La zad, un bien commun des luttes
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Catégorie : Local
Thèmes : Zad
Notre Dame des Landes : La Zad, un bien commun des luttes
La lutte contre le projet d’aéroport et son monde arrive à un point crucial. Valls s’affirme dans les starting blocks. Les acharnés du parti de l’ordre se crispent, aboient, s’agitent, niant toute légitimité à un mouvement social large, déterminé, populaire. Pour discréditer le mouvement, appuyer sa criminalisation, les promoteurs brandissent les épouvantails de la peur. Les prétendus « riverains excédés » anonymes servent beaucoup, et quand on en trouve deux qui se montrent et donnent leur nom, ils n’habitent plus sur place depuis plus de deux ans. Le patron d’une concession automobile proclamé chef de lobby voit sa parole sur représentée, interrogé à tout va pour marteler son credo productiviste. À l’occasion, il bredouillera sans convaincre qu’il n’a pas vraiment souhaité une milice, comme à Sivens, dans le Tarn, pour évacuer manu militari la Zad où Rémi Fraisse a été tué par la gendarmerie.
La Zad déclenche les fantasmes. On croirait entendre les Versaillais parler de la Commune de Paris. Valls a parlé de « kyste » à éradiquer. L’ex président PS de région, Jacques Auxiette, voulait « karcheriser » la zone et y refaire « comme au Mali » l’opération Serval (qui a fait de 200 à 300 morts). Son successeur, Bruno Retailleau (LR, ex-villiériste) réclame le retour à « la suprématie de la loi de la République sur la loi de la jungle » pour régler la « situation anarchique qui règne ».
Les politiques, de droite et sociaux-démocrates, dont on se demande ce qu’il leur reste de social et de démocrate, défendent mordicus le prétendu besoin d’un aéroport nouveau pour attirer les investisseurs, les capitaux, les spéculateurs qui entendent bien, ici comme ailleurs, profiter de la déréglementation du code du travail, du travail précaire. Le capital, qui circule déjà très bien, doit être encore plus boosté, accéléré, magnifié. Il faut lui donner des ailes. C’est bien de croissance capitaliste qu’il s’agit et d’une ville conçue pour les CSP+.
Une utopie en marche
Ces gesticulations et invectives ne doivent pas occulter ce que la Zad exprime politiquement par ses expérimentations pratiques, potagers collectifs et champs de blés, transformations agricoles, meunerie, conserverie, atelier de réparation de vélos, brasserie, boulangerie, resto roulotte, studio de rap. Avec les assemblées autogestionnaires, la ZAD constitue dores et déjà un bien commun des luttes. La solidarité, le partage, l’entraide, d’autres manières de bâtir sans permis de construire, de cultiver sans acte notarié, de se nourrir en marge du capitalisme, voilà ce qui perturbe aussi les chiens hurlants de l’ordre. Cette insoumission bouillonnante occupe 220 hectares et se passe de police, de juges, de conseils municipaux ou de chambres d’agricultures… La Zad est un espace d’invention sociale, de résistance, d’appui à d’autres luttes, une utopie en marche et qui marche, une résistance forte d’un soutien large. Autant de conquêtes insupportables pour les réactionnaires de toutes couleurs.
Autant que les terres agricoles, les espèces protégées et le bocage préservé, ce bien commun politique (qui est bien plus qu’un symbole) sera protégé, défendu avec détermination.
C’est cette construction qui a motivé les chantiers collectifs des 30 et 31 janvier, peinture, débroussaillages, construction de serres, hangars, ouverture de chemins, buttes de permaculture, rénovation de douches…
C’est cette défense collective qui donne son sens à l’appel à une mobilisation massive et générale le 27 février, pour imposer l’arrêt des menaces d’expulsion sur les paysan.nes et habitant.es de la Zad, et l’abandon définitif du projet d’aéroport. Et en cas d’attaque militaire de la Zad, l’appel à soutien sur place est maintenu, à Nantes et partout auprès des lieux de pouvoir, permanences de députés et autres.
« La Zad déclenche les fantasmes. On croirait entendre les Versaillais parler de la Commune de Paris. »
À ceci près que la ZAD n’a rien à voir avec la Commune ! Ce n’est pas parce que la bourgeoisie n’aime pas la ZAD qu’elle a quoi que ce soit à voir avec un projet révolutionnaire. C’est en tout cas une question à discuter.
Cet article donne un certain nombre d’arguments : il y a des assemblées autogestionnaire dans la ZAD ; on s’y nourrirait « en marge du capitalisme », elle représenterait une « insoumission » à « l’ordre », des « chantiers collectifs »…
Ce qui est bien embêtant avec tout ce discours, c’est qu’il rappelle furieusement deux précédents historiques : la création des kolkhozes et celle des kibboutz ! Ces deux épisodes n’ayant rien à voir avec une quelconque « utopie » mais avec une forme particulière de capitalisme d’État, il serait bon de se pencher sur la réalité du « bien commun des luttes » que constituerait la ZAD.
Les luttes sociales n’ont qu’un but et ne peuvent en avoir qu’un : la généralisation des luttes, l’unité toujours plus grande des exploités contre les rapports de production capitalistes. En quoi ces rapports de production sont-ils abolis dans la ZAD ? Ils ne le sont pas et ne peuvent pas l’être, la ZAD ne produisant de toute façon pas tout ce dont elle a besoin, elle est donc partie intégrante du capitalisme et de la marchandise. C’est donc une forme capitaliste comme une autre, et c’est tout !
Le renversement des rapports de production ne peut se faire qu’au niveau mondial, et tant qu’ils ne le sont pas la seule chose à faire est de travailler à l’unité toujours plus grande des exploités, à l’unification des luttes. On ne fait pas son petit monde « en marge du capitalisme » dans son coin, ou alors il faut admettre que Staline avait raison : on peut avoir le socialisme dans un village !
Un projet révolutionnaire ne peut pas être autre chose qu’un renversement du mode de production dominant. Ce renversement n’existe aucunement à NDDL. En faire une perspective d’avenir demande donc un petit supplément d’explication.