Racisme, sexisme hors de notre mobilisation : auto-organisation !
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Racisme
Il nous paraît inacceptable que la mobilisation jouisse de l’image d’un mouvement anti-raciste et anti-sexiste alors même que nous constatons quotidiennement la permanence de logiques racistes et sexistes en son sein.
Ce mercredi 23 mars, nous avons constaté une n-ième situation où la parole d’une étudiante dénonçant les propos racistes d’un autre étudiant blanc a été agressivement réprimée. Alors qu’elle exigeait de ne pas voir à partager l’espace avec lui, la réponse collective du comité de mobilisation a été violemment déficiente et a débouché sur du victim-shaming1 : « il est pas méchant », « il est clean, il milite depuis le début de la mobilisation », « c’était une blague, du second degré ».
L’étudiante a été collectivement présentée comme hystérique et le comité n’a eu de cesse de poser comme prioritaire l’urgence de la mobilisation au dépend de la déconstruction des schémas de domination blanche.
Nous dénonçons ce traitement collectif de la situation qui n’a finalement que soutenu et renforcé la parole raciste au lieu de catégoriquement la condamner. La situation nous paraît d’autant plus problématique qu’après trois semaines de mobilisation, force est de constater que les Assemblées Générales sont terriblement blanches, ce qui laisse s’y exprimer impunément une parole blanche raciste dans une fac se targant d’accueillir des étudiant.e.s racisé.e et étranger.e.s. Les chiffres recueillis à l’initiative du groupe non-mixte genre le montrent : l’écrasante majorité des prises de parole non réglementées sont blanches (78%) là où la parole des femmes racisées est totalement invisibilisée (8%).
Nous ne pouvons pas laisser passer ce genre d’attitudes racistes et sexistes et rappelons que :
Seules sont légitimes à définir le racisme d’une situation les personnes racisées concernées et elles seules sont dépositaires de leur parole. Une personne blanche ne peut ni remettre en question le racisme ni parler au nom des racisé.e.s. Une attitude perçue comme raciste par une personne racisée doit être considérée comme telle sans discuter. Trop souvent la parole racisée est confisquée, instrumentalisée et invisibilisée.
L’humour et le second degré n’excusent ni le racisme ni le sexisme. En réactivant des catégories de pensées stigmatisantes sur lesquelles des oppressions racistes et sexistes se construisent et s’institutionnalisent, ce genre de prise de parole, sous couvert d’humour, ne font que reproduire les rapports de forces qui nourrissent ces dominations. Ne pas en avoir « l’intention » n’a ici aucune pertinence, et chercher le rire ne retire rien des logiques racistes et sexistes sous-jacentes. Rires d’opprimé.é.s, c’est normaliser et banaliser l’oppression, c’est conforter l’oppresseur et légitimer sa domination. L’humour n’est jamais neutre : de qui on rit et pourquoi a du sens, du sens quant aux évidences que l’on a intégrées et du sens quant à ce dont on décide d’en faire.
Face à ces attitudes et discours inacceptables, nous appelons à une réponse collective intraitable : de nos espaces de luttes et de vie et sous demande, sans justification, des personnes concernées, nous ferons de l’exclusion des attitudes sexistes et racistes un mot d’ordre tant que nous en serons victimes.
1Inversion du rapport de culpabilité : faire porter le poids de l’oppression sur l’opprimé.e.
« une attitude perçue comme raciste par une personne racisée doit etre considérée comme telle »…cela est faux(une personne « racisée » n’est pas forcément honnete,par exemple) et dangereux (un blanc n’est pas obligé de se taire devant la connerie d’un racisé,parfois)…peut etre devriez vous aussi considérer la sociologie d’un mvt etudiant,la question de classe(y compris pour les racisés etudiants)…j’me rappelle de l’agen(nanterre),groupe « mao »,dont les chefs sont arabes(systematiquement) et fils de diplomates
Le fait d’être à l’aise à parler en public ne me semble pas vraiment causé par la couleur de peau ou le genre … plutôt par notre éducation, et notre façon d’être, notre façon d’être à l’aise avec nous-même ou pas … Il y a peut-être parfois des grandes gueules, c’est peut-être souvent pas facile de dire quelque chose dans des assemblées quand on n’a pas l’habitude, mais si certains occupent l’espace c’est aussi parce qu’on leur laisse.
Résumer ça à la « race (quelle horreur d’en arriver à dire des choses pareilles !) ou au genre c’est franchement pas sérieux, et surtout très malhonnête. C’est vouloir imposer une idéologie malsaine et dangereuse, la faire rentrer partout, sans se soucier de ce que tout ça veut dire dans le fond : qu’il faut traiter les gens différemment selon leur « race » ou leur « genre », que ces choses qu’on n’a pas choisi nous définissent …
Vous réalisez que de vos délires naîtront des monstres que vous ne contrôlerez plus, comme des Eldridge Cleaver, ou vos amis du PIR (dont Bouteldja qui en arrive à gloser sur les victimes de la shoah ..), ou des Kémi Séba ? Et dans des moments de lutte c’est complètement hallucinant de tout faire pour créer des dissensions basées sur des choses complètement essentialistes qui vont exactement dans la logique de ce monde.
Je ne suis pas encore allé aux AG de Paris 8, mais si c’est pour y entendre le discours du PIR et de LMSI je préfère me contenter d’aller dans des endroits où les gens luttent, d’aller rencontrer les lycéens qui bloquent, les gens en grève, loin des amphis inspirés par des contre-révolutionnaires, par des personnes qui n’aspirent qu’à parvenir, qui sont à la fac uniquement pour ça, et qui voient dans ces mouvements un moyen de se faire un nom.
Il est quand même insensé, après quelques choses comme quatre à cinq générations de mouvements féministes et anti-racistes de penser que l’éducation ne serait pas raciste ou genrée, que le fait d’être grande gueule et sûr de soi viennent aux blancs et aux hommes « naturellement » (s’il existe une telle chose). On laisse les gens occuper l’espace ? C’est proprement intolérable d’entendre ça, j’imagine que si les pauvres le sont, c’est aussi parce qu’ils laissent les bourgeois les entuber ?
Et si on (re-)politisait un peu les espaces militants et si on se rendait compte qu’ils peuvent être et sont aussi masculinistes, virilistes et racistes que partout ailleurs ? C’est toujours la même chose, les jeunes mecs qui pensent avoir la parole universelle et parler pour tout le monde, alors qu’on sait grâce aux travaux des féministes que tout ça c’est de bon vieux relents patriarcaux que les hommes sûrs d’eux justement et de leurs privilèges continuent de maintenir en place.
Corinne Monnet – La répartition des tâches entre les femmes et les hommes dans le travail de la conversation
https://www.infokiosques.net/spip.php?article239
A la suite de sa dernière action piscine, le groupe féministe Les TumulTueuses, a reçu cette lettre d’un lecteur, s’étonnant qu’on puisse remettre en cause l’idée, évidente selon lui, que « les hommes et les femmes sont différents et complémentaires ». Nous avons décidé de reprendre les explications fort pédagogiques et patientes des TumulTueuses, précédées de la lettre du lecteur.
« Une question, pour ma compréhension.
Je découvre votre site via le site rue89 et commence naturellement par lire la déclaration de votre « raison d’être » et me viens la question suivante dès le premier paragraphe :
Je fais partie de la majorité des gens qui pensent que les hommes et les femmes sont différents et complémentaires.
Je suis un homme et je ne pourrai par exemple jamais sentir un enfant pousser dans mon ventre et c’est une différence « naturelle » majeure. Or votre premier paragraphe semble indiquer que les Tumultueuses pensent que nous ne sommes pas « naturellement » différents ni complémentaires.
En quoi ne le sommes nous pas ?
A tout hasard, si vous avez déjà pris la peine sur votre site d’expliquer ce point, un lien vers l’explication me suffira.
Merci d’avance pour le temps que vous passerez à m’éclairer sur ce sujet. » le 18/12/2010
***
Voici la réponse des TumulTueuses :
Cher lecteur,
Merci de votre message. Il nous rappelle que ce qui nous semble évident sur un sujet, après de nombreuses lectures, réflexions et expériences, ne l’est pas forcément pour tout le monde. C’est pourquoi, nous avons pris le temps de vous répondre longuement afin que nos positions soient (mieux) comprises.
Minorité, majorité, qui a raison ?
C’est vrai, votre opinion rejoint l’opinion de la majorité, mais faire partie de la majorité ne signifie pas avoir raison. Ce n’est pas le nombre, ni le type de personnes qui défendent une idée qui en garantissent la crédibilité. Nous savons que nous défendons des points de vue qui sont minoritaires, mais ce n’est pas pour autant que ceux-ci sont moins valables.
Evidences
Des personnes naissent avec des organes femelles, d’autres avec des organes mâles, et d’autres avec les deux que l’on appelle les intersexes. Vous nous dites que vos organes mâles font que vous ne pouvez porter d’enfant. Et après ? Vous venez juste de rappeler une évidence : dans l’espèce humaine, la reproduction est sexuée.
Sommes-nous des vagins et des pénis sur pattes ?
Ces évidences une fois rappelées, pensez-vous que c’est la nature qui peint la chambre des bébés mâles en bleu et celle des bébés filles en rose ? Pensez-vous que c’est la nature qui a donné Barbie aux filles et Superman aux garçons ? Est-ce bien elle qui dans les magasins crée des rayons jouets filles d‘un côté et garçons de l‘autre ? Rase-t-elle aussi les jambes des femmes parce qu’il ne serait pas féminin d’avoir les jambes poilues ? Serait-ce toujours elle qui considérerait que baiser à tout va est plus grave lorsqu’on est une femme ? Ou, à l’inverse, qu’il est plus grave de pleurer lorsqu’on est un homme ? Enfin, la nature aurait-elle exigé que dans la langue française « le masculin l’emporte sur le féminin » ?
Des tests réalisés afin de savoir s’il existait deux cerveaux selon le sexe (dans des laboratoires différents, et à des moments différents) ont montré que les différences entre hommes et femmes qu’on a l’habitude de constater (et qui sont en réalité le fait de leurs éducations différentes) étaient effacées une fois que les personnes y étaient préparées de la même façon. Autrement dit, quand les hommes et les femmes étaient entraînés aux mêmes exercices, les différences constatées dans le fonctionnement de leurs cerveaux s’amenuisaient pour finalement disparaître. En clair, nous sommes ce par quoi on nous conditionne. (cf livre de C.Vidal qui s’intitule « Hommes, femmes, avons-nous le même cerveau ». Les tests dont il est question plus haut y sont référencés.)
Nous devenons ce que nous sommes en raison d’un conditionnement qui débute dès la petite enfance, et qui nous apprend à nous comporter comme une femme ou comme un homme, en fonction de nos organes génitaux de naissance.
Si ces différences étaient “naturelles”, pourquoi serait-il nécessaire qu’on nous rappelle constamment comment faire pour être un « vrai » homme, ou une « vraie » femme ? (« ne pleure pas tu es un garçon », « les petites filles ne se bagarrent pas comme ça », « untel n’est pas un vrai mec », « une telle ne fait pas comme une fille » etc.). Et donc, s’il existe de « faux » hommes et de « fausses » femmes, alors que ces personnes possèdent un organe mâle ou femelle considéré comme normal, n’est-ce pas la preuve que l’idée d’une vérité masculine et d’une vérité féminine a une origine sociale et pas génitale ?
De plus, si nous n’étions que des organes génitaux sur pattes, naturellement différents et complémentaires, pourquoi nos considérations sur ce que sont l’homme et la femme évolueraient-elles selon les époques et les sociétés ?
Enfin, si tout ceci était si naturel et immuable pourquoi avoir tellement peur que cela disparaisse à cause du militantisme de personnes aux avis supposés méprisables parce que minoritaires ?
« Ok c’est culturel, mais enfin, c’est utile : on ne peut pas être tous pareil ! »
Que l’on se rassure. La crainte d’un effacement des sexes à cause des théories féministes est un vrai non sens. Regardez autour de vous : selon nos parcours, nos religions, nos idéaux, nous sommes vraiment toutes et tous différents. Eh oui, certains hommes pro-féministes sont beaucoup plus proches de nos idées que certaines femmes conservatrices. En somme, n’ayez crainte, les gens ne sont pas identiques. La vraie uniformisation est sociale : c’est celle qui veut que toutes les femmes soient pareilles entre elles et tous les hommes pareils entre eux. C’est celle qui par exemple réprime les comportements de certains hommes que l’on juge pas assez « masculins » et qui donc se forcent à avoir l’air de « vrais hommes ». Est-ce naturel de se forcer à avoir l’air d’un « vrai » homme ?
« Ok, on ne sera pas tous pareil, mais à quoi bon remettre tout cela en question ? »
Ce sont les éducations différentes selon que l’on naît mâle ou femelle qui consacrent la hiérarchie entre les sexes. Par éducation nous entendons évidement bien plus que les parents, mais tout ce qui modèle une société (films, musique, médias, écoles, pairs, etc…).
Dans un monde où sont valorisées la compétition, la force, la rigueur, la réussite, comment voulez-vous que les personnes élevées au féminin, et donc élevées à la douceur, à la gentillesse, à la compassion, aillent massivement très loin ? Il y en aura toujours quelques-unes, mais la grande majorité des femmes continuera à se perdre dans des aspirations qui ne tournent qu’autour de leur vie sentimentale et familiale, pendant qu’une majorité d’hommes continuera à être nourrie par des désirs de réussite. Elles continueront à se sentir méprisables parce que célibataires et/ou sans enfant, et à l’inverse, à se sentir valorisées par les titres ronflants de « bonne mère » et « bonne épouse » pour le temps gratuitement consacré à leur foyer, l’idée étant qu’elles se donnent « naturellement » et par « amour ».
Il n’y aurait rien de mal à être perçue comme une « bonne mère » ou une « bonne épouse » si les concepts de « bon père » et « bon époux » étaient aussi pensés comme suffisants pour un homme. Mais nous savons toutes et tous qu’il n’en est rien. Tous ceux qui vantent les supposés rôles féminins, ceux-ci étant soit disant très honorables, sont ceux qui pour rien au monde ne voudraient être honorés de cette façon. Ils savent très bien que dans cette société, l’honneur se trouve ailleurs.
Nos éducations au féminin nous ont appris à penser que c’est seulement sur nous que devait peser la responsabilité du « respect de soi » (les femmes devraient paraît-il être « respectables » pour être « respectées »), qu’il ne faudrait pas gagner plus d’argent que nos hommes pour que leur virilité ne soit pas en danger, etc…
Voilà pourquoi nous considérons que « l‘égalité dans la différence », si c’est dans cette différence, est une vaste blague…
La fameuse complémentarité…
Réfléchissons à l’idée de complémentarité, puisque vous l’évoquez : ce stéréotype malheureusement trop répandu n’est-il pas simplement la preuve que nous vivons dans des sociétés qui analysent tout à travers le seul prisme hétérosexuel ?
C’est quoi au juste être « complets » ? Toutes les femmes n’ont pas besoin de se compléter avec un homme pour être heureuses. Inversement certains hommes se complètent très bien entre eux. Dire « homme + femme = complémentarité », cela revient-il à dire que des couples de gays ou de lesbiennes seraient incomplets ?
D’où vient cette idée qu’il faut trouver la personne qui nous est “complémentaire” pour connaître le bonheur ? On choisit plus souvent sa ou son partenaire pour ce qu’on peut partager de commun (valeurs, idées, humour, passions ou tout simplement un vécu semblable) que pour l’inverse, non ? Pourquoi en revanche nos sexes biologiques (= nos capacités ou non à porter un enfant) devraient-ils être différents pour être heureux à deux ?
Même si c’étaient a priori les différences qui rapprocheraient deux êtres, en quoi cela disqualifierait-il le fait que d’autres soient rapprochés par leurs similitudes ?
Après tout, et avec un peu d’humour, ne dit-on pas que les opposés s’attirent mais aussi que qui se ressemblent s’assemblent ?
En résumé
Les différences biologiques dont la fonction est uniquement reproductive n’enferment pas le cerveau des personnes. Oui, pour se reproduire, il y a deux sexes, mais rien à voir avec ce qui se passe dans nos têtes.
Nous l‘avons compris, vous avez un zizi. Vous pouvez donc, si tout fonctionne, lâcher du sperme pour vous reproduire. Mais ne nous faites pas croire que nous n’en lâchez que dans cette fin. D’un côté, il y a la reproduction, phénomène naturel, de l’autre, le désir et le plaisir, des phénomènes culturels perçus de manières différentes selon les époques et les sociétés.
La reproduction est une possibilité et pas une obligation. Tant mieux ! Car, tout le monde ne veut pas ou ne peut pas avoir d’enfants. Et d’ailleurs, les personnes qui en ont n’en fabriquent pas non plus tout le temps.
Pourquoi alors faire de la reproduction le fondement d’un paquet d’idéologies (instinct maternel, virilité, instinct protecteur etc), quand de manière évidente nous vivons des milliards de choses qui ne mettent pas du tout en jeu nos fonctions reproductrices ?
Pourquoi préférer croire à un déterminisme biologique absolu lorsqu’il s’agit d’un déterminisme social sur lequel nous pouvons toutes et tous exercer des changements, aussi difficile que cela peut l‘être ? Au final, n’est-ce pas plutôt rassurant de savoir que nous avons ce pouvoir ?
Pour conclure sur une note optimiste, nous espérons que votre démarche (celle de nous interpeller) soit peut être déjà la première étape d’un processus de remise en cause de cet ordre biologique, dont vous nous parlez avec tant de certitude.
Nous reconnaissons que c’est un processus de questionnement qui est long et qui n’est pas souvent facile, car il implique de remettre en cause tant d’idées que nous avions acceptées comme allant de soi. Mais il est à la portée de tout le monde, à condition d’accepter que même les « évidences » ne sont pas dispensées de questionnement.
Après tout, si elles sont si vraies, vous n’y perdrez rien. En revanche, si elles sont fausses, il serait dommage de ne pas s’en rendre compte…
Si notre humble dissertation vous a suggéré quelques pistes de réflexions, alors elle en valait le coup.
Nous vous souhaitons plein de bonheur quelle qu’en soit la forme.
Amicalement vôtres,
Les TumulTueuses.
http://lmsi.net/Sur-la-pretendue-difference-et