Vénézuela, la naissance d’une socialdémocratie radicalisée
Catégorie : Global
Thèmes : Archives
En ces temps de dérégulation, privatisation selon le modèle anglo-saxon de richesse, les objectifs de Chavez sont considérés révolutionnaires, même si les mesures proposées ne sont pas différentes de celles du gouvernement britanique d’après guerre de Clement Attlee. Une partie de la richesse du pétrole est investie dans l’éducation et la santé pour les pauvres. Au moins un million d’enfants des bidonvilles les plus pauvres bénéficient maintenant d’une éducation gratuite, 1,2 million d’adultes analphabètes ont appris à lire et à écrire, l’éducation secondaire est maintenant accessible pour 250.000 enfants dont le statut social les excluait de ce privilège durant l' »ancien régime », trois nouveaux campus universitaires étaient opérationnels en 2003 et six de plus seront prêts pour 2006. En ce qui concerne la santé publique, les 10 000 médecins cubains qui ont été envoyés pour aider le pays ont transformé la situation dans les districts les plus pauvres, où fonctionnent 11.000 cliniques de proximité, et le budget pour la santé a été triplé. Ajoutez à cela le soutien financier aux petits commerces, les nouvelles maisons construites pour les démunis, la loi de réforme agraire promulgée malgré la résistance, légale et violente, des propriétaires fonciers. Fin 2003, 2.262.467 hectares avaient été distruibués à 116.899 familles. Les raisons de la popularité de Chavez sont évidentes. Aucun régime antérieur n’avait ne serait-ce que remarqué la difficile situation des pauvres. Et on ne peut éviter de se rendre compte qu’il ne s’agit pas qu’une simple division entre riches et pauvres, mais aussi d’une différence de couleur de peau. Les chavistes tendent à être de peau obscure, reflétant en cela leurs ancêtres, natifs et esclaves. L’opposition tend à être de peau claire et quelques uns de leurs plus désagréables supporters traitent Chavez de singe noir. Un spectacle de marionnettes dans lequel Chavez était représenté par un singe a même été organisé par l’ambassade des Etats Unis à Caracas. Mais Colin Powell n’a pas trouvé cela amusant et l’ambassadeur a du s’excuser. Le vaillant argument soutenu par l’éditorial hostile de The Economist cette semaine, selon lequel ceci fut fait pour gagner des voix, est extraordinaire. Le contraire s’est produit. Les bolivariens voulaient le pouvoir pour que des réformes réelles puissent être mises en oeuvre. Tout ce que les oligarques offrent n’est rien de plus que le passé et la destitution de Chavez. Il est ridicule de suggérer que le Vénézuéla est au bord d’une tragédie totalitaire. C’est l’opposition qui a tenté d’emmener le pays dans cette direction. Les bolivariens ont été fabuleusement réservés. Quand j’ai demandé à Chavez de m’expliquer sa philosophie, il a répondu : « Je ne crois pas aux postulats dogmatiques de la révolution marxiste. Et je n’accepte pas que nous vivions dans une période de révolutions prolétariennes. La réalité nous le dit tous les jours. mais si ils me disent que pour cette réallité je ne peux rien faire pour aider les pauvres, alors je dis ‘partons camarades’. Je n’accepterai jamais qu’il ne puisse pas y avoir redistribution de la richesse dans la société. Je crois qu’il est préférable de mourir dans la bataille que soutenir à tout prix un standart très pur et révolutionnaire, et de ne rien faire… Tente-le, et fais ta propre révolution, entre en combat, avance un peu, même si c’est seulement d’un millimètre, dans la direction correcte, au lieu de rêver avec des utopies ». Et ceci est la raison pour laquelle il a gagné.
Tariq Ali (De The Independent, de Grande Bretagne. Spécial pour Pagina 12 d’Argentine), 18 août 2004
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)
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