Pour conquérir le pouvoir, ils ont recouru au mensonge et à l’hypocrisie. Aujourd’hui, c’est avec le mensonge et l’hypocrisie qu’ils gouvernent.
Voici plusieurs semaines que durent les discussions concernant “le rapport régulier 2004” de la Commission européenne sur “les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésion” sans pour autant que l’opinion publique en connaisse le contenu exact. Pendant tout ce temps, le gouvernement a manipulé l’opinion en recourant une fois de plus à la désinformation et à la censure.
Ce n’est qu’après avoir traduit ce rapport de la Commission européenne que nous, les familles de TAYAD, avons pu réaliser à quel point le gouvernement AKP avait menti.

1- L’AKP a menti en prétendant que le “jeûne de la mort est terminé”

Le rapport sur les progrès de la Commission révèle sans ambiguité la malhonnêteté du gouvernement AKP à l’égard des institutions liées à l’UE.
Ce rapport dit par exemple que le gouvernement AKP et le ministère de la justice ont déclaré qu’ “il n’y a pas de détenu observant le jeûne de la mort”. Voici ce que dit le rapport émanant des institutions européennes :

“Selon des sources officielles, il y avait, en décembre 2003, 64 296 personnes dans les prisons et les centres de détention, dont 37 056 condamnés et 27 240 personnes en détention provisoire.
Selon ces mêmes sources, il n’y a actuellement aucun prisonnier faisant une “grève de la faim jusqu’à la mort”, bien que certaines ONG signalent qu’un certain nombre de condamnés continuent de mener une telle grève de la faim.” (Rapport régulier 2004, COM(2004)656final, pp. 36-37)

Au cours du massacre qui a servi à inaugurer les prisons de type F et des suites de la politique d’isolement carcéral, 117 détenus et condamnés ont perdu la vie. Vingt d’entre eux sont morts sous le mandat du gouvernement AKP. Le dernier détenu tombé en martyr est Selami Kurnaz. Il est décédé le 12 août à la prison de type F de Tekirdag.
Ce rapport révèle implicitement que lorsque Selami Kurnaz est tombé en martyr, le gouvernement AKP disait déjà que le “jeûne de la mort avait pris fin” .
Ainsi, l’AKP, son ministre de la justice et ses bureaucrates mentent honteusement. Car en ce moment même, 6 prisonniers observent le jeûne jusqu’à la mort. Voici leur nom et la prison où ils sont respectivement incarcérés:

– Vedat Celik (prison n° 1 de type F de Tekirdag)
– M. Kemal Eren (prison n° 1 de type F de Kandýra)
– M. Inan Isýk (prison n° 1 de type F de Kiriklar)
– H. Sergül Albayrak (prison de type E d’Usak)
– Fehim Horasan (Prison n° 1 de type F de Sincan)
– Remzi Aydýn (Prison de type F de Tekirdag)

Le mensonge a été le cheval de bataille des deux gouvernements contemporains à la résistance carcérale à savoir, celui de la coalition DSP-MHP-ANAP et celui de l’AKP. Les mensonges qui émanent des milieux du pouvoir sont parfois vraiment impensables. Au lendemain du massacre du 19 décembre 2000, ils ont bassement annoncé qu’il s’agissait d’un “jeûne simulé” ou encore que “personne n’observait le jeûne jusqu’à la mort”. Quand on sait qu’après ces mensonges honteux, une centaine de détenus sont morts des suites de leur jeûne.
Comment peut-on gouverner un pays tout en proférant des mensonges aussi grossiers?

2. Le ministre de la justice du gouvernement AKP a menti sous le toit de la Grande Assemblée Nationale Turque en affirmant que “le rapport de l’UE ne parle pas des prisons de type F”

Pas plus tard qu’il y a quatre jours, le ministre de la justice Cemil Ciçek a répondu à un parlementaire du Parti républicain du peuple (CHP) dénommé Hasan Aydýn qui critiquait le régime d’isolement dans les prisons de type F par les propos catégoriques suivants: “Dans le rapport de la Commission sur les progrès de la Turquie, on ne parle pas des prisons de type F… S’il n’y avait pas eu des améliorations dans les prisons de type F, ce sujet aurait été mentionné dans ce rapport… Les prisons de type F ne sont pas étroites. Ces prisons ressemblent à des logis d’accueil pour corps diplomatiques.”
Voici comment la Commission européenne dément les propos de Cemil Çiçek:
“Les conditions actuelles de détention dans les prisons de type F sont considérées d’un niveau élevé, bien que l’isolement des prisonniers demeure un problème grave.”
Ciçek a menti au point de dissimuler cette phrase clé : « L’ISOLEMENT DES PRISONNIERS DEMEURE UN PROBLEME GRAVE. »
Ainsi, l’argument que le ministre invoquait toujours, à savoir que « l’UE soutient (nos) réalistations » s’écroule avec ce rapport. Cemil Ciçek compte sur l’Europe pour légitimer ses crimes mais cette dernière le contredit.
Cependant, nous connaissons bien le rôle de l’Europe dans le massacre des prisonniers et dans la construction des prisons de type F. Pour nous, l’UE est responsable de la mort des 117 détenus tombés dans la lutte contre l’isolement.
Mais cela ne change rien au fait que Cemil Çiçek a manipulé les données indiquées dans le rapport de la Commission européenne.
Cemil Çiçek a ainsi du mal à défendre le massacre qu’il a lui-même commis. Il ne parvient pas à défendre sa politique d’isolement à l’égard des prisonniers politiques.
Son ‘négationnisme’ ainsi que la censure qu’il a imposé à la presse bourgeoise à l’égard de cette hécatombe ne sert finalement qu’à maintenir les conditions de détention inhumaines dans les prisons de type F.

3. Ci-dessous, nous republions le paragraphe du rapport de la Commission européenne concernant les prisons et l’isolement carcéral dans son intégralité (voir aussi site officiel: www.europarl.eu.int/comm/enlargement/report_2004 ):

« En ce qui concerne le système pénitentiaire, la situation s’est sensiblement améliorée depuis 1999. Des institutions telles que les juges d’application des peines et les comités de contrôle ont été mises en place et plusieurs recommandations du CPT ont été mises en oeuvre.
Selon des sources officielles, il y avait, en décembre 2003, 64 296 personnes dans les prisons et les centres de détention, dont 37 056 condamnés et 27 240 personnes en détention provisoire.

Selon ces mêmes sources, il n’y a actuellement aucun prisonnier faisant une “grève de la faim jusqu’à la mort”, bien que certaines ONG signalent qu’un certain nombre de condamnés continuent de mener une telle grève de la faim.

En septembre 2004, une délégation de juges de la Cour européenne des droits de l’homme, accompagnés de médecins experts, a effectué une mission d’enquête en Turquie dans le cadre de requêtes déposées par une cinquantaine de détenus qui souffriraient des séquelles d’une longue “grève de la faim jusqu’à la mort”. Les services du Procureur d’Izmir mènent actuellement une enquête, à la suite des allégations de torture systématique de mineurs dans la prison de Buca.

En ce qui concerne les affaires ayant trait aux opérations de transfert de prisonniers vers les nouvelles prisons de type F, qui ont eu lieu en décembre 2000, un tribunal a estimé en mars 2004 que l’État avait commis une faute, s’agissant de la mort d’un prisonnier pendant ces opérations. Le tribunal a considéré que lesdites opérations n’avaient pas bien été planifiées et que l’utilisation de la force avait été excessive.

Les conditions actuelles de détention dans les prisons de type F sont considérées d’un niveau élevé, bien que l’isolement des prisonniers demeure un problème grave.
Les comités de contrôle, au nombre de 131 désormais, ont continué de procéder à des inspections. Ils ont axé leurs travaux sur les conditions de vie, la santé, l’alimentation, l’éducation et la réinsertion des détenus. Entre janvier et août 2004, les comités de contrôle ont formulé 1 193 recommandations, dont 451 ont été suivies d’effet. Ces comités ne comportent pas actuellement un nombre élevé de représentants de la société civile et leurs rapports sont confidentiels.

En mai 2004, les 140 juges d’application des peines avaient reçu 11 923 plaintes concernant des actes à l’égard de prisonniers et de détenus depuis la création du système en 2001. 3 659 de ces plaintes ont été acceptées et suivies d’effet, 319 ont été partiellement acceptées et suivies d’effet et 7 945 ont été rejetées par les juges d’application des peines. Un nombre élevé de plaintes (5 554) concernaient des peines disciplinaires. En décembre 2003, le ministère de la Justice a publié une circulaire précisant que les plaintes adressées aux juges d’application des peines devaient être
transmises sans faire l’objet d’un tri préalable. Les juges en question ne bénéficient pas à ce jour d’une formation appropriée.

Des ONG ont rapporté que les avocats et les visiteurs continuent d’éprouver parfois des difficultés pour rencontrer les détenus, bien que les fouilles à dessein d’intimidation aient cessé. Une circulaire adoptée en juin 2004 a rappelé à la gendarmerie que les avocats qui entrant dans des locaux pénitenciers ne peuvent être fouillés que si ils activent une
machine détectrice de métaux et que ces fouilles doivent être menées avec respect pour la personne. Il y a aussi des rapports indiquant que certains prisonniers ne reçoivent pas un traitement médical approprié.”

Le 9 novembre 2004
Les familles de TAYAD
www.tayad.de