Un matérialisme si particulier
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Racisme
Cette tribune, qui prétend représenter les féministes « radicales et matérialistes », se caractérise notamment par :
une vision biologisante du genre et du sexe (nées hommes, les femmes trans revendiqueraient une identité de genre sans fondement, sans réalité, car être femme serait une réalité objective, biologique même, une donnée et non pas un processus, dont attesterait la morphologie, « un double chromosome X et, sauf malformation ou anomalie, un appareil génital qui permet la gestation et l’accouchement d’un enfant » – on croit rêver !) ;
un pur et simple déni d’existence à l’égard des femmes trans (la question de leur appartenance au groupe des femmes étant posée –première violence– et une réponse négative étant explicitement et brutalement apportée –seconde violence– tandis que le processus difficile, complexe, de la transition, semé d’embûches sociales, médicales, juridiques, est réduit tout au long du texte à une « simple déclaration d’identité », fondée sur un simple « ressenti », présenté lui-même comme un caprice sans fondement) ;
une fausse empathie, superficielle, dépolitisée, condescendante (les signataires, qui disent comprendre le fait de se sentir « pas nées dans le bon corps », rabaissent des revendications politiques au rang de mal-être individuel, les prestiges de la dimension politique étant réservés à « la » lutte féministe, celle des femmes dotées des « bons » organes dès la naissance) ;
une vision paranoïaque, véritablement phobique (la tribune exprime un refus d’inclure les femmes trans dans les lieux féministes, voyant en elles des intruses, qui cherchent à y prendre le pouvoir et imposer leurs revendications ; un ennemi est créé de toutes pièces, un groupe entier est essentialisé et stigmatisé, érigé en menace pour « la survie de nos droits et de notre intégrité », ni plus ni moins, tandis que les violences et les discriminations subies sont purement et simplement passées sous silence).
En même temps que le contenu du texte, la liste des signataires nous a consterné.e.s. À côté d’inconnu.e.s, ou d’activistes connu.e.s pour de nombreux combats d’arrière-garde (et notamment islamophobes), se trouve une sociologue et militante qui, sur de tout autres bases, dans de tout autres luttes, avec de tout autres écrits (dont certains repris ici même, sur ce site), a beaucoup compté pour nous. La désolation présente n’efface pas ce passé – ni d’ailleurs n’empêche des discussions futures – mais réciproquement ce passé ne saurait aucunement minimiser la colère, la tristesse, la consternation présentes. Nos différends, en particulier sur « la question trans », ou plutôt la transphobie, ne datent pas de ce texte, mais un nouveau cap est franchi, qui nous interdit de nous taire. Malheur, décidément, aux peuples qui ont besoin de héros, ou d’héroïnes. Et malgré l’amertume, vive la lutte des femmes, de toutes les femmes.
notes
[1] Finalement retrouvée, reproduite ici, pour qui voudrait la lire in extenso : https://headtopics.com/fr/blog-question-trans-les-colleuses-contre-les-feminicides-se-divisent-et-toutes-les-femmes-sont-11248303
http://lmsi.net/Un-materialisme-si-particulier
Le site LMSI est-il encore pris au sérieux ? Entre les falsifications de Tevanian sur Marx et la religion et ses appels à voter bien aux présidentielles…
Sur le sujet en lui-même, il ne suffit pas de prendre comme son air outré (« on croit rêver! ») pour que cela ait valeur d’argument. Le genre n’est pas une « construction sociale » tombée du ciel des idées un jour, il se fonde sur une réalité biologique et les propriétés qui vont avec, en premier lieu la reproduction de l’espèce dont dépend la reproduction de la société.
« il se fonde sur une réalité biologique et les propriétés qui vont avec, en premier lieu la reproduction de l’espèce dont dépend la reproduction de la société. »
Le patriarcat appropriateur des « femmes » est d’accord avec toi.
La reproduction de l’espèce… il n’y a plus que les biologiques attardés et autres scribouillards militants ou pour manuel SVT qui en parlent encore :)))
J’en ai marre, mais vraiment, vraiment marre. Yavait des choses dans l’article publié sur le Huffington Post avec lesquelles j’étais pas trop d’accord, mais cet article-ci me met en rage.
NON, femme n’est pas une identité. Non, non et non. Et je ne comprends pas comment des gentes qui ont des perspectives révolutionnaires (en tout cas, j’espère que vous avez des perspectives révolutionnaires) peuvent adhérer à cette idée.
Faire de femme une identité, c’est à dire quelque chose que l’on « sent » en soi, quelque chose selon lequel on a envie de vivre, quelque chose que les autre doivent reconnaitre en nous, quelque chose qui doit être validé par autrui (et ces autrui sont le plus souvent des femmes- travail émotionnel bonjour), c’est REAC.
mon dernier commentaire n’apparait plus dans la liste des commentaires…
On a effectivement caché des commentaires, les considérant hors charte pour l’essentialisme qu’ils véhiculaient. Ils n’amenaient pas non plus grand chose à part des injonctions à s’expliquer. Y’a déjà beaucoup de sites où des propos de ce genre sont relayés.
Ah, ben du coup, je ne suis pas d’accord avec l’accusation d’essentialisme que vous me faites porter. Mais comme vous avez supprimé mon commentaire, personne à part moi et vous ne pourra jamais savoir.
J’aimerai bien que vous me disiez ce que vous avez trouvé d’essentialiste dans le commentaire que vous avez supprimé. Parce que en fait, je renvoyais la balle aux personnes qui ont posté cet article en leur faisant remarquer qu’illes ont beau jeux de mettre en doute de la matérialisme des féministes quand elleux-mêmes n’expliquent pas de manière matérialiste les positions qu’illeux défendent.
Ça censure sec sans même comprendre ce que veut dire essentialisme, en effet !
Visiblement c’est désagréable de rappeler que pour qu’il y ait des idées, il faut avant tout de la matière. Donc pour que des genres soient socialement construits, encore faut-il qu’il existe une réalité biologique, les sexes, à discriminer.
merci mdr et ras le bol je suis pas le seul à en avoir marre,
et c’est marrant aussi de voir comme c’est tabou de parler de ça,