« sauvons la recherche… d’elle-même ! »
Catégorie : Global
Thèmes : ArchivesOgm
En France, ce 9 mars, des centaines de directeurs de labo se sont réunis en assemblée pour décider s’ils mettent en oeuvre leur intention de démissionner de leurs responsabilités administratives face à des propositions gouvernementales (3 milliards d’euros d’investissements et 120 postes statutaires) jugées insuffisantes.
Ce 9 mars également a lieu à Charleroi la remise du diplôme de docteur Honoris Causa à Philippe Busquin, commissaire européen chargé de la recherche. Cette cérémonie est organisée conjointement par l’Université Libre de Bruxelles (ULB), l’Université de Mons-Hainaut et la Faculté polytechnique de Mons.
Sans doute certains observateurs y trouveront-ils matière à sarcasmes et à pinailleries, en soulignant que le premier des deux événements non seulement tend à éclipser le second mais encore qu’il soulève des doutes sur le bon accomplissement des missions pour lesquelles M. Busquin est aujourd’hui distingué.
Nous préférons pour notre part voir dans la conjonction de ces faits un signal encourageant. Ce 9 mars est en effet à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire récente des activités techno-scientifiques : pour la première fois depuis longtemps, celles et ceux par qui « la recherche » est produite reconnaissent leur rôle clé dans l’orientation et la fabrication de processus qu’on nous prétend d’habitude « trop complexes, trop en réseaux » pour être influencés par la volonté de quelque groupe humain que ce soit. Celles et ceux qui brandissent l’hypothèse de leur démission collective manifestent que l’objection de conscience est possible dans les labos, spécialement dans les unités où se pratiquent les sciences dites « dures » et que, de fait, on arrête bien le « progrès ». Qu’ils peuvent suspendre la fuite en avant de la Recherche. Que ni l’usage d’ADN recombiné (transgenèse) ni le clonage ni l’irradiation des aliments ni le recours aux plastiques ni les nanotechnologies et nombre d’autres résultats délétères issus de l’effort de recherche public ne sont des fatalités, des phénomènes hors de portée du choix éthico-politique.
En cela, la démarche française des directeurs de labo signataires de l’appel « Sauvons la recherche » est exemplaire. Puissent-ils ne pas fléchir et, comme annoncé, en interrompant toute relation avec les tutelles administratives, les ministères ou les directions d’organismes de recherche, aboutir à une issue heureuse : la fermeture des labos ou au moins la paralysie de structures devenues ingérables.
La demande sociale des populations des Etats membres serait d’autant mieux rencontrée – les sondages Eurostat à propos des OGM ou du clonage le montrent depuis des années – si, au lieu de parrainer des « dialogues » et autres forums visant à démontrer aux Européens combien ils ont besoin des biotechnologies, M. Busquin s’inspirait de la fermeté des fonctionnaires de la Recherche hexagonale pour démissionner lui aussi de ses seules responsabilités administratives et inciter les salariés de sa DG à l’imiter.
Les liaisons de communication et de financement qui innervent l’Espace Européen de la Recherche se tarissant alors peu à peu, les Joint Research Centre et les réseaux d’excellence de l’Union ne prendront plus part à l’accouchement des « innovations de demain », qu’il s’agisse de téléphonie à micro-ondes (cancérigènes) de énième génération, de fusion nucléaire ou de biodiversité muséifiée en éprouvettes.
Le répit ainsi obtenu ouvrira des espaces au questionnement sur les effets directs et indirects du « secteur » de la Recherche, permettra la naissance d’interrogations sur ce en quoi ces effets sont préférables aux manières d’habiter le monde et aux savoir-faire millénaires qu’ils balaient partout sur la planète, aux espèces vivantes qu’ils y éradiquent. Peut-être certains en viendront-ils à désacraliser le bien-fondé de cette « Croissance économique » que dope la Recherche.
Qui sait si l’on n’ira pas jusqu’à se souvenir des scientifiques cloués au pilori de « leur » communauté, de Mme Rachel Carson (auteur du « Printemps silencieux »), du professeur Narbonne (prié de s’occuper de la qualité des produits alimentaires plutôt que de toxicologie – laboratoire fermé, équipe dispersée), de M. Cicollella (soupçonnait le caractère cancérigène des éthers de glycol – laboratoire fermé, équipe dispersée), du professeur Puzstai (a fait état de résultats préliminaires montrant que des pommes de terre transgéniques provoquent des désordres physiologiques chez les rats – laboratoire fermé, équipe dispersée) ?
De la sorte au moins l’ULB échapperait-elle à l’honneur de distinguer le commissaire européen maître d’oeuvre d’un 6me Programme-Cadre de Recherche et Développement dans lequel les investissements accordés aux biotechnologies sont passés en 2002 de 250 millions d’euros à 2 milliards 250 millions d’euros, et qui s’enorgueillit d’introduire des projets de génie génétique tous azimuts, dans des domaines comme la sûreté alimentaire ou le développement durable.
Oui, M. Busquin, décidément, en ce 9 mars, les chercheurs français et vous-même avez rendez-vous avec l’Histoire.
« Dans l’état actuel des connaissances, le temps perdu par la recherche est du temps gagné pour la conscience »
Des chercheurs de l’ULB, des étudiants et des quidams
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Notons que René Riesel entame aussi, ce 9 mars, sa quatorzième semaine d’incarcération à la prison de Mende (Lozère), pour avoir contribué à promouvoir le débat sur la nature de la Recherche « publique » et l’avoir prolongé par des actes destinés à nous sauver de la Recherche.
Voir ses « Aveux complets des véritables mobiles du crime commis au CIRAD »
http://netmc.9online.fr/VersusOGM/Riesel_06.html
Un autre texte hautement conseillé pour savoir quelle Recherche certains se proposent de sauver :
« La recherche vue de l’intérieur », par Carlos Ojeda, chercheur à l’Inserm, in L’Ecologiste, vol.2, n°3, automne 2001.
Source : Globe_l
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