Angela davis la rebelle, est acquittée de sa condamnation à mort le 4 juin 1972
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Catégorie : Global
Thèmes : Libérations nationalesPrisons / Centres de rétentionRacisme
Aux cotés de Malcom X et Martin Luther King, Angela Davis est une grande figure du mouvement Noir américain. Elle adhère au Parti Communiste vers 18 ans et devient membre des Black Panthers en 1967. Militante révolutionnaire, se battant pour l’égalité des noirs et des blancs mais également pour l’émancipation des travailleurs, elle comprend très vite que seule l’unité des mouvement sociaux et politiques entre blanc et noir, homme et femme permettra de combattre la classe dirigeante. C’est cette compréhension qu’elle paiera en étant condamnée à mort en 1972. C’est une mobilisation d’une ampleur internationale qui permit sa libération. Aujourd’hui, elle est toujours militante des luttes sociales et politiques aux États-Unis.
Angela Davis affirme : « La jeunesse est plus révoltée et plus créative que jamais. C’est elle qui me permet de continuer à avancer. » dans un excellent entretien dans Multitudes sur la révolte des banlieues françaises en novembre 2005.
Angela Yvonne Davis est née le 26 janvier 1944 au « Deep South », dans les bas-fonds de Birmingham, quartier surnommé « Dynamite Hill », état de l’Alabama, aux USA. C’est l’époque des grands troubles et du racisme exacerbé dans une société ségrégationniste. Ses parents sont communistes activistes. La petite Angela, élevée dans la contestation et la résistance, reçoit les influences de ses futures convictions politiques et conceptions philosophiques. A 12 ans, elle participe au boycott d’une compagnie de bus pratiquant la ségrégation.
En 1958, elle obtient une bourse pour étudier à l’ « Elisabeth Irwin High School » de New York où existe un programme d’aide aux élèves noirs du Sud pour continuer leur scolarité. Ce lycée privé est surnommé « Little Red Scholl House » à cause de sa sensibilité aux mouvements sociaux et politiques de gauche. Angela y rencontre les enfants des leaders communistes, Bettina Aptheker qui, plus tard, en 1975 écrira un livre sur elle. Angela est recrutée par les Jeunesses Communistes, « Youth Communist Group ».
Angela obtient son baccalauréat. En 1961, elle rentre à l’Université de Brandeis dans le Massachusetts où elle rencontre le philosophe Herbert Marcuse, son guide. Puis elle étudie en France de 1963 à 1964. Elle rencontre le racisme, traîne de l’empire colonial français. Elle se trouve à Biarritz quand elle apprend l’attaque à la bombe dans l’église de sa ville natale : quatre enfants qu’elle connaît personnellement sont tués. Fait divers routinier dans le Sud profond des Etats-Unis où la vie d’une personne noire ne vaut rien.
Après la Sorbonne, elle va en Allemagne à l’Université Goethe de Francfort et suit les cours de Théodore Adorno. Ces séjours à l’étranger enrichissent son expérience de vie, militantisme avec les Algériens en France et avec les jeunesses socialistes en Allemagne, et ses connaissances philosophiques marxistes.
Maintenant, Angela est forte. Elle décide de rentrer aux Etats-Unis pour mettre son savoir en pratique et mener le combat de son peuple, le peuple noir.
Venue des bas-fonds du « Deep South », une nouvelle lueur illumine le Monde le 26 janvier 1944 : Angela Yvonne Davis. Elle deviendra flamme, embrasera une population entière, portant le combat sur tous les fronts, n’ayant qu’un seul but : Justice et Egalité pour tous, Liberté pour son peuple !
En 1968, doctorat en poche, Angela Davis devient enseignante à l’Université de San Diego. Elle milite à l’intérieur du parti communiste et des Black Panthers, totalement immergée dans la communauté noire qui endure les rafles en permanence et l’oppression de la police raciste, lynchages, supplices et exécutions sommaires sont le quotidien. Dans ce contexte, revendiquer des droits civiques c’est risquer sa vie à chaque instant et être à l’index. Témoin de l’assassinat de trois de ses amis sur le campus, puis dénoncée comme communiste par un de ses étudiants, Angela est renvoyée par la direction de l’université, incitée par le gouverneur d’alors, Ronald Reagan. Désormais, Angela est surveillée de près par le gouvernement.
C’est dans cet environnement que se produisent les circonstances qui vont façonner le destin d’Angela Davis. On est le 7 août 1970, une prise d’otages visant à libérer George Jackson, membre des Black Panthers condamné à la prison à vie à l’âge de dix-huit ans pour un vol de 70 $ (dans une station-service, je crois), tourne mal. Quatre personnes sont abattues et trois autres sont grièvement blessées. Angela est membre du comité de soutien de George Jackson, elle est accusée par le FBI d’avoir procuré les armes qui ont permis ce coup de force. Certes, elle est noire, mais en plus elle est une femme. Angela est la troisième femme de l’Histoire à être inscrite sur la liste des personnes les plus recherchée par le FBI, la célèbre « Most Wanted List ». Mais Angela est introuvable. Durant deux mois, la panthère noire déjoue la poursuite du FBI. Pendant cette traque à travers les Etats-Unis, sa renommée se façonne, grandit, et de nombreuses pancartes fleurissent sur les murs et les portes : « Angela notre sœur, tu es la bienvenue dans cette maison ».
Angela Davis est arrêtée le 13 octobre 1970, dans un hôtel. Accusée de meurtres et de séquestrations… c’est la peine de mort.
Angela est placée en détention provisoire pendant seize mois au « Women’s Detension Center » de New York. L’opinion publique internationale se mobilise pour la supporter, John Lenon et Yoko Ono chantent la chanson « Angela », les Rolling Stones écrivent et composent pour elle « Sweet Black Angel ». Prévert lui écrit un poème. Des manifestations monstres grondent dans les capitales. A Paris, 100.000 personnes demandent sa libération avec en tête de la foule, Aragon et Sartre.
Grâce à la pression internationale, elle est acquittée le 4 juin 1972 de toutes les charges qui pèsent contre elle par un jury composé uniquement de blancs, au cours d’un procès hyper médiatisé qui met à jour une machination du FBI. Angela est libérée sous caution. Un monstre sacré est né, une grande figure pour la justice et l’égalité. Elle multiplie ses combats, pour la paix au Viêt Nam, pour l’égalité des femmes, contre le racisme et l’oppression.
Aujourd’hui, Angela, toujours rebelle, a 72 ans,. Elle lutte pour l’abolition de la peine de mort aux Etats-Unis et contre le système carcéro-industriel. Cette industrie pénitentiaire devenue une manne inépuisable pour le gouvernement et les sociétés privées qui la contrôlent. Angela donne des cours sur l’éveil de la conscience à l’université de Santa Cruz en
Californie, encourage l’esprit critique face au prêt à penser. Angela Davis rejoint le « Comité International de Soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange et au procès de New York » (CIS)
Elle a écrit (titres traduits) :
1971 : S’ils frappent à l’aube…
1972 : Les bases de la défense : le coup monté
1974 : Autobiographie
1981 : Femmes, race et classe
1985 : Les violences contre les femmes et le perpétuel défi du racisme
1989 : Femmes, culture et politique
1999 : Blues et féminisme noir, Gertrude « Ma » Rainey, Bessie Smith et Billie Holiday
1999 : Philosophie d’Angéla Davis
2003 : Les prisons sont-elles obsolètes ?Principaux livres sur Angela Davis :
1972 : Regina Nadelson : Who is Angela Davis ? The biography of a revolutionary
1972 : Charles Ashman : The people vs Angela Davis
1973 : Reginald Major : Justice in the roud : the trial of Angela Davis
1975 : Bettina Aptheker : The morning breaks
1975 : Mary Timothy : The story of the trial of Angela Y. DavisAndré Bouny père adoptif d’enfants vietnamiens, président du « Comité International de Soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange et au procès de New York » (CIS)
P.-S.
A lire sur la lutte des africain.es-américain.es :
Malcolm X, une des personnalités noires les plus importantes de l’histoire contemporaine, est assassiné le 21 février 1965
Le 20 avril 1939 Billie Holiday enregistre « Strange Fruit »
Hatcher affirma que la convention appelait à l’unité de tous les Noirs, indépendamment de leur affiliation politique, de leur idéologie ou de leur philosophie. Il ajouta que les organisateurs avaient essayé de faire venir Angela Davis. Tout son discours semblait étrangement proche de la ligne du Parti communiste, des maoïstes et des Black Muslims[7]. Je compris alors pourquoi il y avait autant de confusion parmi les délégués et particulièrement dans le groupe du Michigan. Les groupes noirs maoïstes et staliniens et les Blacks Muslims voulaient imposer leur ligne et ils y réussirent au moins en partie. (…)
En 1972 se produisit un événement qui prit bientôt une importance considérable pour le mouvement noir aux États-Unis. Les autorités de Californie arrêtèrent Angela Davis, membre avoué du Parti communiste, pour avoir aidé à fournir des armes à plusieurs prisonniers noirs qui devinrent célèbres sous le nom de « frères de Soledad ». L’affaire suscita l’attention et le soutien du monde entier et de la majorité des Noirs de ce pays. La plupart pensaient qu’Angela Davis était persécutée pour ses opinions politiques – et parce qu’elle était noire. (…)
En discutant de l’affaire Angela Davis avec un certain nombre de Noirs, je découvris que beaucoup, surtout parmi les plus âgés, ne partageaient pas ses idées politiques. Ils n’avaient pas oublié que le Parti communiste avait trahi la lutte des Noirs dans ce pays pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils se souvenaient que les communistes avaient contribué à faire échouer le mouvement pour la « double victoire » (à l’étranger et en Amérique) et n’avaient pas soutenu la marche sur Washington[9] qui avait finalement donné naissance au FEPC [Fair Employment Practice Committee]. Plus tard, ils avaient vu le Parti communiste écraser la révolte ouvrière en Hongrie, tuant des milliers de gens et en emprisonnant bien plus.
Angela se prétendait marxiste. Mais la philosophie du marxisme est aussi éloignée du capitalisme d’État qui existe en Russie que la terre l’est du soleil. Angela disait qu’elle voulait travailler à la libération des prisonniers politiques dans le monde entier. Il n’y avait pas de meilleur endroit pour commencer cette œuvre que la Russie où il y a plus de prisonniers politiques que dans tout autre pays.
Pendant le procès d’Angela Davis, Nixon se rendit en Chine où il but le thé avec Mao Zedong avant d’aller trinquer au champagne avec Brejnev en Russie. Et ni Mao ni Brejnev ne mentionnèrent le fait qu’ils s’apprêtaient à laisser tomber le Nord du Vietnam. Les Vietnamiens du Nord étaient censés être communistes, mais les deux plus grandes puissances communistes du monde laissaient la plus grande puissance économique mondiale, les États-Unis, massacrer le peuple vietnamien. (…)
Angela fut la victime de ces conditions objectives. Quand elle fut libérée, elle remercia le Parti communiste. Je fus sidéré, car sa libération n’était pas due au Parti communiste mais au soutien massif des Noirs dans tout le pays.
Après sa libération, quand un citoyen de Tchécoslovaquie lui demanda de signer une pétition contre l’emprisonnement des prisonniers politiques dans son pays, elle ne lui adressa même pas un regard. Cela me fit penser au président Carter qui parle des droits de l’homme dans le monde entier mais n’évoque jamais l’inégalité ici, aux États-Unis. Aussi sanguinaire que soit Idi Amin Dada, le dictateur de l’Ouganda, il peut attaquer Carter en disant simplement : « Pourquoi ne faites-vous rien pour les droits de l’homme dans votre propre pays ? » – et Carter ne peut rien lui répondre.
Angela parlait des droits de l’homme de manière abstraite, mais ses actes s’offraient aux yeux de tous. Des milliers et des milliers de Noirs et de pauvres souffrent de l’oppression raciale et de l’oppression de classe dans ce pays. La même chose est vraie dans les pays soi-disant communistes ou socialistes. Même si Angela ne veut pas le savoir, la plus grande partie de la population du monde en est consciente.
Angela avait aussi beaucoup à dire sur Cuba, surtout après avoir coupé quelques tiges de canne à sucre et avoir été photographiée « se mêlant » aux travailleurs cubains. En voyant ces images, je ne pus m’empêcher de penser à la question d’une femme noire à propos de la révolution cubaine : « Après la révolution, quand je poserai mon fusil, est-ce qu’on me mettra un balai entre les mains ? » Cette question est au cœur de toute révolution. Et il faut y répondre avant, et non après, la révolution. Car après, il est trop tard.
Il n’est pas nécessaire d’être un ouvrier pour comprendre la classe ouvrière, mais la classe ouvrière met tout de suite à nu ces intellectuels comme Angela Davis qui prétendent parler au nom des travailleurs alors que leurs actions montrent qu’ils sont contre eux. (…)
from « Stokely Carmichael se servait de la population » by Charles DENBY – Coeur Indigné. Autobiographie d’un ouvrier noir, Deuxième partie (1978), Éditions Plein Chant, 2017 (1989 ; 1952 pour la première édition). Traduit de l’américain et présenté par Camille Estienne. Titre modifié. https://nantes.indymedia.org/articles/45469