« trouble ton genre » ou pourquoi il faut brûler la fac, et les intellectuel·le·s avec
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Catégorie : Global
Thèmes : Genre/sexualitésGuerreMandarinsPrisons / Centres de rétentionRacisme
Attention :
Ce texte est écrit par une personne qui a été assignée meuf.
• Iel s’est déjà fait·e tabassé·e dans la rue pour s’être affiché·e dans la rue comme gouine.
• Iel a déjà vendu son cul, parce qu’elle était terrifié·e par un mec violent qui l’a déjà envoyé·e à l’hôpital à force de la violer.
• Iel considère que tous les mecs sont des agresseurs et tous leurs genoux aptes à recevoir sa batte.
• Iel a déjà vendu son cul, parce que son corps et sa sexualité lui appartiennent, et si t’as un mot à dire la-dessus je te casse les dents, et les genoux avec.
• Iel est une allumeuse en soirée, une salope au lit et rêve de sucer ton copain, et d’avaler.
• Iel a beaucoup trop de copaines qu’iel aime en taule ou en cavale pour que tu en parles sans avoir envie de pleurer.
• Iel a une sexualité qui déplairait à son père, parce qu’elle aime jouir pris·e par le cul, ou sa bouche sur ton clitoris, ou en équilibre sur ton bureau.
• Ses orgasmes sont un cri de haine, une fière déviance à sa féminité, l’accomplissement de son devenir de pute.
• Ille reste amère et te crache dessus, surtout si tu es fièr·e de l’avoir fait·e jouir, parce qu’ille attend de te briser le cœur ou de surmonter ses cauchemars dans tes bras puis te faire des enfants.
• Ille aime les corps suants et laids, voit le monde à travers une colère que tu ne pourras jamais comprendre, et hurle parfois sous l’emprise de désirs obscènes et vulgaires. Ille est la plaie à vif de ce monde, qui rêve doucement sous la caresse du soleil.
Comme tu l’as peut-être deviné, je veux voir brûler le patriarcat en tant que structure sociale et tous ses mignons.
Ainsi, bonne poire et malgré sa peur de l’engagement, j’ai accepté d’être la caution radicale-de-gauche-anarchiste-libertaire-féministe-squattereuse-insu® d’un festival qui s’est appelé « Trouble ton genre » (sic) et au contraire du livre au titre presque similaire de Judith Butler « Gender Trouble », il est à la lutte contre le patriarcat ce que sont les non-violent·e·s à la lutte anticapitaliste : inutile mais pavé de bonnes intentions.
J’ai choisi ici ce rendre compte de mon vécu et de celui de copaines dans un ordre chronologique parce que j’ai la flemme d’en faire plus et de te pondre une dissertation thématique en trois parties.
Le « débat » qui ouvrait le festival était intitulé « qu’es-ce que le féminisme ? » avec des association telles qu’osez le féminisme, le planning familial (je te laisse deviner que la majorité des personnes présentes était blanc.he.s, visiblement cis, du genre à promouvoir le féminisme comme une nouvelle tendance du développement personnel.)
Ici, je vais habilement citer le livre La femme unidimensionnelle de Nina Power, car à la fac ta crédibilité est proportionnelle au nombre d’auteur.e.s que tu cites.
Aussi parce que je pense que tout le festival était une illustration parfaite de ce que ce livre théorise, c’est à dire comment le féminisme, pratique utopique et révolutionnaire, a-t-il pu devenir un discours hégémonique parfaitement adapté aux exigences du marché et ici du monde intellectuel et bourgeois.
Notons pour cet atelier le plus dissonant : le racisme qui a pu s’exprimer dans toute sa violence ainsi que l’absence de remise en question de la notion de genre.
En effet, des copaines racisé·e·s ont par leur simple présence dans le débat polarisé celui-ci : on pouvait allègrement sous-entendre « qu’elles n’étaient pas vraiment françaises » et qu’elles feraient mieux de s’effacer en vertu « d’un féminisme qui se doit d’être universaliste. »
Tout un discours niant tout simplement les oppressions et agressions spécifiques qu’iels vivent au quotidien a pu exister dans un lieu qui se voulait « bienveillant ».
Mais quoi de plus surprenant dans un simulacre de débat où le terme de lesbienne était utilisé comme une insulte ? Où l’idée même qu’un homme ne puisse se dire féministe provoquait l’émoi de bourgeois.e.s qui prônent « l’équité des genres » et défendent que « quand même, on a besoin d’eux pour se défendre… »
Il semble en effet que selon ces mêmes personnes, pour qui le nombre d’années d’études et le prestige universitaire constituent une qualité supérieure les gent.e.s oppressé.e.s manquent d’éducation.
L’émancipation viendrait-elle donc d’une institution notoirement raciste, sexiste, transphobe et putophobe ?
J’en suis sorti.e amèr·e, et plus que jamais assigné·e à ma déviance.
Ensuite, car n’oublions pas qu’il s’agit d’un évènement universitaire, nous avons eu droit à une conférence « Genre et science : l’objectivité dans les sciences humaines et sociales ».
Alors celle-là, j’avoue que j’ai lâché à un moment. Malgré tous mes efforts pour y trouver un quelconque intérêt, ceux-ci échouais constamment. Il s’agissait de parler vaguement de gender studies et de disserter sur l’approche matérialiste de Marx et Engels, le postmodernisme et finalement associer, comme notre prophète à tous Pierre Bourdieu féminisme et féminin.
La tendance de ces personnes à présenter toute étude « féministe » comme le fruit d’une subjectivité et non d’une étude scientifique de faits me chiffonne quelque peu. Par ailleurs il me semble que même d’un point de vue universitaire, c’était assez vide. Prenons l’exemple de la géographie : s’il est acceptable de dénoncer l’utilisation de termes comme « mamelons » pour décrire le relief, pourquoi sommes-nous si loin d’une analyse en termes systémiques d’une géographie au service des dominants ? Pourquoi ne pas parler du virilisme du maintient de l’ordre des cités, qui mêle néo-colonialisme crade et misogynie assumée ? On parle en effet de « pénétration policière dans une cité ». Les quartiers sont donc des femmes étrangères ou métisses, indociles et rebelles à dompter par la violence par le corps viril du colonisateur blanc. Mais allons.
J’ai, suite à ce lundi, parlé aux copaines concerné·e·s ; tou·te·s ont décrit soit la lassitude, soit la colère, soit la douce amertume découlant de la violence, ici respectable et institutionnalisée envers celleux qui ne correspondent pas aux normes hétéropatriarcales et racistes de notre belle République. C’était une illustration irréprochable de l’intégration bourgeoise et capitaliste des revendications féministes.
Je dois maintenant admettre m’être désintéressé.e de l’évènement. Notons donc que certains retours que j’ai pu avoir sur les discussions concernant le harcèlement étaient positifs, en cela que ces conversations étant faites pour donner lieu à des solutions concrètes et matérielles à une violence qui touche les étudiantes.
De même, le film « Sexe sans consentement » est selon les ami·e·s à qui je l’ai montré, une source de questionnement pour les personnes n’ayant jamais verbalisé cette notion – pourtant nécessaire afin de rivaliser avec la toxicité de la sexualités produite par le système.
Cependant, je suis personnellement embarrassé.e par sa volonté à présenter les femmes, leurs histoires, comme étant le chemin de croix de pauvres victimes d’un malentendu entre les genres.
Ce statut de victime est un écueil qui relègue définitivement les femmes à leur statut passif, d’objet à utiliser ou sauver. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’un malentendu. Peut-être serait-il temps de considérer que les violences sexistes est sexuelles faites aux personnes assigné.e.s femmes et tou·te·s les déviant·e·s du genre et de la sexualité sont le signe d’un guerre de classe, qui vise à soumettre une large partie de la population.
Le statut de victime au sein de l’espace social et physique fabrique et renforce l’impuissance de celles-ci. Je vous incite à trouve le supplément au n°14 de l’Envolée (juin 2005) consacré à ce sujet, dont je tiens à citer ici un paragraphe de l’introduction :
« L’État fonde sa légitimité sur la fabrication d’un monde d’individus auxquels il a ôté le pouvoir de réfléchir, de décider, de s’organiser, de produire, pour le plus grand profit des classes dominantes. Il se présente facilement comme le seul recours imaginable pour résoudre l’ensemble des conflits, jusqu’à faire accepter l’idée qu’il est même inconcevable de se prétendre victime d’un état démocratique, aussi violent, inégalitaire et autoritaire soit-il. L’État victimise la société et devient le seul défenseur légal de la victime, continuant ainsi à évacuer la question sociale. La douleur est l’unité de mesure : comme elle est insondable, la punition n’a plus de limites. Les peines sont toujours plus longues, de nouvelles prisons sont construites, la production de textes de lois est effrénée. Les souffrances des « victimes » ne sont pas éteintes pour autant.
La douleur est le meilleur alibi de la politique sécuritaire. La « victimisation » n’est pas seulement une histoire qui regarde les prisonniers et les tribunaux, c’est devenu un rapport social complexe. C’est un générateur de morale qui laïcise les vieux dogmes religieux de la soumission, de la résignation, de la culpabilité, de la promesse d’un meilleur des mondes. Hier le paradis céleste, aujourd’hui la société capitaliste. Elle finance et accrédite les recherches scientifiques qui, sous couvert d’assurer une meilleure protection à toutes les victimes potentielles, travaillent à optimiser l’exploitation des richesses naturelles et des êtres humains.
La « victimisation » comme étape supérieure de l’individualisation génère de nouvelles pathologies sociales et comportementales : paranoïa, schizophrénie, approches mortifères du vivant, qui ne font qu’affirmer la loi du plus fort… dans un univers de faibles. La victime appelle la vengeance, l’État la codifie : la victime appelle le droit. Plus les rapports sociaux sont perçus comme des conflits opposant des victimes à des bourreaux, plus le droit et les textes de loi sont la référence incontournable, indépassable.
C’est à cette logique que se heurtent trop souvent les mouvements sociaux (ouvriers, chômeurs, mal logés, féministes, profs, prisonniers…) ; du coup, ils se limitent au cadre légal qui les ampute de leur contenu et de leur capacité d’action. De même, nos critiques sociales ne réussissent pas, en général, à remettre en cause l’idée de la vengeance, et du coup continuent à rester enfermées dans une pensée pénaliste. »
Finalement, dans la continuité de l’atelier sur le harcèlement, celui sur les pratiques pédagogiques s’avère utile en ce qu’il cherchait des solutions concrètes. On peut cependant se questionner sur la notion de bienveillance, qui a animé une partie du débat. Je reprendrais ici une élocution qui n’est pas de moi :
« Ah les jean-foutre de marcheurs en peau de lapin avec leur bienveillance !
Ils n’ont plus que ce mot à la bouche, tous ces trous du cul de petits-bourgeois qui ne se sentent plus pisser depuis que leur gourou est installé au palais et qu’il flatte leurs ego à coups de radotage ultralibéral planqué dans un anglais mal dégrossi.
Votre bienveillance, bande de tartuffes, vous pouvez vous la foutre où je pense. Quand votre ministre de l’Intérieur refuse de donner à manger aux réfugiés qui crèvent la dalle à Calais, quand vos préfets ordonnent de continuer la chasse aux sans-papiers, c’est de la bienveillance ?
Votre bienveillance sent la misère, la sueur et la vieille pisse comme la charité que vos devanciers faisaient à la sortie de la grand-messe. Bande d’hypocrites ! Payez vos impôts, arrêtez de piquer dans les caisses et fermez vos gueules ! Vos haleines fétides empuantissent le pauvre monde, qui n’avait pas besoin de ça.
Ah ils sont beaux et elles sont belles, les députés, les ralliés, les lèche-culs qui nous cassent les oreilles avec leur nouvelle trouvaille !
La bienveillance ?
La bienveillance de vos flics et de vos tasers.
La bienveillance de votre justice : non-lieu pour les flicards qui tuent, assassinent, mutilent, indulgence pour les Le Pen, Ferrand, Balkany et autres escrocs à boutons dorés. Champagne pour les uns, mitard pour les autres !
Votre bienveillance, veille resucée de la charité, n’est pas une valeur, sinon vous l’auriez déjà introduite en bourse. Votre bienveillance c’est de la merde en barre, de la chair à pâtée pour les chiens de garde de votre système. Ils se sont jetés dessus comme la CFDT sur un stylo doré pour signer un accord pourri. »
Par ailleurs, l’utilité et la pertinence de l’intervenant principal, un professeur de l’IUGA qui nous a longuement illuminé de sa récente révélation de la misogynie inhérente au système universitaire.
Quant aux intervenant.e.s inutil·e·s, l’exemple le plus éloquent se dévoila cependant le soir même. Il s’agissait d’une table ronde intitulée « Enquêter sur la prostitution » avec deux conférenciers, des universitaires.
Je t’avoue que je suis partie avant la fin de la première intervention, tant la putophobie et le mépris de classe suait littéralement de ces intervenants. Le premier avait préparé un powerpoint en trois parties. Chacune de ces partie parlait de lui, de sa vie et son œuvre. Il y expliquait longuement pourquoi il avait choisi de commencer à enquêter sur la prostitution transgenre et comment celle-ci l’avait transformé. Je suis demeuré.e sans voie face à cette scène, dont la théâtralité était renforcée par l’amphi et, car les actes étaient si parlants, laisse-moi te décrire une scène :
début de la conférence, dans un amphithéâtre bondé.
Après la charmante introduction d’une intervenante blonde et maquillée, un homme, bronzé, prend la parole et explique pourquoi il n’est pas légitime.
Effectivement, il ne connaît pas la réalité des personnes concerné·e·s : les putes.
Entre la fin de son laïus et au début de l’exposé sur sa vie, son œuvre, une jeune femme du public élève la voix, incrédule. Elle est lourdement maquillée, légèrement en surpoids. Son visage est beau.
Elle voulait simplement signaler la présence de celleux-ci dans la salle.
Du deuxième rang, à côté des professeur.e.s, une femme au collier de perle lui ordonne de se taire, outrée, et reprend avec un soupir sa prise de notes.
Ce festival m’a navré.e, mais a eu la vertu de condenser ce que les putes, les lesbiennes, les violent.es, les agenre, les rebeux, « celles qui ont le crâne rasé, celles qui ne savent pas s’habiller, celles qui ont peur de puer, celles qui ont les chicots pourris, celles qui ne savent pas s’y prendre, celles à qui les hommes ne font pas de cadeau, celles qui baiseraient avec n’importe qui voulant bien d’elles, les grosses putes, les petites salopes, les femmes à chatte toujours sèche, celles qui ont de gros bides, celles qui voudraient être des hommes, celles qui se prennent pour des hommes, celles qui rêvent de faire hardeuse, celles qui n’en ont rien à foutre des mec mais que leurs copines intéressent, celles qui ont un gros cul, celles qui ont les poils drus et bien noirs et qui ne vont pas se faire épiler, les femmes brutales, bruyantes, celles qui cassent tout sur leur passage, celles qui n’aiment pas les parfumeries, celles qui se mettent du rouge trop rouge, celles qui sont trop mal foutues pour pouvoir se saper comme des chaudasses mais qui en crèvent d’envie, celles qui veulent porter des fringues d’hommes et la barbe dans la rue, celles qui veulent tout montrer, celles qui sont pudiques par complexe, celles qui ne savent pas dire non, celles qu’on enferme pour les mater, celles qui font peur, celles qui font pitié, celles qui font peur, celles qui font pitié, celles qui ne font pas envie, celles qui ont la peau flasque, des rides plein la face, celles qui rêvent de se faire lifter, liposucer, péter le nez pour le refaire mais qui n’ont pas l’argent pour le faire, celles qui ne ressemblent plus à rien, celles qui ne comptent que sur elles-mêmes pour se protéger, celles qui ne savent pas être rassurantes, celles qui s’en foutent de leurs enfants, celles qui aiment boire jusqu’à se vautrer par terre dans les bars, celles qui ne savent pas se tenir » (merci Despentes) prenons comme violence symbolique et matérielle quotidiennement.
C’est violent de se voir confisquer la parole sur nos vies, nos vécus et nos souffrances . D’autant plus quand c’est au profit d’hommes, blancs, intellos, bourgeois qui sont loin d’une moindre bienveillance ou volonté d’inclure tou·te·s les gentes.
Les postures « bienveillantes » ont uniquement permis de laisser se développer en toute impunité une violence de genre, de race et de classe. Cette posture des intellectuel·le·s blanc·he·s de gauche qui veut que les dominé·e·s soient libéré·e·s par le savoir intellectuel est insupportable à quiconque ne fait pas partie de cette caste.
Considérer de plus que ce savoir qui serait apporté par ces mêmes intelectuel·le·s, est une négation totale de leur travail qui est de vendre un diplôme ou/et de servir l’État en produisant une connaissance des racisé·e·s, des prostitué·e·s. Connaissances qui servent par ailleurs à mieux leur en mettre plein la gueule, les exploiter, les dominer.
Cela aura peut-être eu comme bienfait de raviver en moi cette colère qui m’a poussé à casser des trucs, à gueuler seul·e puis moins seul·e, enfin à rêver encore, la nuit à des feux de voitures et des coups de matraques de baceu·se·s.
Sur fond de Britney Spears.
P.S : Depuis ce festival, le directeur de l’ARSH à écrit un mail à « ses » étudiant·e·s pour nous dire que les festival avait « révélé des situations de souffrance » (et blahblahblah). C’est faux. Il ne s’agit pas de situations individuelles que l’UGA tentera de noyer. Il s’agit d’un violence permanente et structurelle qui, cette fois si, était un peu plus visible que dans le reste de ce monde universitaire feutré, bien-pensant et tellement bienveillant.
https://grenoble.indymedia.org/articles-4/locaux/article/trouble-ton-genre-ou-pourquoi-il-faut-bruler-la-fac-et-les-intellectuel-le-s
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