Cible légitime

Évidemment, il est très légitime de décrier les agissement de la Troïka et de l’Allemagne qui, avec Merkel en tête, a tenu la ligne dure durant toutes les négociations afin de faire coucher la Grèce et profiter de son démantèlement. Mais avant tout, il s’agit-là d’un système économique qui existe depuis plusieurs décennies. L’imposition de mesures d’austérité ne date pas d’hier et fait partie de l’idéologie néolibérale.  Après avoir passé dans le tordeur l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, l’Italie et Chypre, il ne fallait rien attendre de mieux avec le cas grec. 

Quand la gauche radicale s’auto-trahit.

« Avec un pistolet sur la tempe, toi aussi, tu serais d’accord. » Nul besoin d’être un anarchiste pour décrier l’agenouillement de Syriza [2] et la continuité de l’austérité à travers un 3ème mémorandum. L’aile gauche du parti s’en charge déjà. Les fondateurs de la Plate-forme de gauche ont vivement réagi. Yanis Varoufakis, ancien ministre de l’économie démissionnaire pour Syriza, ne s’est pas présenté la journée du vote. Panagiotis Lafazanis, ministre de l’énergie et leader de la Plate-forme de gauche, a déclaré que ces réformes étaient incompatibles avec le programme de Syriza. Des rumeurs courent selon lesquelles les ministres de la Plate-forme de gauche démissionneraient dans les prochains jours. Thanassis Petrakos, l’un des trois orateurs (speakers) du groupe parlementaire de Syriza et membre de la Plate-forme de gauche, a mentionné qu’il fallait préparer la sortie de la zone euro et le dire clairement à la population. Ouvrir une nouvelle voie en dehors des mesures d’austérité. Pour Zoe Konstantopoulou, présidente du Parlement grec : « Jamais je ne pourrai voter et légitimer le contenu de l’accord et je crois que la même chose vaut et vaudra pour le Premier Ministre, qui est aujourd’hui l’objet d’un chantage utilisant l’arme de la survie de ce peuple. Je crois que la même chose vaut pour le Gouvernement et les groupes parlementaires qui le soutiennent. » [3] Rappelons que les réformes proposées par Athènes ont passé, lors du vote au Parlement grec, grâce à l’appui de la droite et des traites du PASOK. Trop de membres de Syriza ayant voté contre la liste de réformes, il fallait donc se tourner vers les autres copains.

Les limites concrètes de la sociale-démocratie.

Pour tout système d’organisation économique vient un système idéologique servant à le légitimer et le protéger. Le Capitalisme est le système économique dans lequel une minorité possédant les capitaux investis en entreprises exploite le travail de la majorité. Pour légitimer leur pouvoir, les capitalistes ont comme idéologie le Libéralisme. Cette idéologie suppose un choix et une restriction dans le pouvoir des gouvernants, mais donne le plein pouvoir économique à la classe possédante

Ce fait peut être observé aisément : Les « démocraties libérales » ne servent qu’à une chose : Les partis politiques qui les constituent sont financés ou promus par des entreprises capitalistes pour les aider à gagner leurs élections. Lorsqu’un parti est porté au pouvoir, il renvoie l’ascenseur à ses bienfaiteurs au moyen de crédits d’impôts, subventions, octroie de contrats et défraient les coûts d’infrastructures servant leur entreprise. Malgré ce que certaines personnes en pensent, l’État n’a de pouvoir que le pouvoir militaire et policier qui sert à défendre par la violence les entreprises capitalistes. Tout le reste n’est qu’une illusion de choix. 

Les sociaux-démocrates interviennent au sein même de ce système, sans jamais en changer la racine, et préservent ainsi l’idéologie libérale et l’illusion de choix. Ils prétendent que l’exploitation peut être diminuée par un simple vote à tous les quatre ans. Pendant ce temps, le capitalisme continue d’exploiter, qu’il s’agisse de multinationales ou de PME, les banques et les organismes non gouvernementaux continuent leur domination économique, et le gouvernement continue d’utiliser la police pour réprimer violemment la population. Mais comment alors de tels partis peuvent arriver à se faire élire?

Sans être en mesure de s’allier aux milieux financiers, les partis sociaux-démocrates n’ont ni ressources ni visibilité et sont forcés de s’approprier les mouvements sociaux, qui passent normalement par les grèves, les sabotages et les occupations. Ils s’attribuent le mérite de céder aux revendications des groupes militants, comme le Parti Québécois a fait au Printemps 2012 et comme Syriza s’accapare la lutte sociale grecque. Dans tous les cas, ces partis divisent les militants entre « bons » et « mauvais » afin de pousser non pas vers la victoire finale contre l’oppression, mais un compromis impossible avec cette dernière.

Ces partis souffrent toutefois d’une profonde contradiction : En pacifiant les mouvements sociaux, ils se coupent de leur base électorale et doivent ainsi, pour atteindre ou conserver le pouvoir, se travestir et s’allier à une frange de la bourgeoisie, renonçant ainsi à leurs promesses au profit de riches individus. En se pliant à leurs demandes, ils cessent immédiatement de défendre les travailleurs/travailleuses et défendent ainsi le capitalisme et ce qu’ils appellent « la démocratie » bourgeoise. S’ils n’arrivent pas à se plier suffisamment aux caprices des riches, ces derniers étouffent l’économie du pays. Dans les deux cas, la population se sent trahie et peut tomber dans un sentiment d’impuissance politique ou se tourner vers le fascisme.

Quelque soit l’issue, la sociale-démocratie ne fera toujours qu’aider à préserver le capitalisme. 

La voie, elle est dans la rue.

Sur le terrain, la lutte s’active encore et toujours. La réelle solution y réside. Les camarades ne cessent de mettre sur pied de nouvelles alternatives de lutte et de soutien, tout cela dans une perspective autogestionnaire et révolutionnaire. Un excellent documentaire intitulé « Ne vivons plus comme des esclaves » se penche sur quelques projets mis de l’avant et/ou soutenus par les anarchistes grecs. Pour le visionner, c’est par ici. Nous donnons tout notre support aux organisations anti-autoritaires qui luttent au jour le jour dont le but est de créer une nouvelle société débarrassée du néolibéralisme et de tous les systèmes d’oppression.

Sur diverses initiatives à travers le pays (liste non-exhaustive): 

– Autogestion de l’hôpital de Kilkis: http://www.autogestion.asso.fr/?p=1002

– Expérience d’auto-gestion à Thessalonique: http://www.reporterre.net/En-Grece-une-experience-autogeree

– Communiqué des camarades de l’Union Syndicale Libertaire (ESE). Même si le texte date de juin 2012, il est (malheureusement) encore d’actualité : C’est dans les rues, et non dans les couloirs du parlement que notre sort sera décidé. http://ucl-saguenay.blogspot.ca/2012/06/grece-cest-dans-les-rues-et-non-dans.html

– Sur l’auto-gestion de l’usine Vio.Me à Thessalonique: http://ucl-saguenay.blogspot.ca/2013/01/grece-lentreprise-autogeree.html?q=gr%C3%A8ce

– En Grèce, on transforme un camp militaire en potager collectif. Jardin autogéré à Thessalonique: http://www.reporterre.net/En-Grece-on-transforme-un-camp-militaire-en-potager-collectif

– Athènes, dans le café anarchiste qui construit une société nouvelle: http://www.reporterre.net/Athenes-dans-le-cafe-anarchiste

– Sur les dispensaires et pharmacies autogérés à travers la Grèce: https://solidaritefrancogrecque.wordpress.com/liste-des-dispensaires-sociaux-2/

[1]. Cofondateur du Parti de gauche en France et député européen.  [2]. Syriza est un parti né d’une alliance entre divers groupes politiques, d’où son nom qui veut dire « Coalition de la gauche radicale ». La Plate-forme de gauche est une composante du parti et regroupe plusieurs organisations, majoritairement de tendance trotskiste.  [3]. Elle a lancé cette phrase pendant son allocution, juste avant le vote de la Vouli sur le projet de réformes proposé par Tsipras et sa bande.