[notre-dame-des-landes] : le mouvement anti aéroport contre le référendum de hollande
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Catégorie : Local
Thèmes : Zad
Lieux : Notre-Dame-des-LandesZAD
Le pouvoir s’intéresse aux opposants… Bizarre !
Alors que l’échéance de la décision judiciaire du 27 janvier d’expulser de la ZAD les habitants historiques et les paysans tombe normalement fin mars, deux initiatives du pouvoir changent la donne substantiellement.
D’abord, depuis le 31 janvier, le cabinet de la ministre de l’environnement examine (!?) le dossier de la DGAC (1) à la lumière des arguments du CEDPA et de l’Atelier citoyen (suite à l’accès aux calculs délirants de la rentabilité du projet par la DGAC, confidentiels jusqu’ici). Pendant des années, la composante citoyenniste ACIPAte a demandé que les arguments opposés au transfert d’aéroport soient vraiment pris en compte par les politiciens, mais ils étaient balayés à chaque fois péremptoirement. Que peut-on en attendre de neuf, puisque la classe politique locale refuse d’entendre le plus élémentaire bon sens pour pouvoir célébrer un chantier valorisant pour leur fief ..? (2)
Ensuite juste après le remaniement ministériel du 11 février, Hollande annonce une consultation-référendum des populations du 44 pour décider du début de la réalisation ou de l’abandon du projet(3). On ne peut que s’interroger pourquoi la tête de l’Etat daigne enfin sortir de l’immobilisme et de l’attente, retranchée derrière les procédures officielles en cours d’avancement.
Si l’on se souvient que c’est Hollande (et pas Sarkozy) qui a donné le feu vert pour l’opération César en 2012 d’expulser la ZAD ( opération mise en échec par la résistance et la solidarité de tous les opposant-e-s), la brusque compréhension qu’il affiche aujourd’hui ne peut que traduire un calcul politique relevant de la situation globale pré-électorale, avec des primaires embarrassantes, et des élections présidentielles en 2017 plutôt délicates. Comme pour retourner la force de l’adversaire à son avantage, Hollande joue à « plus démocrate que moi, tu meurs ! ».
Le mouvement anti aéroport a fait la preuve, après la tracto-vélo de la COP 21 fin novembre, et le blocus du périphérique de Nantes le 9 janvier, qu’il était capable d’avoir un écho et d’exister dans des moments cruciaux (COP 21, état d’urgence) et aussi que les composantes COPAIN et zadiste devenaient la principale force d’initiative du mouvement, devant la Coordination, plus portée à la sollicitation et la négociation avec les institutions. L’échéance judiciaire à Notre Dame des Landes menait à une confrontation inéluctable (limites de validité de la DUP et d’ouverture de chantiers, expulsion programmée), juste au moment où le discours sur l’unité nationale contre le terrorisme finissait par s’estomper.
Toutes les critiques sur l’état d’urgence dans la Constitution, l’assimilant à une dérive autoritaire du pouvoir, risquaient fortement d’être vérifiées par une opération policière d’envergure pour évacuer la ZAD. En ouvrant un moment d’écoute et de consultation, face à un mouvement fort – qui l’a encore démontré le 27 février avec plusieurs dizaines de milliers de manifestant-e-s – , Hollande se refait une image de démocrate, quand il invite un paysan de la ZAD à l’Elysée pour parler en toute simplicité d’un petit référendum tranquille… Peu importe qu’il ait commencé une nouvelle guerre en Lybie, après la Syrie, le Mali, la Centrafrique… Tout ça est loin.
Face à un référendum pourri, la mobilisation se développe.
On ne peut que se féliciter des témoignages très nombreux de méfiance, suscités par ce référendum de Hollande. Il n’est donc pas étonnant de voir les initiatives du mouvement continuer à se multiplier sur le terrain et ailleurs (cf texte d’habitants ci-dessous). Citons pèle-mêle « l’appel d’offres » de chantiers le 30 janvier, en réponse à celui de la préfecture pour un début de défrichement, auquel 800 personnes ont répondu pour une journée de grands travaux sur la ZAD pour améliorer l’habitat. Également le Karnaval anti aéroport du 6 février à Rennes, organisé notamment par le collectif ZAD de Rennes et COPAIN 35, avec quelques vitrines de banques secouées, lacrymos, flash-balls et trois manifestants emprisonnés. A Nantes, la semaine des Résistances, du 15 au 21, a reconduit l’initiative de l’année dernière. La répression a singulièrement changé entre Rennes et Nantes, les consignes policières s’adaptèrent à l’annonce présidentielle, la mairie étant entièrement repeinte en toute impunité.
Faut-il interpréter aussi dans ce sens la « légèreté » relative des peines demandées le 23 février contre trois paysans de Couëron, pour avoir forcé un barrage de gendarmes à l’issue d’une opération de barrages filtrants ? Les multiples occupations de sous-préfectures et du Conseil départemental de Loire-Atlantique par des paysans du COPAIN 44 ont sûrement participé à construire l’objectivité du juge. Idem pour les 19 participant-e-s à l’opération escargot du périphérique nantais du 12 janvier, jugés le lendemain, avec un rendu le 7 mars à confirmer.
Une manifestation très massive
Pour les juges, bien renseignés habituellement, il était peut-être urgent de calmer les esprits en prévision de la manifestation du 27 février, sur 5 kms de la voie rapide Nantes-Vannes, à la hauteur du Temple de Bretagne, contre les expulsions ordonnées pour la fin mars. Nous n’étions pas partisans d’un tel parcours situé près du possible début de chantier du barreau routier, avec pour seuls témoins les champs ; d’autres possibilités s’offraient sur Nantes, surtout pour le nombre de personnes attendues. Néanmoins il faut reconnaître que l’ampleur de la foule a contrebalancé l’austérité du trajet, très autoroutier à notre goût. Même la presse locale, pourtant très réservée, a été obligée de concéder la participation de plusieurs dizaines de milliers d’opposant-e-s. Donc Hollande en est pour ses frais, s’il espérait que la perspective de référendum calmerait la dynamique montante du mouvement.
La prochaine manifestation, le 26 mars, sera décentralisée ; en effet des réunions régionales décentralisées inter-comités de soutien ont eu lieu le 20 février dans plusieurs villes et devraient se traduire par des mobilisations et actions locales . Au-delà de limiter les déplacements lointains, ces mobilisations permettent de rôder la capacité des collectifs éloignés à agir sur place en prévision d’une éventuelle expulsion.
Et ensuite ?
Le ton des médias envers la lutte anti aéroport et la ZAD a changé depuis la fameuse démonstration sur le périphérique nantais, où les paysans ont mené l’action, et refusé l’affrontement recherché par les flics. D’ « ultra-violents », les zadistes sont devenus « altermondialistes », et le 27 février sur les radios publiques, tout le cortège était « zadiste », n’en déplaise à la Coordination et ses partis « respectables ». L’accent dans les articles est mis sur les réalisations et travaux agricoles de la ZAD. Certains zadistes envisagent de s’implanter durablement sur les terres, et même s’inscrivent à la MSA, la sécurité sociale des paysans.
De fait en cas d’abandon de l’aéroport – ce qui n’est pas encore le cas-, il existe plusieurs collectifs sur des fermes qui peuvent constituer des « communes » agricoles expérimentales. Il s’agira bien sûr de trouver un accord collectif sur la répartition des terres, ce qui n’est pas une mince affaire, les exploitants agricoles installés en périphérie continuant à en exploiter la majorité avec la bénédiction de Vinci. Ca promet et risque de laisser des traces durables, la terre a de la mémoire.
Si l’on observe l’évolution de l’agriculture française, européenne et mondiale, la tendance semble à l’inverse à l’automatisation généralisée, à la financiarisation et au gigantisme (cf encart sur la ferme des 7000 porcs). Mais l’Etat peut tout à fait concéder quelques centaines d’hectares pour des petites expérimentations sous contrôle, en attendant que le temps normalise tout ça. Le Larzac n’est pas gênant, avec son député européen fumeur de pipe. Dans d’autres secteurs comme l’éducation par exemple, l’Etat a laissé des lycées expérimentaux fonctionner et aujourd’hui ils sont utiles pour intégrer des élèves trop atypiques pour les contraintes d’établissements classiques.
Bien sûr, ce mouvement de petites fermes peut faire tâche d’huile, incarnant un refus massif et concret de la société, mais on n’en est pas encore là. À suivre.
Nantes, le 01/03/16.
1) DGAC : Direction générale de l’aviation civile ; CEDPA : Coordination de 500 Elus Doutant de la Pertinence de l’Aéroport ; Atelier Citoyen : collectif regroupant anciens pilotes, architectes, administrateurs du secteur aéronautique, habitants,etc, qui a réalisé un travail d’analyse pour un réexamen des coûts, des impacts et d’une possibilité de rénovation de l’aéroport existant ; Coordination : cartel de partis, d’ONGs, de syndicats et d’associations, dont l’ACIPA- citoyenniste – et l’ADECA -agriculteurs-.
2) à propos des processus de décision des grands chantiers, lire le livre de F. Verchère, porte-parole du CEDPA, qui analyse d’un point de vue citoyen les verrouillages induits par les enquêtes publiques, consultations et autres DUP censés être le nec plus ultra de la démocratie participative.
3) Lire ci-dessous un texte écrit à chaud par des occupant-e-s à propos du référendum
À propos du projet de référendum annoncé par Hollande le 11 février 2016
Ce texte écrit “à chaud” sur la ZAD de Notre Dame des Landes quelques jours après, exprime une analyse politique claire qui ne s’embarasse pas de ménager telle ou telle composante du mouvement, en particulier certains de la Coordination. Nous l’avons seulement complété par quelques arguments suplémentaires entre parenthèses.
Le « référendum » annoncé jeudi 11 février est un dispositif piégé lancé par un gouvernement incapable de faire face à la montée en puissance du mouvement anti-aéroport dans toute sa diversité : habitants de la zad, paysans, riverains, associations, habitants des bourgs et villes de la région ainsi que de la France entière. Cette consultation locale, qui se présente comme le nec plus ultra de la « participation démocratique », est en réalité un cadeau empoisonné. Il nous est offert par un président à bout de souffle et par quelques élus verts prêts à toutes les trahisons qui se disaient les alliés politiques de la lutte et qui s’en révèlent ici objectivement les pires ennemis. (On pense bien sûr à un De rugy… Il semble qu’il n’y ait même pas eu besoin d’agiter ce « cadeau » pour appâter Cosse au gouvernement, l’appel de la carrière ayant suffi ! Mais il se pourrait qu’Ayrault, toujours entiché de sa lubie aéroportuaire, ait demandé ce référendum, le sondage de la population de Loire-Atlantique mi-novembre – révélé par Clergeau, perdant PS à la région PdL – indiquait à cette époque 64 % « pour » en Loire-Atlantique, 59 % « pour » en Pays de la Loire).
Voici la forme que prend dès à présent ce leurre :
Les élus locaux à qui Hollande a confié d’organiser la consultation locale représentent une classe politique dirigeante unie depuis des années pour défendre le projet d’aéroport, conforter son pouvoir et assurer les intérêts économiques de Vinci et des lobby patronaux. Ce sont eux qui sont censés choisir unilatéralement les modalités et l’envergure de la consultation, et en aucun cas les principaux concernés : les habitants et paysans de la zad et des alentours, ou encore les associations et opposants qui ont assuré tout le travail de contre-expertise et d’information à ce sujet.
Ceux qui organiseront la consultation sont les mêmes qui ont les moyens de dépenser des dizaines de milliers d’euros d’encarts publicitaires dans les journaux, sites web et sur les panneaux (comme Retailleau, président LR des PdL, ou Auxiette, son prédécesseur PS) pour se payer des campagnes pro-aéroport ou appeler à l’expulsion de la zad. Leur statut d’élus et leurs réseaux leur assurent une audience quotidienne quand bien même ils répètent en boucle les mêmes phrases vides.(Le meilleur exemple est la maire de Nantes, Rolland, pour qui l’actuel aéroport menacerait la réserve Natura 2000 de Grandlieu, alors que d’éminents ornithologues affirment depuis des années le contraire).
Ce sont les mêmes ou leurs prédécesseurs qui, comme le CéDpa l’a prouvé il y a quelques jours, ont falsifié grossièrement la consultation publique et les calculs des intérêts comparatifs entre le maintien de Nantes-Atlantique et la construction d’un nouvel aéroport. Ce sont eux qui ont refusé jusqu’à maintenant de rendre publiques les études (et les calculs de rentabilité) sur lesquelles ils s’appuyaient pour justifier leur nouvel aéroport. (Ce qui prouve que même la parodie de consultation démocratique des enquêtes d’utilité publique, DUP, gêne encore les décideurs pour les informations divulguées à cette occasion. Mais il était déjà possible de le vérifier avec un domaine secret par excellence, celui du nucléaire, civil ou militaire, qui rebondit avec la volonté de Royal de prolonger les centrales qui, selon elle, ne seraient jamais aussi rentables et amorties qu’aujourd’hui. Ben voyons ! Comme une vieille bagnole usée et « rentable » qu’il faut emmener chez le garagiste tous les quatre matins, sous peine d’une sortie de route définitive !)
Nous savons par ailleurs que les arènes de la politique-spectacle et l’ambiance de campagne électorale (déjà lancée avec les primaires à gauche, pour lesquelles Hollande devait bloquer une éventuelle candidature écolo) nous réservent les attaques les plus basses dans les mois à venir. La semaine dernière encore, le président de région Retailleau n’hésitait pas – entre autres mensonges et coups tordus à base de faux voisins ou d’exactions fantasmées (cf CA 257) – à truquer sa propre pétition « anti-zadistes ». Le piratage du site web de la région a révélé, photos à l’appui, au moins un tiers de fausses signatures. Béatrice Lamisse, mascotte de sa campagne, n’avait d’ailleurs pas hésité à y apposer la sienne quatre fois d’affilée dès le premier jour.
Il se pourrait bien malgré tout que le « non » à l’aéroport l’emporte..?( Beaucoup imaginent qu’un abandon définitif du projet adviendrait alors, pourtant rien de moins sûr !). Lors du dernier grand référendum en France sur le Traité européen établissant une constitution pour l’Europe en 2005, le « Non au Traité » (des Français et des Hollandais) n’a pas empêché (le pouvoir) de faire adopter la majorité du texte en force via le parlement 3 ans plus tard. Pour beaucoup ce fut la fin d’une certaine croyance dans la politique institutionnelle et dans le pouvoir des urnes.( Un autre exemple européen caricatural : les Irlandais avaient « mal » répondu à une consultation ; au bout de la troisième fois le « oui » l’emporta de justesse et fut alors entériné ! La démocratie représentative a ceci de magique : quand malgré toutes les précautions le peuple ne vote pas comme le voudraient les dirigeants, la question revient et change, ou elle est reposée jusqu’à ce que…, et dans les cas extrêmes on change le peuple en exigeant des garanties d’origine « de souche », un niveau de revenus ou culturel…).
Un référendum sur le projet d’aéroport serait une nouvelle fiction politique où les uns et les autres ne joueraient en aucun cas à armes égales. Pour nous, le sort de ce précieux bout de bocage doit être pris en charge avant tout par ceux et celles qui l’aiment et en prennent soin, celles et ceux qui le cultivent et l’arpentent au quotidien, habitent sur place ou dans le voisinage. Mais la mobilisation aujourd’hui internationale contre ce projet montre aussi que les questions liées à la sauvegarde des terres agricoles, à la biodiversité, aux enjeux climatiques, mais aussi à l’uniformisation métropolitaine et mercantile du monde, ne peuvent se résumer à une décision locale. Que l’on y vive en permanence ou que l’on ait traversé quelques fois la France pour venir le défendre, l’histoire du bocage de Notre-Dame-des-Landes est avant tout une affaire sensible, faite de rencontres et de solidarités concrètes, de chair, de larmes et de joies innombrables. Son destin ne peut en aucun cas être soldé froidement par quelques bulletins de vote censés donner la voix d’une majorité abstraite et lointaine. (La vie ne doit pas être une affaire de comptabilité boursière ou électorale).
Pour notre part, face à ce jeu de dupes et au grand spectacle à venir, nous continuerons de faire ce qui est pour nous décisif : défendre des idées et pratiques bien réelles sur le terrain. (En effet un référendum-consultation donnera toute son importance aux jeux médiatiques des professionnels de la représentation, les politiciens et les gestionnaires toujours plus soumis aux seuls intérêts financiers ; un référendum aurait ce premier résultat certain : ce qui était directement vécu s’éloignerait dans la représentation). Sur le terrain, nous ne cesserons de faire émerger concrètement des possibilités de sortir du désastre environnemental et social, de la consommation ainsi que du perpétuel chantage au chômage et à la croissance. Nous persisterons à lutter activement sur la zad et en dehors pour ce que nous croyons juste et nécessaire, que cela soit validé ou non par les instituts de sondage, par les urnes et par ce que les éditorialistes veulent bien nous apprendre de l’ « opinion publique ».
Quoi qu’il arrive et contrairement au désir de Hollande de casser le mouvement réel, la consultation publique annoncée ne fera pas taire les espoirs nés dans le bocage. Ils sont devenus partout emblématiques des possibilités de résistance à l’aménagement marchand et sécuritaire du territoire et de nos existences. (Quel meilleur rejet de l’état d’urgence que toutes ces rencontres et manifs à la barbe des flics et autres regroupements publics en résistance au projet !?) Des dizaines de milliers de personnes continueront à se battre non seulement pour le rejet de l’aéroport mais aussi pour la possibilité que s’inventent des communes libres et des vies belles !
Nous appelons à être d’autant plus nombreux le 27 février pour faire une nouvelle démonstration de l’assise du mouvement, assumer que nous empêcherons tout démarrage des travaux en octobre ou plus tard, et célébrer l’avenir de la zad.
Nous appelons à poursuivre et renforcer les actions, dans les semaines et mois qui viennent, pour l’abandon définitif du projet d’aéroport.
Des occupant-e-s de la zad,
le dimanche 14 février 2016
Passages entre parenthèses ajoutés par la Commission Journal de Nantes.
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