1. Première contradiction :négocier avec l’Etat et le patronat de meilleurs avantages consiste à négocier le taux d’exploitation. On ne participe pas à détruire la cause du couple « oppression/exploitation ». C’est-à-dire le couple « Etat/patronat ». Négocier son taux d’exploitation c’est soi-même autoriser la bourgeoisie à exploiter. C’est légitimer son oppresseur que de négocier avec lui la forme et le niveau de son oppression. 
  2. Deuxième contradiction :les revendications immédiates sont intégrables par le capitalisme. En restant dans la logique du capitalisme et, par contre coup, dans les possibilités qu’il offre avec un peu de, soi-disant, « réalisme et pragmatisme », on saura très vite ramener des revendications à un niveau acceptable et sous couvert, là encore, de « réalisme et de pragmatisme ». « Ne nous conduisons pas comme les extrémistes démagos ! » n’arrêtent pas de nous répéter les bons syndicalistes respectables et responsables. « Réalisme » et « pragmatisme »(1)doivent faire leurs œuvres pour conserver les revendications dans les limites du possible des contraintes de l’économie capitaliste : à savoir limiter les coûts salariaux pour que les productions soient compétitives sur le marché, maintenir des équilibres budgétaires afin de diminuer la pression fiscale, surveiller la balance des paiements, etc. 
  3. Troisième contradiction :lorsque la dynamique des luttes rentre dans une phase critique, les revendications immédiates peuvent sauver le capitalisme et sa bourgeoisie. En effet, l’agitation va obliger le patronat et l’Etat à lâcher de la monnaie. Cette dernière équivaut à faire des achats, donc à augmenter le pouvoir d’achat des ménages. Les dépenses des ménages vont stimuler la croissance qui laissera croire à une embellie de l’économie pendant un à deux ans.  La satisfaction de certaines revendications ramènera la paix sociale, sauvant politiquement le capitalisme, puisque l’Etat et le patronat peuvent satisfaire les exploité-e-s. En lâchant quelques miettes aux exploités, la bourgeoisie espère sauver l’essentiel sachant qu’elle pourra reprendre petit à petit ce qu’elle aura lâché. Le plus bel exemple récent est « Mai 1968 » où le patronat et l’Etat, relayés par les valets du syndicalisme réformiste, se sont empressés de juguler l’action et la démocratie directe, la grève générale, la crise politique qui menaçaient le capitalisme, en octroyant des avantages jamais égalés : les fameux « Accords de Grenelle » qui se sont amincis à ce jour comme une « peau de chagrin ». Une fois le calme revenu, la bourgeoisie sait reprendre ses affaires les années suivantes : un peu d’inflation, une augmentation des impôts et de la productivité (cadences, horaires, nouvelles organisations de la production(2)), des restrictions salariales (salaires, prestations sociales, retraites, etc.) rogneront les avantages acquis.   Profitant de la retombée et de la passivité, le patronat purgera ses entreprises des militant-e-s révolutionnaires et renforcera l’emprise du syndicalisme réformiste plus « réaliste » et « consensuel ». Pourtant nous devons défendre, incorporer et agir avec la dynamique des revendications immédiates. La lutte revendicative peut être évolutive. On démarre sur du revendicatif mais on ne sait pas où ça va aboutir. Cela commence et peut évoluer ainsi : nous sommes dans une situation atone. L’expérience et l’histoire du mouvement ouvrier ne sont plus transmises à de nombreux salarié-e-s. 

Politiquement, partis et syndicats n’entretiennent que méfiance. On ne croit pas à un changement profond. Pire, il n’est dans la conscience de chacun aucune hypothèse autre que la société présente. La norme comportementale admise et défendue est celle de la classe dominante : l’individualisme bourgeois est de règle, marqué par la désyndicalisation, la dépolitisation et le consensus social. Mais voilà, l’oppression sous toutes ses formes gagne du terrain. Les difficultés s’entassent et les possibilités de faire son trou disparaissent, comme celles d’accéder aux échelons supérieurs de l’échelle sociale. La lutte pour la survie se généralise et le sentiment d’injustice grandit. Ras le bol, on n’a plus le choix, il faut se battre ! Le mécanisme psychologique qui conduit de la passivité à l’activisme s’enclenche.

 

Comme nous sommes dans une phase encore réaliste à cause de la dépolitisation, les exploités-e- réclament au système en place la satisfaction de leurs exigences qui sont elles-mêmes peu importantes, par réalisme, du moins, au départ.

La phase revendicative s’enclenche.

Pour peu que des succès soient ici ou là enregistrés, d’autres réclament ces mêmes avantages, individuellement ou collectivement. D’autres luttes apparaissent et d’autres succès jouent sur le développement de ces luttes. Celles-ci pullulent bientôt.

C’est la phase de généralisation. Pendant cette phase, les luttes revendicatives vont être placées devant un dilemme : soit chaque conflit progresse de son côté sur ses objectifs propres et par rapport à une défense catégorielle ou corporatiste, ce qui revient souvent à lutter contre d’autres catégories ou corporations et en définitive à lutter contre ses intérêts de classe et ça arrange bien le pouvoir ; soit la situation amène les exploités (et les structures de lutte) à se croiser, à se rencontrer, à débattre, voire même à s’opposer et les revendications s’entrechoquent. Alors, si la situation est mûre tant au niveau social qu’au niveau de la maturité politique, l’unité doit et peut se frayer son chemin. Car l’unité est une nécessité vitale pour la dynamique des luttes. Reste à formuler cette unité et le contenu unitaire ou unifiant. Il appartient à chaque organisation de souscrire à un soutien ou à un rejet de ce contenu revendicatif. Il est très probable que l’unité revendicative des luttes ne puisse se faire que dans l’optique d’une revendication qui soit généralisée. C’est à dire valable pour tous, égalitaire ou tendant vers l’égalité et rejetant tout ce qui n’est valable que pour une catégorie professionnelle. Ceci est ce qu’un anarchosyndicaliste doit défendre, par exemple. Je précise également, pour nous, que l’unité ne veut pas dire uniformité. Nous défendons le principe de l’unité dans la diversité (des pratiques de luttes, des actions menées, des analyses…). L’important, c’est l’unité à la base des travailleurs, des chômeurs et des étudiants dans des comités de lutte ou de grève autogérés et coordonnés sur des revendications elles aussi unifiantes.

Si la phase d’unifications’impose, elle change profondément la situation et la perception des choses. En effet, cela signifie que le chacun pour soi, le catégoriel et le corporatisme sont dépassés puisqu’il s’agit enfin de s’unir. Cette exigence nécessite et induit que les collectifs de chômeurs ne se contentent plus de revendiquer pour eux quelques avantages mais pour l’ensemble des chômeurs des droits nouveaux, par exemple. Idem pour les étudiants et les salariés qui ne réclament plus la gratuité d’inscription dans telle fac mais dans toutes les facultés ou de meilleures conditions salariales dans telle usine ou tel secteur d’activité, mais pour l’ensemble des salariés (on se bat pour des conventions collectives). On ne demande plus pour le droit au logement dans telle ou telle ville mais pour le droit au logement pour tous. Cette politique unitaire doit amener la construction d’un front de lutte commune aux chômeurs, étudiants et salariés. L’unification modifie aussi les contenus revendicatifs : petites revendications, petits rapports de forces ; grandes revendications, gros rapports de forces. Les revendications deviennent plus importantes, plus générales et exigeantes.

 

Découvrant leur force et les moyens que donne l’unité, les luttes s’amplifient et se radicalisent. La lutte devient générale et ses techniques se multiplient qui vont de la grève à l’occupation des usines, des facs, des administrations et, en passant, par toutes sortes de manifestations jusqu’à la désobéissance civile, etc. Cela gagne tout le système social. La situation devient critique et peut basculer dans une toute autre problématique. Les exploités commencent à critiquer et rejeter à la bourgeoisie. Ils s’attaquent à son fric et à ce système qui le permet et à leur oppression.

La cause des inégalités, à savoir le capitalisme et l’Etat, est dénoncée.

Les lois et organismes de ce dernier : les tribunaux, les politiciens, le parlement, le gouvernement, la police, l’armée… sont saisis comme garants du système et conspués en tant que tels.

 

La phase de politisation dans laquelle nous entrons prépare d’autres combats.

La bourgeoisie le sait et est tentée de laisser pourrir la situation. Néanmoins, cela risque de devenir dangereux. Il lui reste à jouer le jeu en cédant sur des revendications dans l’espoir de ramener le calme. Car la rupture n’est pas encore consommée. Nous sommes encore dans une logique revendicative (voir plus haut). Les syndicats réformistes accourent aux tables de négociations, voulues par le gouvernement et le patronat pour étudier avec eux les réponses à ces revendications. Soit les exploités obtiennent satisfaction et le calme revient ; soit ça coince, il n’y a pas d’accord et les désordres continuent.

La situation devient pré-révolutionnaire. Les exploité-e-s s’attaquent à l’Etat, au gouvernement, voire aux partis et aux syndicats réformistes. Les valeurs morales, éthiques de la bourgeoisie sont contestées. Une contre-idéologie apparaît : antiétatisme, solidarité, recherche d’être autrement et d’autre chose qui se traduit par une nouvelle signification de l’existence et des rapports sociaux, etc.

 

La phase idéologique  est avancée.

En cas d’échec des négociations, les alliances se préparent et se tissent. La bourgeoisie va tenter de faire bloc et elle le fera avec le patronat, les partis de droite, les hauts dirigeants des administrations et des corps d’Etat. La bourgeoisie décrète la mobilisation générale de tout ce qui peut la soutenir. Reste à bien appréhender les positions des pontes des partis de gauche et des bureaucrates des appareils syndicaux traditionnels impliqués dans ces luttes. En règle générale, la gauche politico-syndicale s’adonnera à de la surenchère verbale en exigeant de meilleures réformes et la satisfaction de toutes les revendications.

Tout cela pour faire croire aux exploité-e-s qu’elle soutient leurs exigences et qu’elle représente leurs intérêts. Si les exploité-e-s se laissent duper, les réformistes vont utiliser leur influence pour orienter la lutte dans la voie légaliste et institutionnelle en proposant l’idée d’un gouvernement d’union nationale (ou de salut public) de type « front populaire », par exemple.

L’objectif de ce gouvernement sera de distribuer quelques miettes et autres menus avantages aux exploité-e-s dans l’espoir que ces concessions et la promesse de futures lois, censées leur apporter entière satisfaction par les moyens légaux, ramèneront le calme. Parallèlement, cette gauche tentera de limiter la lutte aux seules revendications matérielles et immédiates et essayera de diviser les exploités.

Par le biais des syndicats, elle jouera de son influence pour éviter les liaisons entre salarié-e-s, étudiant-e-s, chômeu-se-r-s…. bloquant toutes les actions de solidarité, limitant les objectifs de lutte aux entreprises et dénonçant l’aventurisme révolutionnaire. Il ne reste plus aux exploité-e-s qu’à stopper leur action et à attendre monts et merveilles de ce gouvernement populaire qui, les luttes se désagrégeant, pourra tranquillement trahir ses engagements.

  • Car la gauche politico-syndicale n’a pas pour but d’abattre le capitalisme et ses inégalités. Elle n’est qu’une composante de la bourgeoisie comprenant des élu-e-s et des permanent-e-s syndicaux. Ses intérêts matériels dépendent donc du cadre capitaliste.

Une révolution sociale et libertaire ôterait tous ses avantages et pouvoirs aux membres de cette classe. En derniers recours, cette gauche combattra toute poussée révolutionnaire et s’alliera aux forces conservatrices. Si cette gauche ne suffit pas à canaliser les luttes dans le maintien de l’ordre établi, la bourgeoisie pourra toujours se lancer dans l’aventure dictatoriale avec ou sans la bénédiction légale du parlement.

 

La phase idéologique ayant si possible et en connaissance de cause fait son chemin, les temps sont favorables pour mettre en place les moyens concrets d’une autre société (et donc d’une autre culture) capable de satisfaire les nouvelles exigences matérielles et éthiques. La mise en place de cette autre société pourrait être appelée la phase utopique. Bien évidemment, ce processus peut aboutir ou bien capoter. Toutefois, rien ne permet de prévoir à l’avance son issue. Il est clair que ce raisonnement par « phases » n’est là que pour illustrer ma vision des choses. Dans la réalité, les différentes phases se mêlent, se chevauchent et s’interpénètrent. Chaque phase contient déjà en elle-même une partie des éléments qui peut l’amener au niveau de développement supérieur. La lutte connaît certes des avancées mais aussi des reculs. Les grèves générales peuvent se succéder ou bien laisser la place à un mouvement extrêmement diffus et tenace qui pratique le harcèlement sur une grande échelle. Les hypothèses sont évidemment multiples. La réalité et les conditions concrètes de la lutte des classes nous éclaireront sur la conduite à tenir.

Vive la grève générale, vive la phase utopique

Ainsi, nous voyons bien qu’au départ, la logique revendicative n’est pas « pour ou contre le capitalisme ». Elle serait même plutôt liée au cadre existant. Mais la logique revendicative peut déboucher en évoluant sur une crise sociale majeure. L’autre aspect des revendications immédiates c’est le refus d’attendre des lendemains qui chantent et les grands soirs, le refus des promesses de paradis de toutes sortes ou de mots d’ordre du genre : « soyez sages et patients, demain ce sera mieux ». Ce stoïcisme social consiste en définitive à vouloir maintenir le cadre social.

La revendication immédiate modifie la base matérielle des sociétés et des individus et, par là même, leurs idées et références.

Ce lien et ses conséquences sont bien sûr sujet à débat. En ce qui me concerne, je suis de ceux qui pensent que la base matérielle des sociétés, des collectifs et des individus jouent dans leurs perceptions et représentations des choses. Je ne pense pas que la grande misère signifie révolte et grande conscience révolutionnaire.

Partant de l’adage « ventre affamé n’a point d’oreilles », je suis convaincu que la grande misère ne laisse pas place à des analyses profondes. Car celle-ci rend trop faible, trop démuni et trop astreint à la survie. Il faut un certain degré de confort matériel pour se préoccuper d’autre chose que du bol alimentaire.

Il est aisé de constater que, par nécessité de production durant les deux dernières guerres, nombre de femmes quittèrent leur foyer, découvrant ainsi la bêtise de l’idéologie patronale qui faisait de l’homme le salarié et l’unique ressource financière de la famille, par exemple. Elles découvrirent qu’elles pouvaient faire des choses similaires : l’entreprise, le salariat, et surtout la liberté de ne point être asservies à leur seigneur de mari.

Du fait de la croissance, la féminisation de la main d’œuvre va s’accélérer en apportant aux femmes une certaine autonomie économique et plus d’indépendance. Les idées dites « féministes » n’avaient plus qu’à se répandre. De sacrées modifications idéologiques et culturelles s’ensuivirent. Le confort sanitaire a modifié l’idée d’hygiène et la perception corporelle. Le confort médical a, lui, accentué la vision de la santé, du rôle de la protection médicale et de son éthique. La réduction du temps de travail et la diminution relative de sa pénibilité nous fait cogiter sur le temps libre et le plaisir. Essayez aujourd’hui d’expliquer que nous ne sommes là que pour produire et que le temps libre est péché, je vous laisse deviner le résultat.

 

Que ce soit au niveau individuel ou des couches sociales d’une société, la situation matérielle influe directement sur leurs idées, leurs perceptions et leurs représentations. On ne pense pas et on ne projette pas les mêmes idées à l’âge de pierre, du bronze ou de l’ordinateur. On n’a pas la même perception de la pauvreté en occident ou en Afrique. Le jugement sur la question est forcément lié au contexte économique des pays.

Reste à déterminer ce qui doit être défendu et rejeté ou modifié au niveau matériel et idéologique.

Vouloir rejeter et se détourner, voire refuser les revendications immédiates et, par là même, refuser d’agir sur les bases de la vie matérielle des travailleurs et des opprimés est à la foiscriminel,illusoireet dangereux.

Criminel  parce que niant le droit des plus opprimé-e-s à vivre mieux en refusant de saisir le rapport évolutif des luttes revendicatives dans les consciences.

Nier le rapport « situation matérielle/concept idéologique » ne me semble que trop ambigu pour un syndicaliste. Illusoire parce qu’une organisation révolutionnaire qui rejetterait tout aspect revendicatif n’aurait aucun impact dans des luttes sociales de classe et, de fait, ne servirait à rien.

 

Car les exploité-e-s se passeraient des services d’une telle organisation en continuant quand même leurs luttes revendicatives. 

Dangereux parce qu’une pareille organisation serait attaquée par celleux-là même qu’elle entendait défendre ; pire même, elle constituerait une alliance de fait avec les contre-révolutionnaires par son non-engagement.

Nous voyons bien la nécessité de la lutte revendicative avec ses pièges et ses dangers mais aussi avec ses perspectives positives. Seules les revendications qui s’écartent de nos principes tactiques et théoriques doivent être combattues.

Tout ce qui concourt à l’amélioration des conditions de vie générales au niveau économique, psychologique, physique… doit être entrepris. Tout ce qui tend à réduire le taux d’exploitation même s’il ne le supprime pas doit être poursuivi.

Tout ce qui permet une société divisée en classes sociales doit être combattu.

Un autre constat peut s’imposer si la lutte revendicative suit plus ou moins notre logique de phases par accumulation d’expériences(3).

Il ne suffit pas de plonger les exploité-e-s dans telle ou telle situation pour que spontanément les réponses appropriées aux objectifs suivent mécaniquement. Il faut tenir compte du fait que l’individu agit et pense en fonction de ses objectifs, de ses références idéologiques personnelles et ambiantes, de son histoire relationnelle et sociale qui marque sa psychologie.

Il ne faut pas oublier que tous les individus n’ont pas la même expérience du conflit social. Nous avons ceux qui ont vécu des luttes radicales, mais limitées par le nombre des participants, restant à la phase des revendications et ceux qui ont vécu soit des révolutions ou des grèves généralisées du type « Mai 68 ». Ils n’en tirent pas les mêmes conclusions. La capacité des politiciens à traiter les problèmes (manipulation, intox…) ou la manière de les traiter (répression…) interviennent également dans les processus de lutte.

 

Aujourd’hui se pose à chaque génération la question des liens qui permettent de communiquer l’expérience des générations précédentes. Car c’est l’accumulation et la transmission de toutes ces expériences qui rend possible l’adoption d’une unité théorique et tactique de masse. Fort heureusement, l’acquisition de valeurs et de connaissances militantes est liée à l’expérience collective et historique. L’environnement social, économique et idéologique d’une classe marque la conscience de chaque individu appartenant à celle-ci. Voilà pourquoi on parle de traditions de luttes ouvrières, syndicales et politiques, soit de bastions ouvriers et bourgeois, soit de courants révolutionnaires ou réformistes.

Bien sûr, l’évolution du capitalisme et la disparition des vieux sites industriels font voler en éclats les lieux et les moyens de transmission de ces expériences de bagarres. Ce qui rend très difficile la maturation et la quantification de ces différentes expériences de luttes, surtout à partir d’une problématique rupturiste. La brièveté des luttes et des structures (faute de perdurer) rend difficile le lien trans-générationnel et l’accumulation d’expériences nouvelles. Le syndicalisme réformiste replié dans ses entreprises ne défend plus que de menus avantages. Il ne se soucie volontairement que très peu de faire jouer au mouvement syndicaliste ce qui fit son intérêt et son originalité.

Après avoir détourné le syndicalisme de son véritable but à savoir la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs et leur émancipation par l’abolition du salariat et du capitalisme, les réformistes ont vidé le syndicat de son autre fonction vitale : les syndicats doivent être comme à leur origine des lieux d’éducation populaire pour nous.

 

C’est à dire des lieux où l’on doit défendre les valeurs, les principes et les idées véritablement socialistes et révolutionnaires.

 

Il reste maintenant à poser la question de savoir quelle est l’organisation syndicale capable de contester le capitalisme tant au niveau économique, politique et idéologique. C’est-à-dire globalement. Quelle soit capable d’assurer le lien trans-générationnel, l’autonomie des forces progressistes et l’indépendance vis-à-vis des partis politiques, sans aucune compromission avec les politiciens et les syndicalistes vendus à la bourgeoisie. Quelle soit capable d’être présente à chacune des phases de la lutte et suffisamment pédagogique pour préparer aux tâches présentes et aux différentes phases successives.

A ce jour, je ne connais qu’un seul concept qui satisfasse ces exigences : l’anarchosyndicalisme porté et défendu par une seule organisation qui est la section française de l’Association Internationale des Travailleurs – la Confédération Nationale du Travail.

 

CNT AIT

 

 

(1)Que de renoncements on a cherché et réussi à nous faire accepter derrière ces deux mots à l’apparence si propre !

(2)Automatisation, par exemple.

(3)Je suis convaincu que c’est de l’expérience et des besoins que naissent les tactiques et doctrines sociales.