais même pas au fait que des regards insistants et déshabillants sont tout aussi oppressant que des mots.
Arrête de me mater, mes habits, mes bijoux, mon maquillage ne sont pas pour toi.
Toi, petit anar, quand je débarque dans un lieux, même si tu me trouves jolie et que tu ne m’as jamais vue, arrête de me mater, ne commence même pas à me mater.
Nous subissons déjà ça partout où nous allons, je ne sais pas combien de paire d’yeux se posent sur mes jambes ou ma taille tous les jours.
Je demande du répit. Je demande de pouvoir me sentir bien dans nos espaces communs.
Ne matte pas. N’accoste pas si tu n’y est pas invité. N’harcèle pas.
Renseigne toi sur ces questions là.
Le consentement c’est aussi ça.
Comment dire …. vouloir contrôler les regards (qui sont sur-interprétés ) ….
Petit anar femministe arréte d’exister tu me gênes. Rien qu’à l’idée d’aller dans une réunion ou il y aurait des mecs je ne me sens pas safe. Passe encore dans la rue. Mais dans un lieu ou je devrais être bien, je sais que même si tu ne leves pas la tête pour me regarder c’est qu’en réalité tu penses à me baiser. Mais que ton hypocrisie insupportable t’empéche de poser tes yeux sur moi. Tu m’obliges à partir par ton insistance à être là.
Ne parlons pas aux gens qui genrent.
Nous ne parlons pas à celleux qui divisent, normalisent (et créent) le monde entre seuls hommes et femmes.
Nous ne parlons pas !
Du coup, je vais commenter ton texte d’un point de vue féministe radical.
Je comprends tout ce que tu racontes. Je l’ai vécu. Il te regarde. Tu sais pourquoi il te regarde. Lui et toi savez très bien la fonction sociale de ce regard. mais tu ne peux rien dire, parce que si tu dis quelque chose, il et tout ses amis avec lui te diront que tu imagines des choses (bah oui, tout le monde sait que les femmes sont hystériques).
Donc, deux solutions. Soit tu continues à t’organiser avec des hommes. Ils continueront à te regarder. Tu continueras à devoir porter le poids social de leur regard. Tu continueras à devoir supporter la menace que ce regard communique. Tu pourras écrire autant de texte que tu voudras, tu n’auras jamais ni le pouvoir ni la force de contrôler leur regard.
Soit tu décides de ne t’organiser qu’avec des femmes. Tu t’extrait de leur regard dans les moment « militants ». Tu mets ton énergie à autre chose que repérer leurs yeux. Tu construit de la solidarité avec des femmes. Et ça te permets ensuite d’agir contre eux, de manière éventuellement violente. Tu ne perds plus ton temps à écrire des texte qui tomberont à l’eau quoi qu’il arrive et qui n’attireront que les misogynes, comme c’est le cas ici.
Bon courage.
Ce que j’ai remarqué, le plus souvent, c’est plutôt l’inverse de ce que raconte l’auteure du texte. Ça doit dépendre des endroits…
Évidemment que dans les endroits les plus peuplés, les plus « normaux », on va trouver masse de mecs pour mater les meufs les plus « sexy » (pas forcément les plus « normées » en fait). Pour faire des commentaires, et parfois se permettre des choses qui tombent dans le harcèlement ou l’agression. C’est au mieux gênant, au pire révoltant et inacceptable. On ne lutte pas contre le patriarcat sans raison, y a des tas de raisons de le faire.
Mais est-ce qu’on doit perdre tout discernement pour autant ?
Ce dont j’ai l’impression, dans la plupart des lieux du mouvement anarchiste/autonome/anti-autoritaire, c’est plutôt que les meufs (et mecs) qui dénotent au niveau des codes, y compris des codes vestimentaires, sont généralement mal regardé.e.s, mal vu.e.s, car pas assez dans « nos » normes. On les regardera plutôt avec mépris et dédain qu’avec désir. Et au final, c’est pas forcément « mieux », parce qu’on reste dans un truc de classer les gens, de les juger en fonction de leur apparence.
Et si aduler les gens pour leur beauté physique ou leurs tenues affriolantes est assez pathétique, ça l’est tout autant que de les rejeter pour les mêmes raisons. On pourrait aussi se demander *comment* (ne pas) regarder les gens, comment je-tu-il-elle on se sent pas assez, ou trop, regardé, comment les normes de beauté jouent là-dedans, et les habitudes qu’on a, comment réussir à pas mettre tout le monde dans le même sac même quand trop de mecs nous matent de manière gluante (j’ai pas de problème à dire que #notallmen, simple question de bon sens, c’est une réalité que tous les mecs ne sont pas les mêmes et n’ont pas les mêmes comportements, et ça me paraît même dingue de devoir écrire de telles évidences…). Bref y a un paquet de questions un peu plus complexes qui pourraient se poser au lieu de simplement pointer du doigt les uns et les autres.
Mais si remettre en question tout propos féministe est forcément « ultra-misogyne »…
Ouah ça censure les commentaires à vitesse grand V.
Et pas que ce gros faf puant de bec-rageur.
Un commentaire a été caché.
Le commentaire n’était pas forcément pire que d’autres déjà publiés. Mais il participe à invalider et discréditer le témoignage de l’article.
Je trouve que c’est précieux que des témoignages comme celui-ci soient publiés. On peut ne pas être d’accord avec, mais je trouve que c’est pas obligé de l’exprimer.
Il y aura toujours des tas de trucs sur internet avec lesquelles vous ne serez pas d’accord. C’est pas grave, allez lire d’autres trucs qui vous interesse plus.
Donc il suffit d’exprimer son désaccord avec un texte pour être censuré. Même si on le fait sans empiéter sur la charte d’indymedia nantes, simplement parce qu’on explique un autre point de vue ?
Ok, super…
Je tombe des nues.
On met dit que si je ne suis pas d’accord « c’est pas obligé de l’exprimer ».
Bah ça tombe bien, je ne me suis senti.e obligé.e de rien.
Mais là, on m’a surtout obligé.e à fermer ma gueule, tu vois ?
Bah en fait, ton commentaire était carrément abusé.
Tu as écrit « Quand on cherche à être joli?e, c’est aussi pour être regardé?e ».
Qu’est ce qui te permet de dire ça ? L’auteure du texte témoigne du contraire. Invalider le point de vue des meufs, c’est sexiste, et ça va à l’encontre de la charte d’indy.
Quand une personne témoigne de ce qu’elle vie et qu’elle se fait attaquer par tout le monde, ça me pose problème.
Facile de sortir un bout de phrase de son contexte pour me faire passer pour je sais pas quoi (« sexiste », allez). Il me semble que mon commentaire était bien plus subtile que ça, mais bon maintenant qu’il est dans les poubelles de l’histoire tu peux donner les bons et les mauvais points, allez.
Par ailleurs, quand tu m’écris « invalider le point de vue des meufs, c’est sexiste, et ça va à l’encontre de la charte d’indy », je ricane bêtement mais ça me rend en réalité très triste:
1- Je n’invalide pas le point « des meufs » mais d’une meuf, et encore, d’un texte. Et je n’invalide pas tout ce qui y est écrit, loin de là !
2- Si critiquer les propos d’une meuf c’est forcément sexiste, si critiquer les propos d’une meuf va forcément à l’encontre de la charte d’Indymedia Nantes, alors ça promet un niveau de débat élevé. Il va falloir montrer patte blanche (hum) avant de pouvoir s’exprimer ?
3- Ça ne doit pas être facile de savoir quoi accepter comme textes et commentaires quand les textes sont anonymes et qu’aucun genre / race / classe ne semble transparaître clairement… Vous faites comment dans ces cas-là ?
4- Et quand une meuf critique une autre meuf, c’est qui qui gagne ?
Désolé de terminer sur de l’ironie, mais ça me fait mal au coeur d’avoir bataillé pendant des années avec les crétins de « l’anti-racialisme » et leurs idées bas de plafond pour me retrouver désormais au milieu de propos et de positions qui suintent l’identitarisme et l’essentialisme.
Non il ne suffit pas d’avoir une étiquette anarchiste/communiste/autonome/comité invisible/individualiste/nihiliste/je-sais-pas-quoi pour être au-dessus de toute critique et ne jamais se remettre en question.
Mais c’est pareil avec les identitarismes, il ne suffit pas d’être plus-opprimée-que-moi-tu-meurs pour avoir toujours raison et être au-dessus de toute critique. Ça fait de la peine d’avoir à dire ça en 2020: remplacer l’archaïsme « écoute la vérité du pouvoir riche blanc masculin hétéro » par « écoute la vérité du ressenti de l’opprimé.e », très peu pour moi. Je ne veux pas remplacer un dogme par un autre. La critique sociale se fait avec des cerveaux et des corps, des idées et des actes. Pas avec des certificats d’identité.
Je me sens concerné par ton témoignage. Et il me fait réfléchir, me remettre en question.
Je l’ai lu une première fois. Je me suis dit « hmm, intéressant », puis je suis parti faire autre chose.
Maintenant que je vois qu’il y a des commentaires qui le dénigrent, je sens le besoin de commenter à mon tour.
Je me sens concerné par la critique parce que j’ai peut-être des comportements qui participent à ce qui est décrit dans l’article, sans pour autant aller aussi loin. Je pense que je ne mate pas avec insistance, et je tourne vite le regard quand je me fais surprendre à regarder quelqu’un.e que je ne connais pas. Mais même comme ça, j’ai envie de réfléchir à ce que ça renvois.
Quand je suis dans le tramway, j’aime regarder les gens qui y rentrent. Tout les gens. Avant tout sur un truc de curiosité. Qui sont les gens qui viennent partager avec moi un voyage en tram ? Ont-iels l’air de bourges ou de prolos ? Tiens cette vielle à l’air de boiter un peu. Cela semble bien innocent, n’est ce pas ? Mais est-ce que ça l’est vraiment ? Est-ce que je vais regarder un peu plus les femmes qui me semblent jolies ? Est-ce que mon regard va être attiré par les jolies collants d’une passagère ? Et si je ne suis pas le seul, et que trois autres gars font pareil ? Qu’est ce que ça fait à une meuf seule qui entre dans le tram de se trouver face à quatre gars qui la regardent de la tête au pied ?
Je dis pas que c’est forcément problématique, je dis que ça vaut au moins le coup d’y réfléchir. A partir de quand un regard peut devenir oppressant ? C’est – il me semble – difficile à dire et ce sont des limites qui vont changer en fonction des personnes en face. C’est pour ça que c’est important que des personnes témoignent, pour qu’on puisse avoir un retour critique sur nos pratiques.
Je remarque aussi que les mecs se sentent beaucoup plus de libertés de regarder les gens autours d’eux que les meufs. Parce qu’une meuf dans le tram qui regarde les voyageurs qui montent prends le risque que les mecs voit ça comme une « invitation à la drague » et que souvent, ça donne des interactions chiantes.
J’entends déjà répondre « bah on peut plus rien faire alors ! ». Pour moi, il ne s’agit pas de ça, il s’agit de réfléchir à ce qu’on fait et aux conséquences que ça peut avoir pour d’autres gens.
merci pour ce témoignage et cette parole …
Ce harcèlement visuel est ultra subjectif donc super dur à fixer, à conceptualiser, à limiter, à concevoir …
Bisous
il me fait réfléchir ce texte… Je croise une jolie femme et je passe quelques secondes à la regarder, si elle me regarde et je lui fait un sourire… je me demande si je mate… Je n’ai pas d’arrière pensée, je vous trouve belle… rien de plus, il est pas question de bestial c’est sentimental… il fait réfléchir ce texte parce que si dire à une fille « vous êtes magnifique », que ce soit avec les yeux un sourire ou la bouche c’est devenu forcément de la drague comment simplement exprimer une pensée positive d’une homme à une femme ? je suis du genre à tenir la porte et penser qu’un compliment peut faire du bien… ou en tout cas je n’imaginais pas que ça puisse faire du mal… Alors il me fait réfléchir ce texte.