Palestine : hollande en recul par rapport à sarkozy
Category: Global
Themes: Racisme
Qui l’eût cru ? Le président Nicolas Sarkozy s’était longtemps présenté en ami d’Israël, en ami de son premier ministre Benyamin Netanyahou. Il avait accéléré le rapprochement avec cet Etat sur tous les plans, aussi bien politique, militaire, policier, qu’économique. Il ne faisait d’ailleurs que suivre l’impulsion donnée par Jacques Chirac à partir de 2004 (l’histoire du tournant pro-israélien de la politique étrangère française reste à écrire). C’est un ministre de son gouvernement, Bernard Kouchner, qui avait porté, en décembre 2008, le « rehaussement » des relations entre l’Union européenne et Israël.
Pourtant, à la fin de son mandat, Sarkozy avait pris conscience du fait que Netanyahou ne voulait la paix à aucun prix. En novembre 2011, en marge du sommet du G20 à Cannes, il confiait : « Je ne peux plus le voir, c’est un menteur. » Quand l’Autorité palestinienne avait demandé la reconnaissance de l’Etat palestinien, en septembre 2011, la France avait certes refusé de l’appuyer au Conseil de sécurité, mais Sarkozy avait demandé que la Palestine puisse bénéficier d’un statut d’observateur, au même titre que le Vatican ou la Suisse (avant son adhésion à part entière à l’ONU). Il restait à voir comment allait se comporter le nouveau président français.
Dans son programme pour la présidentielle, Holande assurait : « Je prendrai des initiatives pour favoriser, par de nouvelles négociations, la paix et la sécurité entre Israël et la Palestine. Je soutiendrai la reconnaissance internationale de l’État palestinien. » (Lire Dominique Vidal, François Hollande et le conflit israélo-palestinien, AFPS, 7 avril 2012.)
Dans une déclaration datée du 15 juin 2011, intitulée Le Parti socialiste appelle la France et l’Europe à reconnaître l’Etat palestinien pour avancer vers la paix et la réconciliation entre les peuples israéliens et palestiniens, le PS se prononçait donc pour la reconnaissance sans conditions de l’Etat palestinien, et ajoutait même :
« La communauté internationale doit convoquer au plus tôt une conférence de paix sur le Proche-Orient afin de fixer les paramètres de l’accord de paix israélo-palestinien et les engagements de la communauté internationale en matière de sécurité, d’aide économique et de coopération avec la région. »
Il n’était nullement question de reprendre les négociations bilatérales sans conditions…
Désormais au pouvoir, Hollande a totalement changé de discours. Déjà, lors de son intervention à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2012 (Discours du Président de la République à l’occasion de la 67ème Assemblée générale des Nations unies), la question palestinienne avait été à peine effleurée :
« Le statu quo que nous connaissons n’est pas une réponse. C’est une impasse. La France, là encore, j’en prends l’engagement, contribuera de toutes ses forces à restaurer les bases d’une négociation devant déboucher sur la coexistence de deux Etats, dont chacun sait bien qu’elle est la seule solution, pour qu’il puisse y avoir une paix juste et durable dans cette région. »
Et la visite de Netanyahou à Paris confirme l’alignement de la politique française, au-delà des habituelles réserves sur la colonisation, dont le caractère rituel serait risible s’il n’était pas dramatique (lire l’excellent éditorial du Monde [1er novembre], Israël-Palestine : l’Europe se renie. Je laisse de côté la question de la visite du premier ministre israélien à Toulouse en hommage aux victimes juives de Mohammed Merah, organisée par ceux-là même qui dénoncent « l’importation » du conflit israélo-palestinien en France et la communautarisation de la vie politique.)
Voici quelques extraits de la conférence de presse des deux hommes qui s’est tenue le 31 octobre (Conférence de presse conjointe du Président de la République et du Premier ministre israélien) :
Après avoir évoqué l’Iran, Hollande aborde le problème israélo-palestinien :
« Le second sujet, c’est le processus de paix. La France souhaite la reprise – sans conditions – des négociations entre Israéliens et Palestiniens. Avec le même objectif, celui que nous poursuivons depuis des années, pour ne pas dire depuis des décennies, c’est-à-dire deux Etats : l’Etat d’Israël avec la sécurité qui doit lui être garantie et l’Etat palestinien qui doit pouvoir vivre. »
« Ces négociations sont espérées et attendues. Je sais qu’il y a des élections dans quelques semaines en Israël, au mois de janvier. Il y a aussi la tentation pour l’Autorité palestinienne d’aller chercher, à l’Assemblée générale des Nations Unies, ce qu’elle n’obtient pas dans la négociation. Seule la négociation pourra déboucher sur une solution définitive à la situation de la Palestine. Voilà l’esprit qui a été le nôtre, le travail que nous avons engagé. »
Deux remarques.
La demande de reprise des négociations « sans conditions » est la copie exacte de la politique israélienne : négocier alors même que la colonisation s’intensifie ; négocier sans aucun cadre est la garantie, comme l’ont prouvé ces dix dernières années, que les discussions n’aboutiront à rien. C’est exactement ce que défend Netanyahou – faisons semblant de négocier…
Recul encore plus significatif : l’idée que l’Autorité palestinienne ne doit pas aller devant l’Assemblée générale des Nations unies pour demander la reconnaissance de l’Etat palestinien. Recul par rapport à Sarkozy, recul par rapport au programme du candidat, recul par rapport au programme du Parti socialiste, recul, surtout, par rapport au droit international, dont personne ne semble se soucier dès qu’il s’agit de la Palestine.
Dans un envoi fait en juillet 2011, j’avais noté que la France et Israël avaient renoué avec 1956, quand les gouvernements socialistes des deux pays s’alliaient pour attaquer l’Egypte et pour développer le programme nucléaire israélien. Est-ce cette alliance qui se consolide aujourd’hui entre un gouvernement de droite et le gouvernement socialiste ?
Dans ce contexte, la session qu’organise l’Université populaire de Nouvelles d’Orient et de l’Iremmo prend encore plus de relief :
Quel avenir pour la Palestine ?
Université populaire, samedi 10 novembre, 5/7, rue Basse des Carmes 75005 Paris – Métro : Maubert Mutualité / Bus : 63, 86, 87 – Inscription obligatoire.
Séance 1 (10 h 30-12 h 30) : histoire et actualité de Gaza, avec Jean-Pierre Filiu, professeur des universités à Sciences Po (Paris), auteur de Histoire de Gaza (Fayard, 2012).
Séance 2 (14 h-16 h) : l’économie de la Palestine : acheter la paix ?, avec Julien Salingue, doctorant en science politique à l’Université Paris 8, auteur de A la recherche de la Palestine : Au-delà du mirage d’Oslo (Editions du Cygne, 2011).
Séance 3 (16 h-18 h) : la Palestine, la CPI et le droit international, avec Géraud de la Pradelle, juriste international, professeur émérite à l’université Paris X-Nanterre.
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