MÊME CONFINÉS, ON EST LÀ !

La crise et le confinement que nous vivons depuis bientôt trois semaines et pour une durée inconnue, met en lumière de manière brutale les mécanismes du système capitaliste mondial.

Les inégalités entre les travailleurs et les patrons qui les exploitent sont exacerbées.

La liste s’allonge chaque jour de témoignages de situations déjà dures avant cette crise, qui deviennent critiques que ce soit à propos des salaires, du travail, du logement, de la répression, ou de l’accès à la santé… C’est la dégradation rapide et généralisée de nos conditions de vie.

Les mesures prises par le gouvernement peuvent sembler confuses et contradictoires, pour autant une logique s’en dégage : c’est nous qui allons continuer à bosser, qui allons prendre des risques sanitaires, qui travailleront gratuitement ou presque, qui souffriront physiquement et moralement du confinement dans nos petits apparts, et c’est nous qui pourrons être verbalisés puis condamnés.

 

« L’ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse… »

Le chef de l’Etat, relayé par les médias, nous dit que nous sommes en guerre. Et ça marche sur beaucoup de personnes qui diffusent cette idée. C’est utile que l’on y croit pour plusieurs raisons. D’abord ça laisse entendre que les décès du Covid 19 seraient des victimes civiles d’un conflit, certes regrettables mais inévitables. Sans avoir à expliquer qu’ils sont dus à la défaillance du système de santé publique, organisée depuis longtemps par les gouvernements successifs et aux choix meurtriers de la rentabilité de la santé.

Ensuite, l’état de guerre justifie la répression, qui se dote de nouveaux moyens juridiques et techniques au fur et à mesure que progresse le confinement, comme la géolocalisation des abonnés, les plusieurs centaines de milliers d’amendes, les couvre feux…

Et enfin, comme c’est la guerre, on veut nous faire croire qu’il est évident de renoncer à des libertés ou des plaisirs. Les seules « libertés » encore autorisées sont celles de travailler et d’acheter. Quant aux plaisirs, oubliez-les, nous ne sommes pas en vacances.

 

« …Et cela requiert notre mobilisation générale »

Pour faire passer la pilule, l’Etat en appelle à « l’Union nationale » qui n’est qu’un moyen de gommer les inégalités de classe en niant leur existence. La culpabilisation des travailleurs et particulièrement des plus mal lotis, tend à nous faire penser que la contamination serait de leur responsabilité. Encore il y a peu, le préfet Lallement va dire que « les gens qui sont en réanimation sont ceux qui n’ont pas respecté le confinement … ».

Tous ces discours, en plus d’être l’expression d’un mépris de classe très ordinaire, veulent nous faire taire et nous empêcher de nous rebeller tandis que les conditions d’exploitation sont exacerbées.

Alors, si une guerre existe, ce n’est pas celle de tous contre une maladie, c’est la guerre sociale : celle des travailleurs contre l’Etat.

 

Le télé travail, exploitation à domicile

Dans ce contexte d’assignation à résidence pour tous, une partie du travail salarié se confine également. Ce procédé pourrait paraître moins oppressant : choix des horaires, pas de chefs qui nous surveillent, moins de tâches à effectuer…

Mais les chefs ne sont pas loin et déploient de l’inventivité pour nous contrôler par le biais des outils informatiques. Par ailleurs, les télé travailleurs se retrouvent isolés de leurs collègues et donc plus vulnérables. Le télé travail est un fantastique moyen pour les patrons, d’empêcher toute protestation collective sur les conditions de travail. Aujourd’hui, le recours massif au télétravail est une phase de test intéressante car elle leur permet aussi d’économiser les frais de structures (chauffage, électricité, ordinateur) que nous payons à leur place. Si ce test s’avère positif, il est très probable que le télétravail se normalise même après le confinement. Il est temps de demander une augmentation !

Associé au confinement, la vie professionnelle et la vie domestique se mêle confusément, en appelant à l’auto discipline de chacun. La situation des parents est particulièrement contradictoire : il faut télé travailler, faire l’école aux enfants, entretenir la maison et tout ça en même temps et dans le même espace clos, ce qui est impossible.

 

Le temps de rien

Pour ceux qui ne travaillent, ni ne télé travaillent, il reste tout ce temps. On nous encourage à nous cultiver, à créer des liens avec nos voisins (mais pas trop non plus), à jouer avec nos enfants (mais pas dehors), comme si tout ce temps devait être mis à profit pour notre développement personnel. Mais ce temps, même débarrassé du travail, n’a rien de libre, ni d’émancipateur. Contrairement aux périodes de lutte et de grève qui nous font sortir du travail et du quotidien. Et ainsi, nous donnent un temps que nous choisissons de remplir par l’organisation collective et l’action. Précisément ce qui nous est interdit actuellement.

 

Une crise et le retour à la normale

Le gouvernement cherche à nous convaincre du caractère exceptionnel de cette crise. Mais les décès liés au travail ou à la misère de nos conditions de vie existaient déjà. Les morts parfaitement évitables dans les hôpitaux. Les réformes visant à faire baisser les salaires (retraite et assurance chômage) aussi. La répression policière et judiciaire, également. Le temps libre, n’est que le temps que veut bien nous laisser notre employeur ou Pôle Emploi.

Le « retour à la normale » après la crise n’est pas enviable. Le système capitaliste se crispe à nouveau et les Etats ne font plus semblant d’être démocratiques, mais s’affichent comme ce qu’ils n’ont cessé d’être : des bons gestionnaires au service des plus riches. C’est nous qui allons payer pour cette crise, pour que ce système qui n’existe pas sans l’exploitation des prolétaires, se maintienne.

Il n’y a qu’à voir les ordonnances de l’état d’urgence sanitaire en vigueur jusqu’au 31 décembre, qui augmentent le temps de travail sans augmenter les salaires, visent à maintenir le profit des entreprises et des patrons en économisant sur les salaires. Tout ça n’est que le début d’une période d’austérité qui nous mettra à genoux.

Il est dans notre intérêt, hier comme aujourd’hui, de nous organiser ensemble par la solidarité et la lutte.

 

La défense s’organise toujours à plusieurs

Nous sommes encore dans le sillage d’un an de révolte des gilets jaunes, suivie de plusieurs mois de grève reconductible dans de nombreux secteurs. L’Etat nous contraint au confinement, mais la conflictualité est toujours présente.

A l’heure où nous écrivons, nous sommes beaucoup à ne pas être dupes et bien que privés de nos moyens de lutte que sont les manifs, les blocages, les rassemblements et les assemblées, nous ne sommes pas impuissants.

Des travailleurs qui se rendent encore chaque jour au boulot, dont les conditions de travail se sont considérablement dégradées (allongement du temps de travail, intensification des cadences, risque sanitaire…) ont montré qu’il est nécessaire et possible de se défendre. Il y a eu des débrayages, des droits de retrait collectifs, des appels à la grève lancés dans certains secteurs (livreurs, LaPoste, grève générale du 25 mars en Italie, appel grève fonction publique…).

En Pratique : Pour ceux qui travaillent encore il existe le droit de retrait, en revanche les employeurs mettent la pression pour qu’il n’ait pas lieu, le faire appliquer impliquera un rapport de force avec l’employeur.

Pour plus de chance de succès, discutez-en avec vos collègues et utilisez ce droit collectivement.

Pour les travailleurs isolés, contraints de travailler chez eux, si les luttes sont difficiles à organiser…

En pratique : les excuses ne manquent pas : pas d’ordi à la maison, pannes d’ordi, panne de réseau, panne de box, panne de clavier, écran cassé etc. On peut aussi s’organiser avec ses camarades de travail pour saturer les réseaux, prévoir une heure précise où l’on télécharge de volumineuses bases de données pour faire bugger le réseau. Il doit exister mille et une façons de faire bugger les serveurs.

Depuis le début du confinement, plusieurs centaines de millier d‘amendes ont été dressées. Lors du contrôle il est difficile de se défendre…

En pratique : il est possible de le faire après, en contestant vos amendes.

Pour les locataires, un appel à la grève des loyers est lancé et ce, dans plusieurs pays. Concrètement, le chômage partiel est en soi une perte de salaire pour des millions de travailleurs. Concernant les allocations CAF, les délais interminables de traitement et les difficultés d’accès aux aides étaient déjà la norme, avant la crise. Sans parler des travailleurs non déclarés qui sont totalement privés de revenus.

En pratique : Ne pas payer nos loyers du mois d’avril, par solidarité ou par nécessité, s’il faut choisir entre ça et manger.

Si le confinement rend encore plus difficile l’organisation des travailleurs,

En pratique : On peut accrocher des banderoles que ce soit sur la gestion de la crise ou la gestion du pays par le gouvernement, les motifs de mécontentement ne manquent pas. Rompez l’isolement, balancez vos banderoles au balcon.

Organisons des assemblées générales de vis à vis. On rêve tous d’avoir un logement sans vis-à-vis, malheureusement ce n’est pas le cas, lorsqu’on ouvre nos fenêtres on a toujours quelqu’un en face. Profitons de ce confinement pour briser la glace, discuter, échanger nos avis sur la situation, et surtout organiser la révolte.

Même confinés, on est là !

Défense Collective Marseille

6 avril 2020