Lettre ouverte à mr le préfet : non, mr le préfet, votre violence n’a rien d’une « riposte graduée »
Catégorie : Local
Thèmes : Aéroport Notre-Dame-des-Landes
Vous vous vantez ce matin de rester modéré dans l’usage de la violence que vous faites. C’est vrai que vos supérieurs nous ont déjà montré au Chefresne à quel point vos forces de l’ordre sont capables de faire autant de blessés en très peu de temps. 3 blessés graves, dont l’un a perdu son œil depuis, un de plus pourrait on dire malheureusement, et 25 blesses légers en quelques minutes. Tout cela pour le simple fait d’avoir voulu déboulonner symboliquement un pylône transportant une énergie nucléaire dont la dangerosité n’est plus à prouver. Vous vous vantez de ne pas utiliser de flash-ball, en passant sous silence l’emploi de grenades assourdissantes qui ont tout autant de victimes à leur actif. Vous envoyez l’armée à notre porte et vous vous permettez de nous présenter comme des agresseurs. Vous osez nous demander ensuite de rester calmes, comme si vous n’étiez pas à l’origine de cette agitation. Mr le Préfet, vous êtes sans aucun doute le plus grand hypocrite que la terre ait porté !
Vous dénoncer également un soi-disant « appel à la lutte armée » dont nous serions les auteurs, ou tout du moins les relais. Vous rendez vous compte de l’énormité de vos propos ? Savez-vous seulement ce qu’est un appel à la lutte armée ou prenez vous vos concitoyens pour des imbéciles ? Voyez vous en notre sein des personnes, fusils a la main, menacer vos sbires ? Avons nous demandé à celles et ceux qui nous soutiennent depuis l’extérieur de plastiquer les hôtels où dorment vos garnisons ? Mr le Préfet, les mots qui sortent de votre bouche ont l’odeur d’un cadavre !
Même si vous le mériteriez très certainement, nous ne vous attaquons pas Mr le Préfet. N’inversez pas les rôles, c’est bel et bien nous qui sommes attaqués actuellement ! C’est donc à nous et seulement à nous de parler de riposte graduée…
Vous vous scandalisez pour un gendarme très légèrement blessé (1 jour d’ITT) alors même que nous comptions déjà plusieurs blessés légers en notre sein du fait de vos attaques incessantes contre nos lieux de vie. Vous venez jeter des gens à la rue, détruire des maisons, passer la pelleteuse dans des jardins cultivés qui nourrissent des dizaines de personnes. Vous détruisez même les habitations situées sur des terrains qui ne vous appartiennent pas encore et osez nous faire la morale sur le respect de la propriété privée ! Vous avez fait mettre le feu à une cabane sans vérifier si des personnes s’y trouvaient encore ou non et vous refusez d’appeler cela un incident ou une bavure. Des enfants vivaient ici auparavant, venez donc leur expliquer votre geste. Venez donc leur expliquer en face que la violence ne vient pas de votre côté. Franchement, Mr le Préfet, n’avez vous pas honte ?
Toutefois, Mr le Préfet, le plus violent pour nous, ce n’est pas de perdre nos maisons. Nous sommes autonomes, nous les reconstruirons en moins de temps qu’il ne vous a fallu pour monter cette opération. Nous avons appris à vivre sans argent, sans télé et sans dépendance à la consommation démesurée qui alimente votre système économique. Nous produisons notre pain, notre lait, notre électricité, nos légumes et notre viande et construisons nous mêmes nos habitats. C’est peut être cela qui vous insupporte le plus, la démonstration qu’il est possible de s’affranchir de l’emprise de l’Etat que vous représentez et du capitalisme que représente ici Vinci et ses partenaires.
Ce qui alimente notre colère et nous rend plus que jamais déterminés à résister et à rester ici, ce n’est pas la destruction violente de nos maisons. C’est la destruction de notre maison à toutes et tous, notre terre, là où vivent nos enfants. Vos enfants aussi habitent cette planète, Mr le Préfet. Voyez nous nous soucions d’eux plus que vous apparemment. Un jour vous devrez leur expliquer pourquoi votre carrière a été plus importante pour vous que leur futur.
Vous arrivez avec votre armée et vos machines de destruction pour saccager un bocage qui est à la fois une des plus importantes réserves d’eau de la région et l’habitat d’espèces en voie de disparition. C’est aussi des terres agricoles qui nourrissent vos concitoyens depuis des centaines d’années. L’argent ne se mange pas Mr le Préfet ! Au nom de la sacro-sainte fuite en avant que vous dénommez « croissance », vous détruisez le seul héritage de valeur que nous avons encore pour les générations futures.
Il est évident que notre seul tort est en réalité de refuser le monde que vous nous imposez. Un monde stérile nourrit d’OGM et de virtualité, où la terre est maintenue en vie artificielle à coup de produits chimiques. Ce n’est pas ce que nous appelons le progrès !
Nous souffrons de voir la terre mourir de votre soif démesurée d’argent et de pouvoir. C’est pour cela que nous résistons. C’est pour cela que quelle que soit l’ampleur de la violence que vous exercerez, nous ne partirons pas. C’est pour cela que nous continuerons à nous battre ! Si nous ne le faisons pas, qui le fera à notre place ? Certains disent qu’il est déjà trop tard. Nous refusons de le croire et tant qu’il restera ne serait ce qu’une lueur d’espoir, alors nous continueront de jeter toutes nos forces dans la bataille !
Nous n’avons pas de télévisions pour endormir nos cerveaux et faire taire nos consciences. Nous refusons de réduire au silence la rage sourde qui nous habite face au spectacle de l’humanité qui s’autodétruit, pour les seuls intérêts d’une classe dominante infiniment minoritaire. Nous ne pouvons vous laisser faire cela en restant impassibles, c’est trop nous demander. Nous avons depuis longtemps effacé le mot résignation de notre dictionnaire face à la violence de l’Etat et du capitalisme.
Alors oui, Mr le Préfet, si vous envoyez des machines détruire les seuls espaces de vie qu’il reste pour nos enfants, nous appelons en retour à détruire ces engins de mort avant qu’il ne soit trop tard. Cela n’a rien d’une « lutte armée », Mr le Préfet, mais tout d’une « riposte graduée » !
Un-e assiégé-e qui résiste, Notre-Dame-Des-Landes, Le 20 octobre 2012
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