Ni à pékin ni à téhéran
Catégorie : Global
Thèmes : Archives
22 Avril 2004
Récemment j’ai été invité à parler dans deux écoles publiques du primaire. Rien de nouveau pour moi car cela fait trois ans que je le fais. D’habitude c’est une expérience plutôt positive malgré les limitations dues au conformisme de ce genre de lieu. Mais cette année ce fut un peu plus troublant.
Je suis arrivé à l’école un peu en avance alors j’ai décidé d’entrer dans la salle de classe avant que la cloche ne sonne. J’ai remarqué que contrairement à l’année dernière, cette année chaque salle de classe était équipée d’un poste de télévision placé sur un gros support métallique juste à coté du tableau noir. Je me suis dit que c’était curieux mais qu’il n’y avait rien d’extraordinaire à cela.
Sur l’écran de télévision était affiché le menu du jour pour le déjeuner. Le menu était le suivant:
Beignet de pommes de terre
Galette au bœuf et fromage
pizza
salade
frites de liberté
salade de fruits
gâteau de fraises
Je me suis dit, bon, le menu du déjeuner, c’est sympa.
Mais, une seconde, il y avait bien marqué « frites de la liberté » ?
Oui je crois bien que c’était écrit comme ça. Sûrement un génie patriotique dans l’administration de l’école qui a cru bon d’imiter le menu du congrès à base de frites et toasts de la liberté en signe de protestation contre l’attitude française à l’égard de l’invasion de l’Irak. Inculquer une absolue obeissance au gouvernement est apparemment une fonction de base de l’enseignement publique, jusque dans les détails du menu pour le déjeuner. Je décidais de passer outre,et même si cela heurtais un peu ma sensibilité individualiste et libertarian (1) je connaissais suffisamment bien mes voisins pour savoir que cette attitude est loin d’être exceptionelle.
Toutefois, ce qui suivi m’ébranla des pieds à la tête.
J’étais assis à une table sur le coté ou je révisais mes notes pour ma petite conférence et je ne faisais pas face au poste de télévision. Tout à coup, malgré la médiocre qualité du son, je reconnus une musique familière s’échappant du poste de télévision. A ce moment précis, tous les élèves de la classe et le professeur se levèrent comme un seul homme et se mirent face au poste de télévision.
Cette musique c’était l’hymne national.
Curieux de comprendre ce qui se passait, je décidais de me lever aussi et de me mettre face au poste de télévision. Pour accompagner l’hymne national chanté dans une version de chorale particulièrement énergique sortant des haut-parleurs bon marché de la télévision bas de gamme, une série d’images défilait sur l’écran. Le contenu de ces images était vraiment effrayant. Je ma souviens clairement de certaines d’entre-elles:
-Un plan aérien d’une énorme reproduction du drapeau national, faites avec des fleurs rouges blanches et bleues, dans un champ à coté d’une zone d’habitation.
-L’infâme hissée du drapeau américain « d’Iwo Jima » (2) par les trois pompiers sur le lieu de l’attentat du 11 Septembre .
-Plusieures scènes de militaires.
-Une image d’un porte-avion américain.
-Une image de deux jeunes enfants (d’environ 4 ou 5 ans) les mains jointes en prière avec écrit « une nation, avec DIEU » (exactement comme ça, avec des lettres capitales)
-Un sculpture en glace d’un aigle et d’un pompier du WTC.
-Et en dernier pour finir en beauté, une image embellie du WTC, prise à distance, avec la fumée montant des décombres pour aller fusionner avec les nuages ou les mains de Dieu
semblaient descendre du paradis.
Les gars, je n’invente rien, hélas.
Puis apparut un drapeau américain devant lequel les enfants se mirent automatiquement en position de garde à vous. Puis les enfants se rassirent et le menu du déjeuner, avec ses frites de la liberté, réapparut dans la boite à conneries.
Inquiétant ? J’ai commencé à me lever et à me diriger vers la porte puis je me suis dit que je devais rester par égard pour les enfants.
Mais les images de ce rituel matinal continuent de tourner dans ma tête. Et ces enfants voient ces images et écoutent l’hymne national CHAQUE JOUR.
Endoctrinement. Conformisme forcé. Vénération du gouvernement. Mélange de christianisme et de patriotisme. Au moment le plus fragile et important de la
vie, toute une génération formatée sur la chaîne d’assemblage. Pire encore, l’instrument de leur malheur était l’œil fixe de la nounou cathodique, cette télévision qu’on leur a appris à aimer et à ne jamais remettre en question. Quand 2004 rencontre 1984.
Je peux dire avec certitude qu’une chose positive est sortie de cette expérience: si d’aventure j’avais eu besoin d’une raison supplémentaire de ne pas mettre dans l’avenir un de mes enfants à l’école publique, je l’ai trouvée ce matin.
22 Avril 2004
Texte original sur:
http://www.libertyforum.org/showflat.php?Cat=&Board=news_culture&Number=1437055#Post1437055
1) ndt: A ne pas confondre avec libertaire. Les libertarians prônent le refus de l’état mais agrémenté d’une loi de la jungle sociale à base d’ultra-capitalisme et de compétition entre les individus.
2) ndt : Drapeau US hissé sur le sol japonais en 1945. Photo célèbre.
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