2012 : les promesses n’engagent que ceux qui y croient…
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Économie française : quelques indicateurs de sa situation actuelle
La bataille des indicateurs fait rage. Même si ceux-ci peuvent varier, ils démontrent que l’économie française continue à se dégrader, avec une accélération sous le quinquennat de Sarkozy. En effet, le solde de la balance commerciale (échange de biens) était de moins 51 milliards d’euros pour l’année 2010 et de moins 70 à moins 75 milliards d’euros pour 2011 selon Pierre Lellouche (secrétaire d’État au commerce extérieur). Les parts de marché sont passées en 2010 de 6,3 % à 3,4 %, le volume de production a baissé vu qu’il y a davantage d’importations que d’exportations. Parallèlement, la désindustrialisation se poursuit inexorablement. 335 000 emplois supprimés entre le premier trimestre 2007 et le deuxième trimestre 2011. Ils ont été à peine remplacés par 311 000 emplois crées dans le secteur tertiaire. Les quelques 8 200 postes nouveaux pour le premier trimestre 2011 ne vont certainement pas inverser la tendance. L’écroulement de l’industrie peut s’expliquer par cette combinaison de phénomènes : manque de compétitivité → délocalisation → internationalisation du capital → investissement des multinationales dans des pays émergents.
Au début de son mandat, Sarkozy s’était vanté d’avoir fait reculer le chômage avec un million de chômeurs en moins. Cela était facile en radiant à tour de bras, sans oublier la fusion ANPE-ASSEDIC et la sous-traitance des dossiers auprès d’agences privées, l’impact démographique. Pour l’année 2010, le Bureau international du travail (BIT) dénombrait en France 4 874 000 chômeurs, 2011 ne sera guère meilleur, sinon pire. Le chômage de longue durée touchait près de 40 % des chômeurs au dernier trimestre 2010, la moitié d’entre eux n’étant pas indemnisés. Les ouvriers et les employés sont les plus touchés par les vagues de licenciements. Quant aux emplois aidés, leur nombre a été divisé par deux en dix ans, il est descendu sous la barre symbolique du million en 2010. Comme tout bonne entreprise, l’État dégraisse. Pour 2010 et 2011, les effectifs de l’État ont diminué respectivement de 33 789 et de 31 538 postes de fonctionnaires avec l’application de la loi de finances. D’autre part, cet agent économique est confronté à : 1/ un déficit considérable (avec une baisse très nette des rentrées) ; 2/ une dette publique qui est passée de 1 318 à 1 591 milliards d’euros entre 2008 et 2010, soit 82,3 % du produit intérieur brut (PIB) – sans compter les intérêts à la clé de cette même dette publique qui sont estimés à 2,5 % pour l’année 2011 ; 3/ un endettement des entreprises privées qu’il doit soutenir pour pallier le manque de financement par le déficit d’épargne (moins 44,7 milliards de dollars en 2010), ce qui veut dire que l’économie capitaliste est sous perfusion de l’argent public et de l’emprunt.
Ces indicateurs nous révèlent que l’économie française est prise dans ce cercle vicieux : faiblesse de la croissance → poids de l’endettement généralisé → fragilité du système bancaire → insuffisance des marges brutes d’autofinancements des entreprises (ou accumulation de capital). Cependant, les hauts revenus se portent plutôt bien (ils ont littéralement explosé), alors que huit millions de personnes vivent avec moins de 950 euros par mois. Cela ne risque guère de s’améliorer avec la menace de faillite généralisée à laquelle il faut ajouter tous les nombreux problèmes énergétiques et écologiques. Un plan d’austérité est donc inévitable pour les économistes et les politiciens qui étalent leurs désaccords sur son importance. Il pourrait bien être l’enjeu majeur des élections de 2012.
Un arsenal juridique qui se met en place
L’actualité rappelle chaque jour à ces tartuffes de privilégiés que leur pouvoir n’est pas éternel. Rien que pour l’année 2010, ils ont adopté quatre lois scélérates : 1/ Mars 2010, loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public ; 2/ Mars 2010, loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale ; 3/ Mars 2010, loi sur l’immigration, l’intégration et la nationalité (et éviter ainsi de déstabiliser leur système) ; 4/ Décembre 2010, LOPPSI 2, loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Toutes ces lois sécuritaires ont pour but de dresser, de formater et de réprimer. L’État est le protecteur des classes privilégiées et doit veiller à ce que la pyramide sociale ne s’effondre pas comme un château de cartes. Le pouvoir législatif utilise donc les lois pour répondre aux phénomènes sociaux sous couvert de l’intérêt général. L’erreur serait de sous-estimer l’intelligence des gouvernants qui savent que prendre le pouvoir revient également à le conserver par tous les moyens suivant cette maxime « la fin justifie les moyens ». Il est indispensable pour y parvenir de renforcer l’emprise de l’État et c’est là que les médias – appareil idéologique d’État- remplissent justement à merveille leur fonction qui est de façonner « l’opinion publique » par la communication (pour ne pas oser dire propagande), en jouant sur l’affectivité avec des mots passe-partout, le flot des images, etc.
La recomposition politique du paysage français se poursuit
Les élections de 2012 seront-elles deux étapes supplémentaires dans la recomposition politique du paysage français qui est très éclaté ? Les scissions se multiplient et les grands partis politiques ne peuvent escompter remporter la victoire sans conclure au préalable des alliances qui se font et se défont au gré des circonstances. En tous cas, l’évolution de la crise risque de peser très lourd dans ces alliances de classes et notamment celles qui concernent la classe moyenne qui se paupérise et périclite ; chose qui s’est déjà produite historiquement à plusieurs reprises. Cette classe moyenne (concept relativement assez large, ne se limitant pas qu’à la seule petite bourgeoisie) est en quelque sorte l’alpha et l’oméga de cette société contemporaine. Elle a été jusqu’à présent garante du statu quo et son développement a supplanté la classe ouvrière encadrée par le Parti communiste français (PCF). L’Histoire n’est pas écrite par avance mais elle enseigne que les déclassés de la classe moyenne peuvent aller vers le soutien ou le rejet du capitalisme. Un compromis historique associant certains partis politiques y compris le Front national est-il possible en France comme c’est actuellement le cas en Grèce pour endiguer la colère de la rue ? Il est trop tôt encore pour se prononcer définitivement sur cette question. Mais une chose est sûre, le parlementarisme est absolument compatible avec l’instauration d’une dictature, comme cela fut possible en Allemagne avec la nomination de Hitler au poste de chancelier le 30 janvier 1933 par le président Hindenburg. Les pleins pouvoirs lui furent donnés par le Reichstag le 23 mars 1933, de même que les pleins pouvoir furent attribués en France au maréchal Pétain le 10 juillet 1940 par l’Assemblée nationale. Cela dit, on oublie trop souvent que le coup d’État est une pratique courante en France. Les plus significatifs furent : 1/ les Montagnards éliminant les Girondins de la Convention nationale avec l’appui de trente et une sections de Sans-culottes le 2 juin 1793 ; 2/ le général Bonaparte supprimant le Directoire le 9 novembre 1799 (connu sous le nom du coup d’État du 18 brumaire) ; 3/ Louis-Napoléon Bonaparte mettant fin à la Deuxième République le 2 décembre 1852 ; 4/ le groupe des Sept (comité secret dirigé par Pierre Lagaillarde) et les pieds-noirs passant à l’insurrection le 13 mai 1958 à Alger. A propos des évènements d’Alger, le général de Gaulle su être l’homme providentiel. Il instaura un gouvernement provisoire et fit adopter par voie référendaire la constitution de la Cinquième République le 28 septembre 1958. Constitution qui réduit le législatif (le pouvoir du parlement) et renforce l’exécutif (rôle du président de la république et du gouvernement), d’ailleurs un certain François Mitterrand dénoncera « le coup d’État permanent ».
Si la crise devait s’aggraver et menacer, nul doute que le nouvel homme providentiel en appellera à l’acceptation du plan d’austérité, à l’unité de la nation et au respect de la légalité constitutionnelle, s’il le faut en recourant à l’article 16 de la Constitution qui permet la dissolution de l’Assemblée nationale et donne les pleins pouvoirs à la plus haute autorité de L’État, ainsi qu’aux ordonnances de 1959 qui programment une militarisation de la société. De même, la focalisation sur le Front national et la prétendue « menace fasciste » entretenue par tout un folklore contestataire soutenu par la gauche tend à brouiller cette compréhension historique. Elle évite la critique d’un autre totalitarisme qui est celui du capitalisme arrivé au plus haut point de sa puissance : l’aliénation de la totalité de l’existence humaine.
Pendant ce temps là, les affaires s’enchaînent !
Pendant son mandat, Nicolas Sarkozy se sera octroyé une hausse de 175 % sur sa fiche de paye (19 331 euros par mois). Rien de très surprenant sur le fond car il ne faisait par ce geste qu’illustrer au grand jour cette pratique courante chez les élus – peu importe d’ailleurs qu’ils soient de droite ou de gauche – et autres dirigeant des partis politiques ou responsables syndicaux. Les élus ne sont pas là pour servir « l’intérêt général ». Ils se rattachent à la technostructure et ils monnaient chèrement leur présence avec l’oligarchie (ce qui est parfaitement contraire à la notion de république et de souveraineté du peuple). Une corruption endémique sévit : malversations, subventions, emplois protégés, règlements de compte et autres scandales compromettant des politiciens avec les hommes de la finance et de l’industrie. N’oublions pas les agapes mondaines comparables à celles de la Cour du Roi Soleil par le niveau de dépravation consacrant cette morale de profiteurs, illustrées récemment par les frasques de Dominique Strauss-Kahn et la grande saga de l’été 2010 et son épilogue qui se fait toujours attendre, les magouilles de Liliane Bettencourt et de Eric Woerth (ex-ministre du budget du gouvernement Fillon). Quant à la gauche, elle s’en serait volontiers passé car François Mitterrand fut un grand ami de la famille Bettencourt et eut une drôle de jeunesse « ligueuse ». La gauche qui veut se parer du manteaux de la vertu pour les élections de 2012 et ce qui est loin d’être le cas avec : 1/ Arnaud Montebourg et son rapport sur les pratiques de Guérini (ami de Gaston Defferre) ; 2/ Bernard Tapie symbolisant le renversement de toutes les valeurs de gauche, encaissant ses indemnités mirobolantes de 45 millions d’euros accordées par une ex-ministre de l’économie qui est maintenant la remplaçante de DSK au FMI ; 3/ Super menteur alias Jacques Chirac porté au pinacle par la gauche contre Le Pen en 2002… il est désormais atteint de pertes de mémoire au sujet des emplois fictifs de la ville de Paris. La liste serait longue et même interminable ! Il est évident que les mensonges de cette classe de fripons et de scélérats n’est plus à démonter mais leur ruse à confondre la vérité et le mensonge est réelle : c’est ce qu’on appelle le sophisme permanent. Cela peut durer longtemps car le spectacle dans la société correspond à la fabrication concrète de l’aliénation. Quelles seront les prochaines vedettes des joutes oratoires des élections de 2012 pour éviter que les vrais problèmes ne soient posés !
Organiser le camp de la résistance populaire autonome
Voter aux élections de 2012 sera donner son aval à un système corrompu et à la politique d’austérité avec la bénédiction des syndicats qui continueront à organiser le spectacle et celle des hiérarques qui jouiront de leurs prébendes. Réfuter cet argument est tout simplement se mentir et croire également que la pression du vote pourrait arrêter ou limiter la paupérisation. Le vote anti-Front national servira de caution aux attaques du prochain gouvernement par ce chantage « C’est nous ou le Front national ». On ne peut continuer éternellement à se voiler la face. Mais nous ne saurions être angélique avec l’abstentionnisme car ce phénomène est, à l’analyse, assez complexe et contradictoire. Votant ou pas, soyons convaincus que l’affrontement de classe est inévitable de toute façon. Il a déjà commencé en plusieurs endroits de la planète avec le mouvement protéiforme dit « les indignés ». Ce réveil de la spontanéité des masses contient en germe la conscience de classe qui fait encore défaut pour le moment pour qu’une rupture radicale soit effective dans les faits. Si la France a connu d’importants mouvements sociaux ayant fini la queue entre les pattes, cela n’a guère d’importance puisque le Pouvoir finit toujours par commettre des erreurs qui facilitent l’apparition d’un moment révolutionnaire. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut rester les bras croisés. C’est pourquoi les anarchosyndicalistes et les révolutionnaires authentiques doivent unir leurs efforts pour organiser le camp de la résistance populaire autonome que nous pouvons approximativement définir en six points :
1/ être hors du cadre parlementaire ;
2/ déborder et marginaliser les bureaucrates syndicaux ;
3/ reposer sur l’assembléisme comme mode de fonctionnement démocratique et sur l’action directe (agir sans aucun intermédiaire) ;
4/ recourir à la désobéissance civile lorsque les luttes ont réussi à acquérir une légitimité et qu’elles sont suffisamment coordonnées et structurées, massives et déterminées ;
5/ regrouper étudiants, travailleurs, précaires et chômeurs pour dépasser le carcan de l’enfermement corporatiste, briser le « chacun pour soi » de l’individualisme par l’appui mutuel et la solidarité ;
6/ mêler à la fois contestations « politique » et « sociale » contre le capitalisme et contre l’État pour avancer d’autres valeurs et rapports sociaux.
Conclusion
Si nous voulons en finir avec ces deux monstres que sont l’État et le capitalisme, nous devons construire un rapport de force à la hauteur de notre projet. Ce dernier vise à l’instauration des Conseils, basée sur l’autonomie fédéraliste et sur le gouvernement de tous par tous qui est le communisme sans État ou Anarchie dans le sens attribué par Michel Bakounine : « Nous invoquons l’anarchie, cette manifestation de la vie et des aspirations populaires d’où doivent sortir, avec et par la liberté, l’égalité réelle de tous et de toutes, l’ordre nouveau fondé sur le développement intégral et sur le travail librement organisé de tous et de toutes, et la force même de la révolution.»*1. L’Histoire enseigne que ce sont les masses qui font les révolutions lorsque des situations propices éclatent sous le poids des contradictions du système en vigueur et qu’elles s’aperçoivent que les élections ne sont plus d’aucun secours. En l’absence d’une idéologie « rupturiste » et de sa non-production en tant que pensée concrète dans le cours des évènements, les masses laissent reprendre le dessus à leurs croyances et à leurs tendances conservatrices : la victoire aux élections des islamistes modérés dans les pays du printemps arabe en 2011 est là pour le rappeler alertement. La nécessité fait que les anarchosyndicalistes doivent continuer à affirmer leur corpus idéologique et les valeurs originelles du socialisme (liberté, égalité, fraternité, justice, solidarité). Les luttes sociales gagnent la planète car les problèmes qui affectent le capitalisme occidental ont des incidences mondiales. Elles sont l’expression de la lutte des classes et le prolétariat doit s’unir pour une résistance internationale de classe.
CNT-AIT Caen
1,- Michel Bakounine, Théorie générale de la révolution, textes assemblés et annotés par Etienne Lesourd, d’après. G.P. Maximov, éditions Les nuits rouges, page 361.
Très bon texte !