Equateur, l’autre guerre du pétrole

Mis à jour le :15 novembre 2003. Auteur : Gaïapolis.

Equateur, 2001. Un nouvel oléoduc du nom d’OCP (Oleoducto de Crudos Pesados) doit traverser 500 km d’Amazonie. Une décision prise par un consortium euro-américain comprenant l’énergie et la finance : Occidental Petroleum, Keer MacGee et Citybank pour les Etats-Unis ; Alberta Energy (Canada) ; Techint & Perez Cie (Argentine) ; AGIP et Banco del laboro (Italie) ; Repsol et BBVA (Espagne) ; enfin Westlbank (Allemagne). 80 % du pétrole va au coeur automobile de l’Empire du Bien.

Or, sur son parcours, le tube traverse 11 aires protégées, des territoires indigènes, la forêt humide de Mindo, six volcans en activité, cent rivières, deux lagunes et 50 % des eaux de la capitale, Quito. Les opposants au projet proposent tout d’abord de suivre le SOTE, oléoduc construit en 1972, 80 km au sud. Proposition vraiment « raisonnable » : elle aurait au moins permis d’« amortir » les dégâts et les victimes occasionnés par le SOTE : quarante-cinq ruptures, des « marées noires » en pleine forêt, des explosions de raffineries et des brûlés vifs. Mais non ! Le consortium a décidé de suivre la frontière colombienne. Serait-ce le pétrole colombien et vénézuélien qui l’intéresse ? Dans ce cas, le « Plan Colombie » contre les FARC, les fumigaciones ( des tests chimiques ou bactériologiques mortels sont pratiqués sur des populations reculées, par épandage aérien depuis la base militaire US de Manta) et la tentative « à la Pinochet » de renverser le Président vénézuélien Chavez – trop vite avouée par l’Europe et les USA [1] – prennent un tout autre sens.

Goudron, corruption, exécutions
Bien sûr, le gouvernement équatorien, vassal du consortium, soutient la très patronale ligne du « développement ». Pourtant, depuis le premier tube (SOTE), sa dette extérieure s’est envolée. Le nombre de pauvres aussi (+ 44 %) ! Et les recours démocratiques d’usage (manifestations, grèves, blocages des routes et des travaux) n’y font rien. En revanche, la multinationale s’autorise tous les moyens « nécessaires » pour « aboutir » : corruption, promesses, violations de domicile et menaces : soixante-dix assassinats rien qu’en juillet 2001 ! En octobre, des paysans intentent un procès contre Alberta Energy. Alberta offre un repas drogué à tout le village puis le fait séquestrer jusqu’à sa reddition [2] !

Pour sauver la forêt, les villageois de Mindo, l’association Accion Por La Vida et des militants écologistes internationaux installent un campement de résistance pacifique dans les arbres sur le trajet du tube, à Guarumos. Début 2002, évacuations musclées et réinstallations se succèdent sous l’œil goguenard de la presse locale, internationale et d’associations comme Amazon watch, GreenPeace Allemagne, France – Amérique Latine. Fin mars, tous défilent pour la justice sociale et la dignité des peuples et contre l’OCP et l’ALCA, équivalent sud-américain de l’Union Européenne. Pour toute réponse, un vigile du World Trade Center de Quito fait deux blessés par balles et quatre-vingt mercenaires de l’OCP déportent les internationaux. Les ambassades affolées rapatrient leurs ressortissants : certains craquent sous la menace de prison. Afin de réclamer leur libération, les villageois de Mindo coupent des routes et séquestrent deux camions de tubes de l’OCP. Les manifestations de soutien sont quotidiennes devant la prison. Les prisonniers restant sont finalement libérés, mais l’OCP porte plainte aussitôt. Les militants fuient clandestinement en Europe. Leur procès a lieu, au beau milieu des célébrations du 11 septembre. Chef d’accusation : sabotage et… terrorisme !

Juin 2002. Dernier campement sur un terrain spécialement racheté, à Guarumos. Une caravane « verte » italienne est refoulée : l’AGIP porte plainte pour violation de domicile. Finalement, « épuisés » par tant de liberté démocratique et écologique, les « députés du peuple » jettent bas le masque : toute opposition au capitalisme mondial est déclarée illégale.

Conclusion : Energie et Capital tuent. Partout. Sous diverses formes : radioactivité, bagnoles, ozone ou effet de serre. Mais aussi sous forme de démocraties terroristes aux ordres de multinationales fascisantes. Et de l’Algérie à la Birmanie, de la Tchétchénie à la Bolivie, le sang coule. L’empire a soif.

gaiapolis@no-log.org

Publié dans CQFD n°6, novembre 2003.

[1] Le Monde Diplomatique, janvier 2003

[2] La Hora, 09-11-2001