Nous évoluons dans un système absurde
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«
. Il crée ou intensifie les inégalités, détruit les liens entre les individus (ou les rend hypocrites), ajoute de la violence inutile, produit du travail aliéné parfaitement superflu, qui pourrait être utilisé de façon ludique et cætera, et cætera. »
Pour beaucoup, c’est devenu plus qu’une conviction. D’autres réclament encore des
.
Nous ne pouvons dans ce bref texte lister la totalité des absurdités du « système » ; nous n’en donnerons qu’un exemple. En mathématiques, étendre une vérité incluse à une vérité plus vaste s’appelle conjecturer. Notre conjecture, ici, tient pour prémisse l’imbécillité du payement des transports publics.
Quand bien même on estimerait que les inégalités sont inévitables, il est assez difficile de jouir à les voir renforcées encore. C’est exactement ce que fait la non-gratuité des transports publics. Pour un individu possédant une quantité B de fric, un autre C, pour un coût de A, si on a B > A/C. Cela se traduit : exiger une même somme à deux personnes financièrement inégales induit nécessairement une augmentation de cette inégalité ; le
du prix est plus élevé pour le « moins fortuné ». Ne pas comprendre par là qu’il faille faire payer « au pauvre » les produits de luxe à des pourcentages dérisoires, il peut très bien s’en passer, mais avec quelque chose d’aussi basique, d’aussi indispensable que le transport, le système augmente
les inégalités.
Le moyen de s’affranchir de ce racket est bien évidemment l’autoréduction, la
. S’il est davantage pratiqué par la personne ayant des difficultés à « régler », il est aussi le fait de quiconque refuse de raquer, par principe. Pour faire taire cette contestation, le système, ce rouage abstrait, engage et paye des individus de la société qu’il transforme en agents de la coercition. A priori, personne ne déteste un individu qui ne nous a jamais nuit. Or, précisément, l’emploi de cet « agent » est de nous nuire. À juste titre, il rétorque : « je ne fais que mon métier ». L’agent n’a souvent pas choisi son métier, il l’a subi. Il est donc dans la situation ambiguë de permettre la continuation d’un système dont il pâtit lui-même, la situation de victime-bourreau. En tant que victime, nous ne pouvons le considérer comme
, en tant qu’agent du système, nous n’avons d’autre alternative que de le voir comme
. C’est là que réside la nocivité du système : il transforme en
celui qui est potentiellement un
.
Comme le mouvement brownien des molécules, il semble que la violence existe naturellement. Mais le sentiment humain conduit au refus de la violence gratuite, inutile. Or, le système est une machine à créer de la violence inutile : il est donc inhumain. Une personne « en faute » appréhendée par un agent est forcément violentée, même si cette violence n’est pas systématiquement physique. L’humiliation de la soumission forcée est une violence emmagasinée qui resurgira contre l’individu lui-même ou bien contre l’« autre ». Le regard porté sur la personne « en faute » aussi peut être une humiliation, même s’il est très courant d’observer un soutien authentique, silencieux ou non, par quelques uns des « en règle ». À moins qu’il n’aime pathologiquement la violence, l’agent est aussi, même à moindre mesure, la victime des coups que son statut de coercitif l’oblige à assener.
La croyance que la non-gratuité des transports publics est un problème financier mérite d’être démentie : c’est un problème politique. Même si l’on considère comme indépassable l’organisation étatique et bureaucratique, les impôts du citoyen permettent largement de financer la gratuité, comme celles des routes, des trottoirs, des superbes ronds-points… Pourquoi, avec le raisonnement des partisans du transport payant, ne réclame-t-on pas de payer pour emprunter une route ou marcher sur le trottoir ?
L’agent anti-fraude a un gagne-pain improductif, et même : destructeur. La gratuité des transports publics lui retire toute pseudo-utilité. Il quitte donc ce
, nuisible pour son prochain et douloureux pour lui (« travail » vient du latin
, un instrument de torture). Son emploi, c’est-à-dire son occupation, lucrative ou non, change en conséquence. Et cela s’applique de même pour le bureaucrate aliéné qui s’emmerde toute la journée à recopier, vérifier, faire payer toutes les amendes, de même pour le robot-humain qui fabrique en chaîne les contrôleurs automatiques, de même pour l’ingénieur qui planche pour trouver toujours le moyen le plus avancé, le plus automatique, le plus biométrique pour lutter contre « le fléau de la fraude »…
En changeant
d’organisation, tout le temps perdu en occupation nuisible, en corvée abrutissante est retrouvé pour d’autres activités, comme dans une révolution ludique. Cela s’exprime : la diminution jusqu’à l’abolition du travail aliéné permet de dégager un temps monstrueusement gâché, et c’est tout autant gagné de sociabilité, d’art, de jeu, de fête, de banquet, d’orgie… Plutôt cotiser pour un chômeur qui passe son temps à jouer joyeusement du tam-tam sur la place publique que se faire racketter par un travailleur-contrôleur sur les nerfs, est-ce donc si terrifiant ?
Comme dit en exergue, ce texte ne traite pas des transports payants uniquement : ce dont il s’agit, c’est ce système absurde. C’est la prohibition des stupéfiants qui n’a fait que dynamiser leur consommation, et qui, détériorant les produits que, paternaliste, elle jugeait trop hasardeux, a rendus encore plus nuisibles, voire mortels. C’est la superfluité de la paperasserie en tout genre, dont nous ne pouvons semble-t-il pas nous passer, ou quand une secrétaire surmenée, après 45 minutes d’attente au téléphone, fait une crise car on n’a pas renvoyé le papier qu’on a jamais reçu. C’est l’administration croulant sous le n-ième rapport qu’elle ne lira jamais de la n-ième commission pour le projet de la n-ième loi. C’est la bureaucratie qui réclame une autorisation dûment approuvée par le bureaucrate local pour n’importe qui voudrait jouer de la trompette ou du violon dans la rue pour égayer les passants, ou bien organiser une
où chacun peut s’amuser sans nécessairement payer. C’est le capitalisme qui tue l’acteur pour en faire le salarié de l’industrie cinématographique, fait du comédien, du danseur, du jongleur, le fonctionnaire du ministère de l’inculture, du chanteur, un juke-box, du journaliste, le génuflecteur du pouvoir, de l’artiste créatif, un publicitaire… C’est tout ce qui tue la spontanéité, qui organise la survie (la vie réduite au consommable) puis tente par la force d’en gérer le désordre.
Vouloir changer notre organisation et nos vies, c’est combattre
système.
Pour les transports publics : zéro à débourser, c’est zéro fraude. Vive la fraude !
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