Barrio Jardines del Avila est accroché sur les flancs de la montagne sous un immense pont de l’autoroute qui va à Petare, un des faubourgs les plus peuplés de Caracas. Dans les maisons modestes, quelques unes de matériel, vivent autour de 60 familles, quatre d’entre elles “escuálidas” (opposées à Chavez), prévient une femme. Il y a environ dix femmes réunies dans la maison cantine populaire où mangent autour de 150 personnes par jour. Plusieurs d’entre elles furent les véritables protagonistes du contre coup d’état d’avril 2002 qui a délivré Chavez de la prison.
“J’avais une grossesse difficile – se souvient Milena, une femme jeune de yeux vivaces, dans la maison de laquelle fonctionne la cantine – et je ne pouvais pas bouger mais quand ils ont dit à la télévision qu’ils avaient incarcéré le commandant, je suis sortie dans la rue et j’ai crié : ‘ Faites quelques chose, trouillards, pour défendre votre président!’, alors mon mari a chargé une camionnette avec plusieurs pneus et est parti avec d’autres voisins les brûler sur l’autoroute, ils ne laissaient passer que les camions remplis de gens qui allaient à Miraflores (palais présidentiel).” D’autres femmes s’émotionnent aussi et racontent avec orgueil comment elles marchèrent jusqu’au centre pour affronter les partisans du coup d’Etat.
Dans tous les quartiers existent les “mercales”, un système de nmarchés populaires où se vendent des aliments de première nécessité entre 30 et 50 pour cent moins chers que dans les commerces. Mais dans les zones où les gens ne peuvent acheter même à ces prix réduits quelqu’un de la communauté cède sa maison pour l’utiliser comme cantine populaire et est fournie gratuitement par le gouvernement. Dans ce cas précis, ce sont près de dix femmes qui collaborent volontairement et sont présentes avec quelques adolescents et enfants. “Ceci, nous ne le faisons que les femmes parce que nos hommes travaillent durant la journée, quelques uns qui sont employés dans le poulailler d’en bas nous aident parce qu’ils viennent manger le midi”, explique Milena.
Elles ne font pas confiance aux “politiqueros”, y compris de quelques uns enrôlés dans l’officialisme. “Il y a des personnes qui se vêtissent de rouge et se disent chavistes mais les véritables révolutionnaires ce sont nous ceux d’en bas le peuple”, dit une femme. Une autre ajoute que “dans tous les pays il y a une partie des politiques qui tente de nous utiliser mais le meilleur de ce processus est que les protagonistes, ce sont nous-mêmes”. “Nous devons épurer ces infiltrés qui sont en postes”, “comme dit le président nous devons faire la révolution dans la révolution il est nécessaire de vaincre”, “nous devons faire attention des politiqueros et être patients, parce que ce sont nous qui résolvons les problèmes dans les quartiers”.
La discution s’étend et toutes opinent avec véhémence. Toutes disent qu’elles voteront contre la révocation de Chavez. Mais une femmes âgée fronce les sourcils et dit qu’elle ne votera pour personne. “Puisque ceci est un pays démocratique, le vote est libre”, la justifie une autre voisine, à contrecoeur. Lobelis Caripe, une mulâtre de cheveux en chignon qui est dirigeante communautaire, explique qu’avant elle ne faisait pas de politique, mais que maintenant “la révolution nous a tous révolutionnés, celui qui n’est pas avec la mission Robinson, étudiant, aide les centres de santé de la mission Barrio Adentro, ou est dans l’autoconstruction ou collabore avec les cantines”.
Les missions, qui ont commencé il y a un an et demi quand le gouvernement a récupéré le contrôle sur la compagnie pétrolière nationale PeDeVeSA, sont l’argument le plus fort du président Hugo Chávez pour le référendum. Une partie des excédents de la rente pétrolière a été consacrée à ces programmes sociaux, comme la mission Robinson, qui a alphabétisé des millions de vénézueliens, ou la mission Barrio Adentro. A “Jardines del Avila” existe le module de santé une construction otogonale, simple mais dotée de tous les éléments pour la médecine préventive, y compris des médicaments gratuits. Il y a deux autres modules, un d’ophtalmologie, qui délivre des lunettes gratuites, et un d’ontonlogie. Avant, l’hôpital le plus proche était au centre de Petare, à une heure de trajet. Les modules pris en charge par des médecins cubains et il y en a maintenant plus de dix milles dans les bidonvilles et les quartiers les plus modestes de tout le pays, où les médecins vénézuéliens se refusaient de rentrer.
Milena explique aussi qu’ils ont construit dix maisons par autoconstruction et ont recu 22 prêts pour réfaction. Ce sont des prêts sans intérêts et qui se payent avec un quota de moins de dix dollars par mois. Ils ont aussi asphalté la rue principale par le système d’autoconstruction. Il existe la Banque de la Femme, la Banque du Peuple et d’autres qui délivrent des prêts de ce type pour des projets productifs. Et des 800 coopératives qui existaient quand Chavez est arrivé au gouvernement, maintenant il en existe quasiment 20 000 explique enthousiasmés Enid Clemente et Hugo Tovar, qui s’occupe d’une radio communautaire à Caracas. “Face à la désinformation des médias commerciaux -dit il- nous sommes en train de développer un réseau de radios communautaires, avec le système de coopératives, nous voulons que chaque quartier ait la sienne.”
Beaucoup de ces projets ont commencé il y a peu de mois et l’impact social a été très fort, comme le reconnait d’ailleurs l’opposition. Cependant, le centre de Caracas et les quartiers riches constituent un autre monde, dans lequel les “missions” sont percues comme une menace pour l’exercice de la profession de médecin, pour les fabricants de lunettes ou les pharmacies et les supermarchés qui craignent de perdre un acheteur potentiel qui maintenant consomme dans le mercal. “Cela ne me dérange pas qu’ils soient “escuálidos” -dit ne femme de Jardines del Avila-, mais ils critiquent tout et sont les premiers à utiliser les services des missions et à acheter dans le mercal.”
“Nous n’avions jamais participé à la politique, nous sommes en train d’apprendre -dit Milena-, autant à discuter avec les escuálidos qu’apprendre l’économie. Nous avons commencé parce que Chávez nous a convoqués, quoi qu’il se passe nous sommes avec le président, nos indiens ne se sont jamais agenouillés devant personne, nous portons cela dans notre sang.”
La scène se répète dans le quartier Caucauita, de classe moyenne basse, avec des dizaines de monobloks et de tours qui exhibent à leurs fenêtres des pancartes pour le Non et quelques unes isoléespour le Oui. Ici aussi existent des modules de santé et les mercales. Une maîtresse appelle “vainqueurs” les adultes qui se sont alphabétisés avec la mission Robinson ou ceux qui ont terminé le collège nocturne avec la mission Ribas. “Ici nous sommes clairs, il y a beaucoup à corriger, à résoudre mais nous savons où nous allons”, affirme un homme. Un autre s’approche pour souligner que “depuis que Chávez est là, il n’est pas allé une seule fois au FMI”.