Dossier altercroissance / prÉambule
Catégorie : Global
Thèmes : Archives
Avant d’aller plus loin dans mon travail de révolution pratique et de lâcher quelques dossiers explosifs, un travail de fond s’impose. A mon sens, livrer des techniques pour sortir sereinement du système marchand sans réflexion préalable peut s’avérer contreproductif. C’est pourquoi, j’ai décidé de m’atteler à ce dossier qui avancera chapitre par chapitre sur le site Bellaciao avant d’être diffusé plus largement. Cette fois-ci le thème abordé ne sera rien de moins qu’un des piliers de la gauche [la vraie], à savoir : la décroissance. Ça commence à faire un bon moment que je réfléchis là-dessus, que je teste, que je me documente, que je consulte et que j’observe. Maintenant que tout cela a bien mûri, il est grand temps que je mette tout ça en forme, d’autant plus que le capitalisme devient de plus en plus agressif. Il est donc plus qu’urgent de l’envoyer à la niche avec des d’alternatives solides comme le roc. Sans idéologie digne de ce nom, l’autre monde possible réclamé à cor et à cri par l’hétéroclite mouvance altermondialiste restera à l’état de chimère. Durant toute l’élaboration de ce dossier votre participation sera la bienvenue, vous êtes toutes et tous cordialement invités à venir débattre en bonne intelligence, partager vos expériences, exposer vos interrogations… Ce travail doit jusqu’au bout être le fruit d’une réflexion commune, je n’en suis que le modeste compilateur. Chaque intervention dans un but constructif compte, il n’est pas question d’asséner des dogmes, ni de réinventer l’eau tiède, mais de construire une œuvre collective dans laquelle chacune et chacun puisse se reconnaître. Le but d’un travail sous copyleft n’est pas d’en retirer des avantages personnels, mais bien au contraire de s’effacer le plus rapidement possible afin qu’il soit récupéré au maximum.
Surréaliste éditions vous souhaite une bonne lecture.
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A en croire les théoriciens de la gauche contemporaine, la décroissance serait la panacée universelle pour contrer le monde marchand. C’est en partie vrai, mais c’est surtout un discours dangereux pour qui n’a pas compris le concept. Et ils sont nombreux à brailler des inepties du genre « décroissance totale et immédiate !», ou encore à croire que c’est une fin en soi. Mais quelle erreur ! Comment voulez obtenir une quelconque crédibilité avec un discours aussi radical ? On atteint ici les limites du ridicule. Personne disposant d’une once de bon sens n’a envie d’aller dans cette direction.
S’il est vrai qu’il peut paraître tendance de prôner la décroissance dans les milieux aisés, ça l’est beaucoup moins dans les milieux modestes. Allez donc expliquer à un érémiste qu’il faut qu’il décroisse. Allez donc expliquer à un africain dont le ventre crie continuellement famine qu’il faut qu’il consomme moins. C’est sûr et certain, non seulement votre discours ne trouvera aucun écho, mais en plus vous risquez d’essuyer le courroux de votre interlocuteur du moment. C’est toujours facile de dire qu’il faut consommer moins quand on consomme trop et beaucoup moins quand on manque de tout. Quand on sait que l’on doit évoluer par la base et non par la pseudo élite de parvenus dont il n’y a rien à attendre, ce point est extrêmement important pour qui veut trouver un écho chez les 60% de désabusés du système qui ne demandent pas mieux que de changer les règles du jeu pour peu qu’on leur présente un réel projet d’avenir qui leur donne envie de se bouger. Autrement dit, un projet qui leur parle.
Le mot « décroissance » souffre du même problème que le terme « antimondialisme » en son temps. Il est tout simplement inapproprié. Les alters qui étaient qualifiés ainsi avaient du mal à se reconnaître dans cette appellation car la majorité d’entre eux sont en grande partie des anationalistes qui aspirent à vivre dans un monde complètement ouvert et toujours plus solidaire. On est donc loin de l’antimondialisme qui laissait à penser qu’il s’agissait d’un mouvement réactionnaire visant à geler le rapprochement et la coopération entre les peuples. Pour la décroissance, il en va de même. Il ne s’agit pas de décroître, mais de progresser différemment. Toute la nuance est là. C’est pourquoi nous allons parler d’altercroissance et non de décroissance qui véhicule un message rétrograde qui n’a rien à voir avec les valeurs humanistes qui vont de pair avec le progrès.
A coté de ça, je ne suis pas sans ignorer la signification de ce concept sur le plan économique. La doctrine de décroissance a été développée pour contrer celle de la sacro-sainte croissance. Pour pouvoir continuer à vivre, le monstre capitaliste exige sans cesse plus de ressources, c’est pour cela que l’on a cru bon de le combattre en employant une technique toute aussi radicale à l’inverse de la sienne. Pour ma part, je suis loin d’être convaincu qu’il faille toujours éteindre un incendie avec de l’eau. Entendez par là, combattre une radicalité par une autre. Il faut toujours bien faire attention à ce que le remède ne soit pas pire que le mal et que les dommages collatéraux éventuels ne se transforment pas en catastrophe à retardement. Une des idées qui sera développée dans ce dossier c’est que la décroissance n’est qu’un levier de l’altercroissance parmi d’autres. Une fois les choses rentrées dans la logique, croissance et décroissance ne seraient utilisées qu’à des doses infinitésimales pour ajuster au plus prêt une gestion à la fois respectueuse de l’écosystème et du bien être de la seule communauté qui tienne : celle des êtres vivants. A partir de là, on devrait tenir le bon bout.
Personne n’a envie de retourner à l’âge des cavernes. La nature intrinsèque de l’homme c’est d’aller vers le progrès. Alors oui, c’est vrai, bien souvent les découvertes scientifiques ont des effets néfastes. Mais est-ce de la faute des inventeurs ou de ceux qui utilisent leurs travaux à mauvais escient ? Ce n’est pas parce que l’on fait une mauvaise utilisation du progrès qu’il faut le rejeter en bloc. C’est en faisant avancer la science que l’on pourra gérer mieux notre environnement et nos ressources, et certainement pas en avançant à reculons. C’est un point important qu’il faut prendre en considération sous peine de passer pour des obscurantistes.
La gauche a parfois un point commun avec les religions, c’est qu’elle prêche l’austérité. L’éloge du dénuement est un exercice qui lui plaît mieux que de prôner l’élévation de la qualité de vie. En définitive, peut-on dire d’un occidental moyen qu’il consomme trop ? Personnellement, je ne le pense pas. Je suis plutôt persuadé qu’il consomme mal. Dans l’absolu, quoi que l’on en dise, il faut bien au minimum pouvoir boire, manger, se vêtir et se loger. Quel théoricien pourrait-il y changer quelque chose ? Aucun ! Après il y a ce que le progrès nous apporte. Des machines qui nous aident dans notre travail ou qui le font à notre place. Des moyens de transport qui nous permettent de découvrir le monde et d’aller où l’on a envie, il faut bien l’avouer, c’est dur de s’en passer. Quant aux moyens de communication, tels le téléphone ou internet, qui a réellement envie de faire totalement une croix dessus ? Je ne parlerai même pas des progrès médicaux, si quelqu’un veut aller se faire arracher une dent sans anesthésie, c’est son droit, mais ce n’est même pas la peine d’essayer de me faire retourner « aux bonnes vieilles méthodes ». Si je schématise à l’extrême, c’est parce que l’esprit de nombreux militants en fait de même. Faute de regarder en haut, par dépit, on tombe dans des clichés qui ne séduisent que les aigris de la vie. L’altercroissance ça commence par le nivellement vers le haut. Certes, je sais bien qu’il est plus facile de faire retomber le niveau de vie des citoyens du monde à celui des habitants de l’Éthiopie que de le faire progresser à celui des européens, mais à coeur vaillant, rien d’impossible. C’est pourquoi, avant toute chose, il faut commencer par arrêter de regarder le monde par le petit bout de son nombril et faire abstraction de son égoïsme. Si on consomme mal, c’est aussi parce que le monde consomme sans aucune cohésion. En observant la situation dans son ensemble, nous verrons dans les prochains chapitres qu’il est possible d’augmenter encore notre qualité de vie tout en respectant notre environnement et en tenant compte des ressources qu’offre notre planète.
C’est pour toutes ces raisons que nous allons employer le néologisme altercroissance et non le terme décroissance pour qualifier une alternative viable au capitalisme. Rien ni personne ne peut arrêter le progrès, il s’agit juste de le canaliser pour qu’il soit positif et non destructeur. De nombreuses expériences le prouvent, on vit beaucoup mieux quand on le fait dans le cadre de l’ordre naturel des choses. L’écosystème de notre planète repose sur des cycles dont la mécanique est facile à comprendre. Plus explicitement, à partir du moment où l’on est dans le renouvelable et l’exploitation des ressources maîtrisée, il n’y a plus lieu de se priver de quoi que ce soit.
Mise en ligne du premier chapitre : mercredi prochain
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PS : Pour ceux qui ont suivi le précédent dossier consacré au biodiesel [HVB], sachez qu’il est en cours de traduction en plusieurs langues et qu’il sera très prochainement disponible intégralement dans la langue de Shakespeare.
Vous pouvez trouver le dossier biodiesel au format PDF ci-dessous :
Version à télécharger (PDF + zip)
Ainsi que toutes nos éditions papier à prix libre en cliquant le lien que voici :
http://www.surrealiste.org/modules….
AuteurE(s): Matt Lechien
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