L’islam politique, le fondamentalisme chrétien, le marxisme et la gauche aujourd’hui (extraits)
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(Nous reproduisons ci-dessous des extraits d’un article qui a suscité une très violente polémique au Royaume Uni à cause de quelques lignes au ton très maladroit. Nous avions déjà marqué nos divergences avec l’auteur de ce texte (Sean Matgamma) et sa compréhension assez simpliste des motivations des commandos suicides dans notre compil’ n° 2 Islam, islamisme et islamophobie, cf. sur le site à la fin de l’article http://www.mondialisme.org/spip.php?article629 ).
Nous pourrions de même critiquer un autre article paru début décembre dans Solidarity, signé cette fois d’Eric Lee, et préconisant d’appliquer les analyses développées dans La psychologie de masse du fascisme » (Payot, 1977) par Wilhelm Reich aux sociétés musulmanes où sévissent les djihado-terroristes actuels et Daech en particulier. Seul problème : Lee oublie tout simplement de nous proposer une « analyse concrète d’une situation concrète », démarche à laquelle s’était au moins livré Wilhelm Reich, quoi qu’on pense de ses recherches et de ses conclusions.
Ceux que ce débat autour des propos contestables de Sean Matgamma intéressent pourront s’y reporter sur le site de l’AWL notamment ici : http://www.workersliberty.org/2013weekschool
Nous avons préféré ne pas traduire ces passages et quelques autres qui nous ont semblé peu utiles pour comprendre la nature de l’islam politique, sujet central de ce numéro de la revue. D’autant plus que l’AWL a publié des textes beaucoup plus clairs et que sa position collective a me semble-t-il évolué depuis 2007. Par contre, cet article contient des réflexions pertinentes par rapport aux clichés gauchistes sur les rapports entre « impérialisme » et islamisme, raison pour laquelle nous l’avons traduit. Ni patrie ni frontières.)
Dans de nombreux pays, la religion et les différends à son sujet, ou les différends exprimés en termes religieux, ont longtemps été au centre de la vie politique – qu’il s’agisse de l’Espagne, du Portugal, de l’Irlande, ou des Etats-Unis ; de l’Iran, de l’Algérie, du Liban ou d’Israël-Palestine. Aujourd’hui, depuis que les terroristes islamistes ont attaqué New York le 11 septembre 2001, la religion ou les préoccupations et les intérêts exprimés en termes religieux sont au centre de la politique internationale à un degré sans équivalent depuis des centaines d’années.
Contrairement à la thèse de Francis Fukuyama après la chute de l’URSS, nous n’avons pas atteint « la fin de l’histoire ». Nous semblons repasser par des étapes de notre histoire qui se sont déroulées il y a fort longtemps.
Pour trouver une période durant laquelle la religion a occupé une place aussi importante qu’aujourd’hui dans la politique internationale, il nous faut revenir aux guerres entre catholiques et protestants en Europe, guerres qui prirent fin avec le traité de Westphalie en 1648, ou aux guerres entre l’Islam et l’Europe chrétienne qui se terminèrent à peu près au même moment, avec l’échec des Turcs musulmans suite au siège de Vienne en 1683.
(…) Il est tentant – et une grande partie de la pseudo-gauche y a succombé – d’analyser la « guerre contre le terrorisme » comme une « machination » concoctée artificiellement pour remplacer l’ancienne guerre froide avec la Russie stalinienne, comme un complot des néo-conservateurs. Ceux-ci auraient été en effet persuadés de la nécessité de fabriquer un « noble mensonge » pour créer un ennemi extérieur servant à cimenter nos sociétés capitalistes atomisées. Cette explication est tentante, mais stupide.
Même si les dirigeants américains se sont emparé des attaques contre New York le 11 septembre 2001 pour mettre en application une stratégie définie bien avant ces attentats – la guerre en Irak, par exemple -, ils n’ont pas pour autant fabriqué de toutes pièces et planifié l’apparition de l’islam politique militant, ou plutôt, l’émergence de l’islam politique comme une force sur la scène politique internationale, capable d’organiser des opérations mortelles à l’extérieur des pays musulmans pour frapper les pays capitalistes avancés, peuplés d’impies et d’infidèles.
« L’Occident » a certes encouragé et favorisé l’islam politique. Israël a favorisé la montée des islamistes politiques qui, au cours des sept dernières années ont lancé des roquettes sur les villes israéliennes ; son intention était de diviser les Palestiniens et d’entraver l’émergence d’une politique rationnelle favorable à la création de deux Etats.
Les Etats-Unis ont contribué à financer et armer les forces islamistes derrière le 11 septembre lorsque certains d’entre eux ont combattu les envahisseurs russes de l’Afghanistan dans les années 1980.
La Russie stalinienne a encouragé et applaudi (comme l’ont fait la gauche et la pseudo-gauche dans des pays comme la Grande-Bretagne) la montée de l’islam politique au pouvoir en Iran en 1979.
En fait, de vieilles stratégies pro-staliniennes continuent à influencer une grande partie de la gauche kitsch (1) : par exemple, ces militants expliquent la montée de l’islam politique en Afghanistan, non par le fait que les Russes ont essayé d’annexer ce pays comme une colonie traditionnelle, mais parce que les ennemis de la Russie stalinienne, pour leurs propres raisons, ont aidé les Afghans à mener une guerre juste (quoique tragiquement compliquée, puisque un Afghanistan rural-primitif s’affrontait à un Afghanistan urbain et relativement avancé).
Cependant ce ne sont ni les Etats-Unis ni l’URSS qui ont créé l’islam politique, ou ont joué un rôle irremplaçable dans son ascension. Ce courant possède d’autres racines, proprement autochtones.
Dans les pays arabes, en particulier, l’islam politique a profité de l’effondrement du nationalisme arabe pour occuper un espace politique laissé vide. Le nationalisme arabe s’est en partie effondré parce qu’il avait réalisé tout ce qu’il pouvait obtenir – l’indépendance des pays arabes tels que l’Egypte et l’Irak, semi-dépendants de la Grande-Bretagne jusqu’aux années 1950.
Le nationalisme arabe s’est aussi effondré parce qu’il a échoué à atteindre ses deux objectifs politiques centraux, la destruction d’Israël et l’unité pan-arabe. Le thème de l’« unité de la nation arabe », ardemment soutenu par les nassériens, les baasistes et les partisans de Kadhafi, a pendant un moment permis de fusionner le mysticisme islamique avec des objectifs apparemment rationnels. Ces aspirations ont donné au nationalisme arabe, à son apogée, une tonalité plus religieuse que laïque.
Les divisions géographiques entre les États arabes ont été artificiellement délimitées par les impérialistes britanniques et français après la Première Guerre mondiale, mais, comme dans beaucoup d’autres unités appartenant à d’ex-Etats coloniaux, elles se sont révélées durables. L’existence d’élites locales, et l’absence d’une économie commune interconnectée dans le monde arabe, ont joué un rôle décisif dans l’échec de l’unité arabe. Même lorsqu’une unité interétatique a pu temporairement se réaliser (entre l’Egypte et la Syrie en 1958-1961), elle était largement fictive et n’a pas duré longtemps, même en façade.
Contrairement au nationalisme arabe, l’islam politique exprime l’aspiration quasi mystique à l’unité arabe – et plus largement à l’unité islamique en termes proprement religieux et politico-religieux. L’aspiration à « restaurer le califat » (entité s’inspirant de l’empire islamique turc avant la Première Guerre mondiale et dont faisaient partie les pays arabes orientaux, à l’exception de l’Egypte) fut l’ancêtre et est maintenant l’héritière de ce courant du nationalisme arabe.
Mais, surtout, le nationalisme arabe n’a pas réussi – étant un mouvement bourgeois et petit-bourgeois il ne pouvait qu’échouer – à satisfaire les aspirations des masses à transformer totalement la dure vie des ouvriers et paysans arabes, exploités et humiliés par les classes dirigeantes arabes et les bureaucraties étatiques et militaires.
Pour cela, l’abolition du capitalisme et des vestiges féodaux, et la conquête du pouvoir d’Etat par les ouvriers à la tête des paysans pauvres – un gouvernement des travailleurs – était nécessaire. La rhétorique « anti-impérialiste » et anti-coloniale du nationalisme arabe s’opposait à cette idée, en enchaînant les prolétaires et les paysans dans une alliance avec les dirigeants bourgeois et petits-bourgeois.
Lorsque l’indépendance des pays arabes devint une réalité substantielle – en Egypte, après l’échec de l’invasion franco-britannico-israélienne de Suez, en 1956 pour renverser le régime de Nasser ; en Irak, avec la révolution républicaine de 1958, etc. – le nationalisme arabe se réduisit à une démagogie creuse au service d’objectifs qui étaient réactionnaires (la destruction d’Israël) ou irréalisables (« l’unité arabe »).
Cette démagogie creuse rencontrait les aspirations confuses des masses populaires qui souhaitaient une transformation radicale de leur vie quotidienne, mais ces partisans enthousiastes ne réussirent ni à traduire ces aspirations en une série de mesures rationnelles indispensables (en premier lieu, le renversement des classes dirigeantes et bureaucraties étatico-militaires arabes), ni évidemment à les satisfaire.
Face à la dégradation sociale des masses arabes et islamiques, l’islam politique apporte une certaine satisfaction immédiate (religieuse voire mystique), même si la solution fondamentale qu’il propose n’est pas d’ordre terrestre mais céleste dans une vie imaginaire après la mort. Il répond ainsi, de façon beaucoup plus efficace, aux aspirations millénaristes sous-jacentes à l’ancien nationalisme arabe. En tout cas, il a vaincu ce courant et s’est construit sur ses ruines.
L’islam politique exprime aussi les déceptions et les frustrations de la masse de la population dans les pays majoritairement musulmans où règne le dénuement et la pauvreté – dans les franges du monde capitaliste prospère (…).
Les causes profondes des succès de l’intégrisme islamique ne sont à rechercher ni dans le soutien caché de l’Occident ni dans les manipulations des néo-conservateurs.
(…) Et il nous faut tenir compte de tous les fondamentalismes religieux, pas simplement du fondamentalisme islamique, qui est pour le moment le plus spectaculairement militant. Il existe également un christianisme primitif militant, dont on observe les manifestations les plus importantes aux Etats-Unis.
Il est amusant de constater que les Etats-Unis, censés incarner le principal rempart international contre l’islam politique, soient eux-mêmes affectés par leurs propres fondamentalistes ignorants. Ces chrétiens sont sous l’emprise d’une foi hallucinée, aveugle et dogmatique dans la Bible comme étant la parole littérale de Dieu. Fanatiques, ils croient fermement que leurs sentiments, leurs aspirations et leurs désirs religieux sont des vérités supérieures à la raison et la science modernes. Et ils représentent une force politique affirmée et de plus en plus active aux Etats-Unis. Ce christianisme « fondamentaliste », aussi primitif et anti-rationnel que l’intégrisme musulman, constitue une force croissante dans ce qui est, sur le plan technologique, la société la plus avancée sur la Terre ! Le président des Etats-Unis appartient à ce courant.
Ils tentent d’exprimer un christianisme post-darwinien – alors que cette religion a été totalement défaite, sous ses anciennes formes, par la science moderne. Le christianisme pré-darwinien incorporait une grande partie des connaissances séculières et des pseudo-connaissances sur le système solaire, la Terre, et ses peuples. La religion chrétienne moderne, même dans ses formes les plus sophistiqués, ne peut l’accepter.
Et ce phénomène ne touche pas seulement l’Amérique. Quand un journaliste a demandé au Premier ministre Tony Blair, si lui et le président George W. Bush priaient ensemble, sa question était très sérieuse. Le Premier ministre britannique était un crypto-catholique qui allait à la messe régulièrement (depuis qu’il n’est plus Premier ministre, il a ouvertement rejoint l’Église catholique). Une des ministres du New Labour, Ruth Kelly, appartenait à l’Opus Dei, organisation catholique quasi secrète, née dans l’Espagne clérico-fasciste de Franco.
Le gouvernement du New Labour favorise les « écoles confessionnelles », ces écoles organisées sur une base sectaire religieuse !
En Grande-Bretagne aujourd’hui le militantisme de chaque religion sectaire se nourrit du militantisme des autres et les stimule. Lorsque les Sikhs de Birmingham se sont révoltés contre une pièce de théâtre (interprétée par une femme d’origine sikh) qui ne leur plaisait pas, et qu’ils ont réussi à obtenir l’annulation des représentations, les autres religions ont joint leurs voix pour justifier cette mesure. Demain, ils se disputeront férocement, mais aujourd’hui les bigots des différentes religions se tiennent par la main pour combattre les forces de la laïcité et de la raison !
Le cardinal catholique Cormac Murphy-O’Connor se prononce désormais sur les questions politiques, sans le moindre complexe. L’Etat britannique dispose aujourd’hui d’une loi qui élimine une grande partie des distinctions entre les appels à la haine raciste et ethnique à l’encontre des personnes, d’un côté, et, de l’autre, l’expression d’une hostilité envers leurs idées religieuses. Cette loi a été adoptée sous l’influence d’un Premier ministre crypto-catholique pour apaiser l’islam britannique ; soucieux de calmer le fanatisme islamique, cette loi fait partie d’une vaste offensive contre les libertés démocratiques bourgeoises traditionnelles, principalement motivés par la guerre contre le terrorisme islamiste.
Nous risquons de revenir plusieurs décennies en arrière, au temps pas si lointain où, en Grande-Bretagne, on pouvait être poursuivi pour « manque de respect » ou « obscénité » si l’on représentait ou décrivait Jésus-Christ.
Aux Etats-Unis, les fondamentalistes chrétiens ont lancé une nouvelle offensive contre le darwinisme, offensive qui se poursuivra même si la Cour suprême du Maryland les a déboutés.
En Amérique, les racines du renouveau religieux et de la croissance des mouvements religieux sont quelque peu différents de celles de l’islam politique militant. C’est le vide spirituel provoqué par le capitalisme prospère qui attire les gens vers des formes primitives de religion ou les y maintient prisonniers – même si, bien sûr, tous les citoyens américains sont très loin de bénéficier de cette prospérité ; un grand nombre de gens là-bas, aussi, sont des mendiants exclus des festins des riches.
« L’homme ne vit pas seulement de pain », dit justement le Christ dans le Nouveau Testament ; et il ajoute « mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Nous aspirons tous à quelque chose de plus élevé que l’état d’« animal civilisé » à laquelle la société commerciale-capitaliste tente de nous assigner – même si, ou surtout lorsque, le capitalisme est incapable de satisfaire son propre idéal consumériste. Il est donc normal que les gens croient en quelque chose d’autre que cet idéal.
Ils aspirent à une sécurité impossible dans une société réglée par le marché et affectée par ces vagues de tsunami endémiques que sont les récessions économiques ; les décisions rationnelles (pour les capitalistes) prises par des multinationales qui déménagent des industries entières d’une extrémité d’un pays à l’autre, ou d’un Etat à un autre, en quête d’une force de travail moins chère ; la menace de la dégradation continue et de la ruine de notre système écologique mondial.
Dans les courants populistes évangéliques américains, il y a toujours eu une dimension de protestation contre le capitalisme, contre le mercantilisme et le pouvoir de l’argent, et contre beaucoup des éléments du monde moderne – comme chez tant de partisans de l’islam politique aujourd’hui.
En même temps, nous assistons au déclin de l’influence des Eglises chrétiennes hiérarchiquement organisées et théologiquement sophistiquées – l’Église catholique est discréditée par les scandales sexuels, même dans son plus fort bastion européen, en Irlande – et la croissance des croyances ou demi-croyances de masse en des « superstitions » primitives – les cartes de tarot, les horoscopes, la« sorcellerie », pratiques extérieures à la théologie et aux rituels des Eglises chrétiennes établies – ou en marge de celles-ci. Ces effluves spirituels et intellectuels sont les matières premières, et peut-être les signes précurseurs, de courants religieux organisés et plus agressifs. En Orient comme en Occident, la croissance et l’augmentation de centralité de la religion découlent, en très grande partie, du déclin et de l’échec du socialisme comme force de masse (…).
Pourtant, la première conséquence, pour la gauche kitsch, de l’actuel renouveau fétide de la religion a été de dévoiler au grand jour son terrible manque de confiance en soi idéologique et politique et ses faiblesses multiples.
En Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, et dans de nombreux autres pays, la pseudo-gauche s’est effondrée en se prosternant aux pieds de l’islam politique militant. Elles se placent aux côtés des fascistes religieux – même avec Al-Qaïda – contre le mouvement ouvrier irakien !
Sean Matgamma, août 2007
NOTES de Ni patrie ni frontières
1. La « kitsch Left » (que l’on pourrait traduire aussi par la « gauche de pacotille ») est une expression polémique qu’emploie l’AWL pour désigner ceux qu’elle considère comme des « anti-impérialistes réactionnaires ». Cf. notamment dans Ni patrie ni frontières n° 27/28/29 : « La gauche et l’anti-impérialisme réactionnaire : la théorie de l’adaptation » de Colin Barker et « L’islamisme et la nouvelle gauche arabe » de Sacha Ismail. Cf. http://www.mondialisme.org/spip.php?article1361 (NdT).
2. On trouvera une illustration récente de cette évolution dans cet article du 4 décembre 2015 du journaliste médiatique Marc Orr sur le site de la Stop the War Coalition qui fut à l’origine des grandes manifestations antiguerre en 2003 au Royaume Uni : « Le mouvement djihadiste qui a fini par engendrer Daesh est beaucoup plus proche de l’esprit de l’internationalisme et de la solidarité qui animait les Brigades internationales que la campagne de bombardements de Cameron – sauf que le djihad international prend la forme d’une solidarité avec les musulmans opprimés, plutôt qu’avec la classe ouvrière ou la révolution socialiste. »
http://stopwar.org.uk/index.php/news/ground-hogday-as-uk-parliament-joins-syria-war-declaring-a-bogus-moral-purpose . Difficile de trouver affirmations plus mensongères sur l’islam politique et plus insultantes pour la mémoire des combattants des Brigades internationales (Note de Ni patrie ni frontières).
« Connaissez-vous l’écrivain-philosophe Bernard Henri-Lévy ? Vous devriez, car on le voit beaucoup à la télé. « Bien malin qui pourrait dire ce qu’il a écrit en tant qu’écrivain (1). Mais en tant que philosophe, nous, nous savons qu’il a écrit sur (contre) le marxisme et sur (contre) le trotskysme. Il s’est illustré, au moment des Européennes, en essayant de présenter une liste « pour Sarajevo », pour qu’on fasse la guerre aux Serbes. C’était, bien sûr, par souci d’humanité.
« Mais il a aussi un violon d’Ingres : depuis dix ans, en effet, pour préparer la succession de son papa, décédé récemment d’ailleurs, il est vice-président et suit de très près les affaires du groupe BECOB, numéro 2 du négoce du bois. Avec sa famille, il détient 65 % des capitaux du groupe. À noter que le chiffre d’affaires de ce groupe a presque doublé dans les deux dernières années. Il est en effet passé de 1,7 à 3 milliards de francs entre 1993 et 1995. On voit que ce n’est pas la crise pour tout le monde, et que les philosophes sont loin d’être tous dans la misère. (…) »
Et cela continue comme sur le même registre pendant encore une quinzaine de lignes. Difficile d’aligner en si peu de mots autant de clichés contre une personne dont le nom est indiscutablement juif et qui ne cache pas ses sympathies pour l’État d’Israël : fauteur de guerre, intellectuel obscur, fils de bourgeois, exploiteur sans scrupules, tels sont les clichés qui viennent spontanément à l’esprit du lecteur en lisant ce portrait au vitriol. Lutte ouvrière n’est bien sûr pas antisémite, ce n’est pas la question. Mais « simplement » ce groupe est tellement convaincu d’avoir raison, d’être infaillible sur tout, qu’il ne mesure pas la portée de ces dénonciations, aussi justes soient-elles quant aux faits énoncés. Ce supplément distribué gratuitement dans les boîtes aux lettres des quartiers ouvriers abordait de façon vivante et humoristique de nombreuses questions importantes. Mais prendre un intellectuel juif, sioniste et gros actionnaire pour tête de Turc (si j’ose dire), était-ce vraiment malin, SI L’ON NE VEUT PAS FAIRE LA COURTE ÉCHELLE À LE PEN ?
1. Cet anti-intellectualisme démagogique et populiste rappelle de sinistres souvenirs : ce n’est pas parce que le rédacteur de cet écho n’a jamais lu ou vu un livre de BHL qu’il doit juger ses lecteurs aussi ignorants que lui (quoi qu’on pense de leur contenu, LES ROMANS ET ESSAIS DUDIT BHL SE TROUVENT EN LIVRE DE POCHE ET DANS LES KIOSQUES DES GARES ET SUPERMARCHÉS… CE QUI N’EST PAS LE CAS DES LIVRES D’ARLETTE).
Yves Coleman, « les limites de l’antisionisme »
http://www.mondialisme.org/spip.php?article266
C’est ainsi qu’aujourd’hui j’ai reçu, par l’intermédiaire d’a-infos, ce communiqué de l’Organisation Communiste Libertaire de Strasbourg (http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1488) dont j’extrais le passage suivant (le reste relevant du délire complotiste comme cette affirmation “Ne faudrait-il pas enfermer une partie de la population de France et d’ailleurs qui soutient et partage les mêmes convictions [que Georges I. Adballah] pendant qu’on y est !”) :
“Ce jeudi 16 janvier à Bagnolet se tenait une assemblée d’information en soutien à Georges I. Abdallah. Le Groupe d’Association de Bagnolet avait réservé une salle auprès de la communauté d’agglomération dénommée « EST Ensemble » (bureaucratie sous contrôle du Parti “Socialiste – PS)… La réservation accordée au départ fut annulée à la dernière minute. Après information des organisateurs, dont nous ne pouvons pas douter de leur bonne foi, ces derniers ont informé que le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France – pro sioniste -) serait intervenu auprès du PS pour faire annuler le rassemblement.”
Le Conseil communautaire d’Est Ensemble compte 91 délégués (dont 36 élus socialistes ou apparentés) représentant 9 villes : Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin et Romainville, soit plus de 400 000 habitants.
Le Conseil communautaire d’Est Ensemble de l’Ile de France compte également
– un bureau avec des représentants du PS, du PG, du PCF, du MRC, des Verts, du Centre et de l’UMP
– et 6 commissions permanentes.
L’OCL pleurniche régulièrement qu’on l’accuse d’antisémitisme, mais la voilà prise en flagrant délit. Elle accuse le CRIF d’avoir obligé les 91 conseillers communautaires (ou le Bureau communautaire qui les représente et supervise l’administration de 9 villes de l’Ile-de-France) à refuser une salle de réunion en s’appuyant sur l’affirmation de mystérieux “organisateurs” (de quel service, on l’ignore), information présentée de surcroît au conditionnel, sans citer le nom de leurs interlocuteurs ou des responsables administratifs de cette décision… Pourquoi protéger l’anonymat de ces “socialos-sionistes” s’ils ont vraiment tenu de tels propos ?
Si les militants de l’OCL ont besoin qu’on leur explique comment fonctionne l’antisémitisme, en voilà un excellent exemple.
Le CRIF n’est pas simplement “sioniste”, pour reprendre le vocabulaire de l’OCL, mais regroupe surtout des associations JUIVES SANS AUCUN POUVOIR ADMINISTRATIF et SANS LA MOINDRE CAPACITE LEGALE A INTERDIRE UNE REUNION. Prétendre que ce conglomérat d’associations juives pourrait manipuler en coulisses, de façon illégale et occulte, des dizaines de conseillers communautaires d’Ile-de-France, sans compter les maires et les parlementaires de toutes tendances qui font partie du Bureau communautaire d’Est Ensemble, c’est accorder aux Juifs (pardon aux sionistes) le pouvoir de manipuler les institutions de l’Etat français.
Ce n’est pas un simple bobard antisioniste, c’est une saloperie antisémite. Une de plus.
Selon l’OCL, le CRIF serait une puissance occulte qui commanderait les 91 conseillers de la communauté Est-Ensemble de l’Ile de France (Limites de l’antisionisme n° 15)
http://mondialisme.org/spip.php?article2041
“… Abordons maintenant donc le communiqué paru dans A contre courant syndical et politique « Non c’était à Colmar, pas à Tel Aviv » – titre qui trahit bien le chauvinisme gaulois de ses auteurs tout comme ce commentaire (souligné en gras dans l’article) : « Il n’y a qu’en France où l’on assiste à ce type de procès » (ce qui renforce le caractère nationaliste et antisémite, comme on le verra plus loin, du « je vous laisse deviner » qui de l’AFPS, car pourquoi en France ? « je vous laisse deviner »…).
Tout est parti de poursuites judiciaires entamées par plusieurs associations défendues par des avocats « sionistes » selon l’AFPS. On remarquera que ces trois avocats s’appellent Ghozlan, Goldnagel et Markowicz, qu’ils sont juifs et que donc le vocable « sionistes » n’est qu’un cache sexe (un nom de code) pour désigner leurs origines « ethniques » et non leurs positions politiques.
Maintenant intéressons-nous aux insinuations antisémites de l’AFPS sur la chaîne Carrefour.
Dans son texte intitulé « Non c’était à Colmar, pas à Tel Aviv », il est écrit que la LICRA serait une « association pro-israélienne », ce qui correspond tout à fait au portrait que fait l’extrême droite de cette association et à son portrait de la France comme « Licraisée ».
Quiconque a un minimum de culture sait pourtant que la LICRA (à l’époque la LICA) est née en 1926 – donc bien avant la naissance de l’Etat d’Israël – pour défendre Samuel Schwartzbard qui venait de descendre Petlioura un Ukrainien qui s’était « illustré » par des pogromes pendant la guerre civile contre les bolcheviks. Cette association a mené campagne contre le nazisme dans les années 30, nombre de ses militants ont été résistants sous l’Occupation nazie, puis après la guerre elle s’est occupée des rescapés juifs des camps de concentration et d’extermination, a dénoncé l’antisémitisme en URSS et dans les pays de l’Est (antisémitisme que la plupart des militants de gauche, y compris les militants juifs, niaient à l’époque et nient encore), puis le racisme contre les travailleurs étrangers et les Roms. Réduire la LICRA à une organisation « pro-israélienne » est donc un mensonge grossier et une falsification historique…
Campagne BDS contre Carrefour et « je vous laisse deviner »… (limites de l’antisionisme)
http://www.mondialisme.org/spip.php?article2030
Selon Coleman, les preuves de la convergence entre l’extrême gauche et l’extrême droite. C’est pas triste.
« Anti-américanisme : l’extrême gauche (spécialement en France) a toujours été hostile aux Etats-Unis. Elle a systématiquement dénoncé :
– les interventions militaires américaines à l’étranger (tout en étant beaucoup moins bavarde et active sur les interventions militaires françaises en Afrique) ;
– les coups d’Etat exécutés avec l’aide de la CIA ;
– les missiles placés en Europe contre l’URSS ;
– l’usage de l’arme atomique à Nagasaki et Hiroshima ;
– l’influence néfaste des romans, des séries télé et des films policiers américains ;
– « l’invasion » du Coca Cola, des Mc Donald’s, des jeans, des ordinateurs IBM, des logiciels Microsoft, des fast-foods, de la « mal-bouffe », etc.
ELLE REJOIGNAIT ET REJOINT AINSI LES CALCULS POLITIQUES DE CERTAINES FRACTIONS DE LA BOURGEOISIE NATIONALE QUI PRÉFÈRENT QUE LES PROLÉTAIRES DIRIGENT LEUR COLÈRE CONTRE DES CAPITALISTES ÉTRANGERS QUE CONTRE ELLE-MÊME. »
Etc., etc.
http://www.mondialisme.org/spip.php?article1699
” […] Maintenant que la plupart des militants du Bund ont été massacrés durant le judéocide, et qu’il ne subsiste plus que de tout petits groupes se réclamant de son héritage, il est devenu à la mode pour toutes sortes d’antisionistes de gauche, y compris libertaires (2), léninistes, trotskystes ou marxistes-léninistes, de se réclamer du Bund, en oubliant que ce parti réclamait une autonomie nationale et culturelle, autonomie qu’AUCUN courant antisioniste actuel ne reconnaît dans AUCUN pays aux Juifs puisqu’ils les considèrent comme les pratiquants d’une « religion », les vagues tenants d’une culture obscurantiste ou pire (et le plus souvent) comme un courant politique monolithique (le « sionisme ») synonyme de fascisme, de colonialisme, de racisme et d’impérialisme.
Cette récupération cynique du Bund, soixante-dix ans après le judéocide, nous donne donc la nausée, le « mal de mer ». […]
N’en déplaise à Pierre Stambul, qui n’est pas un ignorant, LES « sionistes » cela n’existe pas, il y a plusieurs types de « sionistes », en clair de nationalistes israéliens ou de partisans de l’existence de l’Etat d’Israël. Et en général le terme « sionistes » est un mot codé pour dire « Juifs ».
De plus LES « sionistes », pour reprendre les approximations stambuliesques, ne font pas tous l’apologie des « Juifs banquiers » (des noms ! des noms !) ou des individus « du côté des dominants » (des noms ! des noms !).
On remarquera le glissement dangereux d’un terme à l’autre : « banquiers » est un statut social spécifique, précis (on croyait cette mythologie des banquiers juifs réservée à l’extrême droite…). Quant à l’expression « du côté des dominants », elle ne veut rien dire si on ne précise pas son sens exact (cf. la citation de Lénine reproduite ci-dessus). C’est une accusation que l’on peut lancer à la tête de n’importe qui, n’importe quand, sans apporter la moindre preuve.
Tracer un trait d’égalité entre tous LES « sionistes » et tous LES antisémites, comme le fait Stambul, c’est exactement ce que font l’extrême droite, Dieudonné, Soral and Co tous les jours. Et ce que l’on lit à longueur de journée sur Internet dans toutes les listes de discussions ou posts sur ces questions.
Autant d’approximations et de contre-vérités en seize mots de la part d’un homme intelligent et cultivé comme Pierre Stambul, cela fait froid dans le dos. Que retiendront tous ceux qui ne connaissent rien ni à l’histoire du judaïsme, ni à l’histoire des populations juives (pas simplement composées de banquiers…) ni à l’histoire du sionisme ? Ces seize premiers mots ou la suite ? Pas compliqué de connaître la réponse, hélas.
Et de toute façon la seconde partie, la plus intéressante et la plus juste, n’A AUCUN INTERET pour les antisionistes de gauche car ce prolétariat a été massacré par les nazis et les fascistes il y a 70 ans et que LES ANTISIONISTES DE GAUCHE SE FOUTENT DU PROLÉTARIAT actuel, juif ou pas, israélien ou pas. Par contre les « Juifs banquiers » ou ceux qui se placent « du côté des dominants », eux, ils existent bien pour les antisionistes de gauche : il suffit de lire leurs innombrables communiqués et articles. […]
2. C’est ainsi qu’en février 2014 l’éditorial de Courant Alternatif, mensuel de l’Organisation communiste libertaire, commence par une citation de l’hymne du Bund : « Nous jurons de garder notre haine intacte. Envers les assassins et les voleurs de la classe ouvrière. Le tsar, les maîtres, les capitalistes. Nous jurons de les anéantir et de les détruire » et que le site de l’OCL comprend deux articles de Pierre Stambul de l’UJFP présentant sous un jour favorable le Bund pour mieux dénoncer LE “sionisme”…
http://www.mondialisme.org/spip.php?article2044
dénoncer “l’usage de l’arme atomique à Nagasaki et Hiroshima” serait donc la preuve de la complicité de l’extrême gauche avec l’extrême droite ?
il n’y a que Coleman pour oser dire ça.
vous pourriez arrêter votre monomaniaquerie sur Collemen ? C’ets bon tout le monde a compris je crois et lire l’intégralité de vos articles et commentaires à charge nous prend un temps fou alors que localement, je sais pas si vous êtes au courant, on a d’autres chats à fouetter.
ALors soit vous vous calmez et utilisez indymedia pour ce qu’il est : un outil permettant de diffuser des informations sur les luttes par les individu-e-s qui les vivent, de façon plutôt horizontale et autogérée en priorité, soit nous devrons fermer la possibilité de commenter certains articles.
Que vous répondiez de manière construite et ettayée à des articles et commentaires hors charte nous aide et grand merci pour ça.
Que vous vous transformiez en indics monomaniaques serait vraiment dommage…
Je croyais que tout avait déjà été dit à propos de Coleman, mais devant la persistance et la répétitivité des mêmes thèmes par lui et ses amis, soit on ne dit rien et on valide ces délires, soit on est obligé de répéter les mêmes choses.
C’est pas les réponses qui sont « monomaniaques », c’est le fantasme de l’Ennemi commun coupable de tous les malheurs du monde, du complot antisémite et rouge-brun, et la manipulation du langage qui va avec. Avec Coleman, ça ne sert à rien d’essayer le moindre raisonnement rationnel «de manière construite et étayée», c’est la particularité de la novlangue de créer des murs infranchissables d’incompréhension. Il ne reste plus qu’à le citer et laisser chacun libre d’en tirer les conséquences.
Ça peut au moins éviter les insultes et les anathèmes…
A force de taper sur l’islam, modéré ou extrémiste, et d’en faire le symbole du Mal responsable de tous nos malheurs, nos suprématistes d’extrême gauche ont fini par donner des idées au plus haut sommet de l’Empire.
“Nous n’avons pas le choix. Nous n’avons pas le choix, nous n’avons pas le choix.” Voilà comment Donald Trump, candidat à la primaire républicaine américaine, a commenté sa proposition lors d’un meeting en Caroline du Sud, lundi 7 décembre dans la soirée. L’idée lancée par le candidat milliardaire est la suivante : interdire aux musulmans d’entrer aux Etats-Unis. La justification de Donald Trump est que cette religion est “nourrie par la haine et la violence”.
http://www.courrierinternational.com/article/politique-donald-trump-veut-interdire-lacces-des-etats-unis-aux-musulmans
Trump, un clown à prendre au sérieux
« Pour The New Yorker, la proposition de Trump d’interdire aux musulmans d’entrer aux Etats-Unis “n’est pas une surprise”. Le magazine rappelle que, durant sa campagne, “Trump a porté la voix du sectarisme sur la scène politique américaine plus ouvertement que quiconque” ne l’a fait au cours des dernières décennies.
Et The New Yorker d’interroger ses lecteurs : “Certains décriront Trump comme un opportuniste plus qu’un raciste avéré, un homme politique prêt à tout pour faire grimper sa cote. Mais la vraie question est plus difficile à poser : qu’est-ce que le fait que Trump soit déjà allé aussi loin dans la course à la présidentielle dit de nous autres Américains ?”
Ça commence comme ça. Coleman aussi passe pour un clown aux yeux des antiracistes, mais son escalade provocatrice risque de donner des idées aux extrémistes islamophobes.