Sortir du ghetto doré de la subversion
Catégorie : Global
Thèmes : -ismes en tout genres (anarch-fémin…)
Ce texte se veut une ébauche critique de nos pratiques dites « subversives ». Il vise à être critiqué à son tour, et sans concessions, mais par une argumentation construite. Son but est de participer à la transformation des capacités d’intervention pour une implantation sociale de nos idées et de nos pratiques dans la société réelle. La priorité politique des milieux subversifs pour la période 2011-2012 est de sortir du ghetto. Ou mourir isolés.
Communautés de survie, libéralisme, sortir du ghetto doré de la subversion
Il existe un archipel autonome, constitué de communautés de survie sur tout le territoire national, mais ayant échoué jusqu’à présent à se constituer en communautés politiques, de dimension nationale et internationale. Certes, partout des initiatives existent pour tenter de s’arracher aux rapports sociaux capitalistes mais partout ces initiatives échouent car elles restent, dans l’ensemble, tactiquement et stratégiquement isolées les unes des autres ou ne parviennent pas à fédérer leurs forces et leur intelligence pour dépasser le stade de la survie. Les pratiques qu’elles développent en leur sein ne leur procurent pas ce niveau d’intelligence pratique. C’est qu’elles n’existent localement que comme modes de vie communautaires tout en ne parvenant pas à réellement peser dans les antagonismes sociaux locaux.
Peser dans les antagonismes sociaux, c’est être en mesure de modifier le sens de la lutte de classes traditionnelle, qui est aussi un dispositif d’intégration par le capital des contradictions sociales, c’est être en position de pouvoir promouvoir socialement, pendant et après les luttes, la perspective révolutionnaire, anarchiste et communiste. Se joindre à une lutte en cours mais refuser idéologiquement d’intervenir sur les luttes de pouvoir qui déterminent son cours, n’est d’aucune utilité à l’accroissement de l’autonomie prolétarienne.
La réappropriation collective du politique, le communisme, est l’élévation du niveau qualitatif de chaque individu, la suppression des conditions de leur individualisation, dans le cours même de la lutte. C’est un accroissement de l’intelligence collective qui passe par une vision toujours plus nette des mécanismes de reproduction des rapports de domination, une vision qui ne se contente pas d’une idéologie anti-bureaucratique et anti-parti mais qui repose sur une pratique supérieure, révolutionnaire, des rapports de pouvoir, sur une réappropriation collective du pouvoir. La réappropriation collective du politique est une mise en commun du pouvoir social qui attaque toutes les formes de privatisation existantes.
Peser dans les antagonismes sociaux ne consiste donc pas à s’extraire des rapports de pouvoir, attitude angélique et aveux d’impuissance, mais bien plutôt à les assumer pour être en mesure de les affronter, dans toute leur complexité. En effet, nous ne luttons pas pour perdre du pouvoir sur nos vies mais pour en gagner.
Le maintien du ghetto, lui, n’est qu’une stagnation collective dans l’illusion, largement partagée, que les libertés existantes, les libertés concédées par le droit bourgeois, sont de bonnes libertés qui méritent d’être préservées contre tout changement.
Mais de telles libertés ne font que participer à l’individualisation de notre pouvoir social collectif ; elles portent atteinte à la construction de réelles communautés politiques.
Ces libertés existantes, qui ont été arrachées par les générations précédentes, sont le lit de procuste des camarades, qui s’en contentent bien et sont encore à mille lieux d’en construire de supérieures et de meilleures.
Tous les milieux marginaux ont historiquement démontré leur nullité politique, le caractère petit-bourgeois de leurs modes de vie, leur contribution effective à l’atomisation généralisée ; finalement leur fonction de maintien de l’ordre, de régulateurs des conflits sociaux.
Mais il existe encore des camarades pour croire que l’expérience de la marginalité est une conquête de la liberté, un préalable à l’émancipation sociale de leur être, alors qu’elle n’est que le résultat du libéralisme hégémonique, socialement et culturellement diffus.
L’émeute est vécue comme d’autres pratiquent le saut à l’élastique pour ressentir des sensations fortes. La guerre sociale se privatise, l’ennemi de classe a gagné.
On s’illusionnera volontiers sur la puissance sociale de certaines pratiques, spectaculaires, d’autant plus si ce qui nous importe fondamentalement n’est pas de vaincre l’ennemi mais de vivre des expériences, comme des touristes.
Ainsi, on fait mine de pouvoir mener une guerre en additionnant les tares et les faiblesses individuelles au lieu de chercher à produire des qualités collectives, des qualités solides et non liquides, libérales.
Ainsi, on refuse de mettre en place des pratiques de réappropriation collective de la violence, et des pratiques de réappropriation collective de l’intelligence théorique, tactique et stratégique.
Mais l’on persiste à vanter les mérites de pratiques privées, confidentielles, individuelles, enfermées et séparées les unes des autres.
Que l’on nous explique quel intérêt pouvons-nous trouver à cultiver notre intelligence, pratique et théorique de la réalité, dans l’isolement social : c’est le point de vue libéral, capitaliste : do it yourself.
Il est donc stupide de fustiger le travail intellectuel séparé quand on refuse obstinément de formaliser les moyens collectifs de création de l’intellectuel collectif.
Comme il est tout autant stupide de blâmer la spécialisation politique et militante quand une majorité refuse d’instaurer des formes d’apprentissage collectives de l’action politique et militante.
La domination bourgeoise des modes de diffusion et de partage des savoirs et des techniques est individualisée, confidentielle et privée par besoin vital. La communisation des savoirs et des techniques est collective et publique par besoin vital.
La conception consumériste, libérale, des activités, voit comme une liberté valable de pouvoir choisir ce qu’il nous plaît, ce dont nous aurions besoin, quand nous le voulons et le décidons, et ceci jusque dans les obligations que nous impose toute guerre.
La prétendue guerre sociale que mèneraient les milieux autonomes consiste en fait pour l’essentiel à conserver des modes de vies, à conserver les acquis du libéralisme politique et social. Ni plus ni moins. La dégénérescence dans l’apolitisme, le copinage et l’idéologie, font que des décennies de luttes défensives passent maintenant aux yeux des jeunes générations pour des pratiques offensives. On vit alors sur le pays, au lieu de produire des moyens adaptés aux nouvelles conditions de luttes. Au lieu de porter le message au-delà du ghetto, on cultive un quant-à-soi mortifère et familialiste. Ainsi, il existe des communautés de survie, des communauté de l’estomac, mais pas de communauté de pensée, de communautés politiques.
C’est à qui aura le pognon et les relations pour s’instruire, voyager, vivre des expériences « émancipatrices ». Ce sont des milieux entièrement adaptés aux besoin d’un certain type de consommateurs, des consommateurs contestataires, marginaux, prétendument « subversifs », et issus majoritairement des classes aisées.
Et qui prennent leur confort affectif et social pour des libertés estimables. Que le monde entier devrait défendre.
Ultime privilège : ce sont aussi des consommateurs qui n’ont aucune obligation de résultats en matière de guerre sociale. La vérification collective des hypothèses, leur réfutation éventuelle est toujours évitée.
Il ne faut pas désespérer les bonnes volontés ! Il est vrai que l’auto-critique n’est possible que dans les conditions d’une grande santé ! Tout organisme faible et dégénéré ne supporte pas l’auto-critique. Nos « subversifs » en sont là !
Plutôt vivre dans l’illusion d’une efficacité pratique que de réviser collectivement des critères miraculeusement préservés de toute critique.
La procédure collective de vérification des pratiques est pourtant le seul accès de tous à la connaissance des résultats, la condition même d’un accroissement de l’intelligence pratique collective.
Il existe des moyens, qui ont structuré, organisé, distingué, spécifié les savoirs collectifs des luttes et des pratiques de luttes : écoles, cercles de formation, tous publics, ouverts aux prolétaires, implantés dans toutes les strates de la société et pas seulement dans les universités et les librairies de gauche. Lieux de regroupements collectifs, structures fédératives nationales et internationales. Revues théoriques, critique culturelle, activités sociales de politisation au plus près des besoins des prolétaires.
Nos milieux sont-ils capables de se doter de tels moyens ? Non. C’est qu’à force d’isolement social et politique, d’enfermement dans des modes de vie marginaux, ils manquent maintenant de ressources.
Seule une implantation sociale conséquente dans les classes sociales prolétariennes permettrait cet apport de ressources et d’intelligence sociale.
Mais nos « subversifs » tiennent-ils réellement à sortir du ghetto ?
Il ne suffit donc plus de faire usage des moyens existants, « libre à chacun », « selon les goûts de chacun », pour « faire quelque chose », quelque chose de réellement offensif.
En effet. Il ne suffit pas de « faire » comme ils disent, pour « faire quelque chose ». Encore faut-il construire une perspective d’ensemble, comparer les avancées et les reculs, les succès et les échecs, la progression ou la régression territoriale d’une pratique, d’un antagonisme social.
La « pratique » constitue, à son tour, une expérience. De cette expérience, on tire des enseignements. Une « pratique », dont on ne tire aucun enseignements, est une mauvaise pratique, une pratique débile pour débiles.
En outre, la pratique doit être comparée, critiquée, améliorée. Encore faut-il en avoir les moyens.
La théorisation de la pratique est donc une pratique elle-même vitale…pour toute pratique qui recherche l’efficacité !
Mais tout cela, sans doute, passe au-dessus de la tête de nos camarades, qui se contentent de « faire pour faire », comme d’autres pratiquaient « l’art pour l’art ».
C’est ici qu’il faut interroger le sens réel des pratiques du « faire pour faire » : quel résultat y est réellement recherché : une satisfaction immédiate et narcissique, isolée et subjective, ou un accroissement de puissance collectif, perceptible dans les rapports sociaux quotidiens ?
Les camarades les plus conséquents savent que l’isolement est mortel. Cela, la pratique contre-insurrectionnelle ne cesse de le mettre en avant. Couper les subversifs de la population, les isoler, et enfin les « nettoyer » : telle est la manoeuvre, le savoir-faire de la contre-révolution.
On comprend mieux pourquoi nos marginaux sont des rigolos, que leur prétendus modes de vie ne sont que des objets de consommation.
Tous les moyens employés doivent donc avoir pour but de rompre impérativement l’isolement de nos pratiques et de nos idées.
On mesurera l’efficacité réelle de nos pratiques à l’aune de leurs résultats en ce sens. C’est l’objectif que doivent commencer à poursuivre les camarades pour la période 2011-2012. Avec obligation de résultats, positifs.
Il ne s’agit pas de seulement de faire connaître les « idées » anarchistes et communistes, comme le croient les habituels crétins d’une pratique pavlovienne et fossilisée. Il ne s’agit pas de nous adresser aux gens « instruits ». Mais de populariser, socialement, dans les quartiers populaires, dans les cités dortoirs, le communisme et l’anarchisme.
Comment ?
En tirant parti des contradictions sociales locales. Elles ne manquent pas. Ou alors la pseudo-radicalité française végètera dans le milieu social réactionnaire des petits propriétaires, des petits commerçants, des intellectuels d’Etat, des étudiants, bref des héritiers fragilisés par la crise actuelle du capitalisme. Ce qui revient à se soumettre au nationalisme de type soralien dans les quartiers populaires.
Il faut démontrer partout dans la société en quoi l’anarchisme et le communisme sont des pratiques sociales supérieures au capitalisme, et pourquoi ils peuvent être des moyens d’émancipation réelle pour tous les prolétaires actuellement individualisés.
Ici encore, ce ne sont pas les modes de vies marginaux et communautaires qui peuvent servir d’exemples concrets. Faire de la propagande consiste donc à diffuser nos pratiques et nos idées en réseaux toujours plus vastes et ramifiés, avec une qualité de contenus toujours vérifiable, la richesse des productions théoriques doit toujours être plus haute, plus évidente. La subversion doit bousculer, brutaliser, contraindre, convaincre toutes les sphères de la société.
Il faudra se battre physiquement dans les quartiers populaires pour faire respecter nos idées et nos pratiques. Tout ne passera pas par des projections-débats pacifiques et des émeutes communes. Il faudra aussi se battre pied à pied contre les caïds de la drogue et de la religion. Bref, agir en combattants. Et non attendre que cela tombe tout cuit dans nos gosiers.
Si on persiste dans le soi-disant usage libéré des moyens, sans produire de nouveaux moyens adaptés à la situation nationale et internationale, les moyens ne resterons que de simples supports identitaires, donc ridicules car essentiellement destiné à un public de consommateurs de classe moyenne. Et l’écart entre ce que nous voulons construire et ce que nous construisons effectivement, persistera.
Certains posent en vétérans de la subversion car ils ont tellement individualisé leur propre pratique que les satisfactions narcissiques qu’ils en tirent leur suffisent. Mais ils ne sont pas parvenus à rompre leur isolement et leur nullité historique est de plus en plus avérée.
Par conséquent, l’usage libéral, individualisé, tel qu’il existe spontanément parmi nous, c’est-à-dire, le conditionnement immédiat qui impulse les pratiques individuelles, ne tient pas compte de l’évolution sociale des rapports de forces, du degré de violence en jeu et trouve son origine dans un tout autre besoin que l’efficacité : la satisfaction de type narcissique, l’assouvissement d’un besoin moral et psychologique, non l’obtention collective de nouvelles conditions tactiques et stratégiques.
En d’autres termes, certaines pratiques dans certaines conditions, sont inadéquates à nous faire sortir du ghetto, à élargir notre base sociale, à populariser l’anarchisme et le communisme dans les mondes sociaux prolétaires. Elles ne sont que des variantes comportementales d’un libéralisme exacerbé, quel que soit par ailleurs leurs contenus idéologiques, leurs prétentions subversives.
Il existe, certes, des individus qui ne tiennent pas à « populariser » l’anarchisme et le communisme, qui, de facto, en deviennent les propriétaires, qui vivotent de petits sabotages en cercles affinitaires. Mais ceux-là ne sont que la survivance d’une tradition bien française qui ne surmontera pas les conditions de l’époque présente, une survivance qui est déjà en voie de disparition. C’est aussi ce qui guette toute pratique qui ne parvient pas à rompre son isolement social.
L’époque présente impose au contraire une rationalisation des pratiques collectives, une coordination politique de type nationale pour vaincre l’atomisation.
Tenir réellement compte de l’évolution sociale des rapports de force c’est faire de la sortie du ghetto une priorité. Car plus les conditions sociales se radicalisent, plus l’atomisation fait des ravages, y compris dans nos milieux. Seuls ceux qui ont fait de ces milieux un bac à sable touristique d’expérimentation ludique prendront cette question à la légère. Comme d’habitude.
Quant à ceux qui ont à coeur de vouloir sortir du ghetto, qu’ils ne croient pas abusivement que la discussion interminable est une solution. Il faut aussi savoir prendre des décisions et s’y tenir.
Savoirs collectifs, intellectuel collectif, politisation interne du mouvement
Il est certes plus facile de faire des chantiers, du bricolage et des concerts de soutien que de créer nos lieux de formations permettant une circulation collective du savoir.
L’anti-intellectualisme, très présent dans nos milieux, est un reste d’idéologie populiste bourgeoise, le résidu d’une entreprise de décervelage systématique des prolétaires au nom d’un réalisme social qui n’est qu’une apologie masquée de la condition prolétarienne.
Or, la suppression du prolétariat est le but de toute révolution. En d’autres termes toutes les formes apologétiques de la misère existante, prolétarienne ou non, sont à combattre comme mythes sociaux au service du maintien de la société divisée en classes.
Nous n’avons pas à promouvoir l’ignorance et le manque d’instruction dans nos rangs mais encore moins chez les pauvres. Il n’y aucune fierté à tirer d’une carence. La communisation permet à tous l’instruction.
Mais chez nos « subversifs » expérimentés, il paraît que moins on étudie les théories existantes ou moins on est capable d’exprimer une position théorique et politique, plus on est engagé dans des pratiques intelligentes.
La pratique réelle démontre au contraire que moins l’on dispose d’instruments d’analyse des pratiques, moins on en fait usage, plus les pratiques se figent en activités séparées, deviennent des fins en soi, et finissent par s’imposer comme des attributs identitaires totalement déconnecté des besoins réel d’un mouvement subversif.
Il ne suffit pas de savoir construire une maison, encore faut-il savoir l’habiter.
L’anti-intellectualisme n’est qu’une justification esthétique de la division sociale du travail, en travail manuel et travail intellectuel. Les plus débiles d’entre nous reprennent et justifient cette division quand ils ne veulent pas « se prendre la tête ».
Dans la même veine populiste droitière, on faisait autrefois l’apologie du bon sens ouvrier ; comme aujourd’hui on exalte le spontanéisme des « classes dangereuses », spectaculairement offensif. Mais le spontanéisme, comme toute chose, à un prix. Et ce ne sont pas nos révolutionnaires de classe moyenne qui en paient le prix fort.
Toujours dans la même veine, on en vient même, chez les consommateurs contestataires de classe moyenne, à encenser l’illettrisme, stigmate d’une authenticité populaire. On s’habille en clochard pour faire peuple, on parle peuple. La comédie est bien rodée et dure le temps d’une prolongation de l’adolescence.
On se garde bien d’exister socialement dans les quartiers populaires mais on écoute du rap, la musique de la révolte urbaine. Et dès qu’on voit une bande de rue, on tremble.
Comme il est facile d’être « anarchiste », « communiste », « subversifs », « émeutiste », « féministe », « anti-raciste », etc., entre gens d’une même classe, de même condition sociale !
Dans un autre registre, celui de la pensée : on fustige la pensée universitaire, on se croit plus proche du « concret », on est pas des « intellos », on prétend développer une pensée collective autonome en publiant des textes et des brochures qui ne dépassent généralement pas le niveau du gauchisme le plus éculé, on ne crée rien de neuf mais on puise dans les archives du mouvement ; on publie brochures et textes dont personne, ou presque, n’à rien a en dire de vraiment substantiel.
On prétend diffuser une « pensée » tellement autonome que les individus restent livrés à eux-mêmes, ne disposent d’aucun instrument d’analyse des pratiques, n’ont quasiment, au cours de réunion éprouvantes de connerie, rien à dire, sinon leur propre dépit, ou leur inconfort face à un mode de communication qu’ils jugent oppressant.
On s’en remet donc, aux conditions existantes d’accès au savoir. Ces conditions sont précisément celles du capitalisme, du savoir séparé, émietté. Certains, plus audacieux, affirment se satisfaire de leur expérience partielle et séparée pour lutter. Toute cette merde libérale contamine nos milieux, et nos pratiques.
Il n’est pas difficile de deviner ce qui nous attend, dans une société ultra-violente, où le combat politique va de plus en plus s’apparenter à une lutte à mort entre capitalisme libéral et capitalisme autoritaire.
Chaque année, chaque mois, nous avons les preuves physiques, matérielles, sociales, de notre écrasement parce que nous ne sommes pas parvenus à sortir de notre isolement.
A moins de s’en remettre, tactiquement et stratégiquement, à l’insurrection des classes moyennes, insurrection réactionnaire, de défense des acquis de la petite-bourgeoisie française, de la petite propriété et du petit commerce. A moins que nous fondions nos espoirs sur cette insurrection de défense des rapports capitalistes nationaux, comme une occasion d’exister en tant qu’animateurs de radicalité dans les rues des métropoles, et tout cela, au profit de la gauche et de son retour au pouvoir. Au nom de l’anti-sarkozysme.
C’est, d’après certains camarades, ce qui devrait nous servir de « politique ».
Palabre et parole directe
Alors voilà donc le résultat le plus éminemment « concret », apparent, de cette pratique de l’intelligence collective qui sévit chez nos révolutionnaires, à quoi servent réellement les publications : les forts en gueules monopolisent la parole dans les réunions, oppressent ainsi d’autres autonomes dont l’autonomie consiste à revendiquer une distribution plus équitable de la parole.
Plutôt que de formuler des contenus, la misérable culture sous-politique s’attardera sur la forme de la communication, au nom du droit de tous à la parole.
Ainsi, on a pu assister des centaine de fois à de ces spectacles où des pleurnichards se plaignent d’être privés des moyens de s’exprimer… et qui n’avaient rien à dire sur l’objet de la réunion !
Poursuivons. Des gens qui bénéficient de moyens de se cultiver supérieurs à tout ce que peuvent espérer la majorité des prolétaires, qui ont fait des études, qui savent lire et écrire, qui consomment régulièrement de la littérature, qui « voyagent », qui publient et diffusent des textes, qui prétendent mener la critique en acte de la société capitaliste, eh bien ces gens…se disent privés des moyens de s’exprimer et n’ont rien à dire !
La réunion, l’assemblée, la palabre, quel que soit son nom, est le lieu par excellence du conflit social, de la politisation la plus consciente, de la prise directe de tous sur les conditions de l’organisation sociale. Et nos pleurnichards attendent qu’on leur serve sur un plateau d’argent cette liberté d’expression ! Et ils s’étalent en ragots, en cancans, dans leur petits comités.
C’est qu’en fait, ces gens n’ont fondamentalement rien à dire en public, qu’ils méprisent l’intelligence collective, qu’ils privilégient les formes réduites, familialistes, étouffantes, de mise en commun de la parole : la bande.
C’est dans la bande qu’ils pourront dominer, profiter, tirer jouissance des ressources individuelles et affectives forcément partielles, limitées, isolées, voire paumées. Sous le contrôle du collectif, de tels individus sont neutralisés.
La manipulation de type privée peut être contre-carrée publiquement ; elle l’est rarement dans les groupes restreints, où l’affectif, le fantasme, le narcissisme font la loi.
Voilà en quoi consiste la liberté de parole de ceux qui se disent privés de parole dans les réunions : maintenir la parole enfermée dans la sphère privée, privatiser la politique, en faire une affaire privée : tout réduire à l’état de merde libérale, de choix de vie, d’expérimentation libérale de la liberté, etc.
Car s’exposer publiquement c’est aussi s’exposer aux critiques, c’est assumer la violence des échanges, du conflit. Or ceux qui méprisent les tentatives d’une parole commune, ou qui n’en ont qu’une vision idyllique, ne veulent pas risquer de voir leur petit pouvoir critiqué et balayé par quelques vérités bien senties.
C’est toujours ainsi que cela se passe avec ceux qui vous reprochent votre agressivité au lieu de vous rejoindre sur le fond, ou même de vous critiquer, arguments à l’appui. Mais le fait que ces gens bénéficient d’un certain confort social grâce à l’agressivité des rapports sociaux capitaliste ne leur pose aucun problème.
La communication libérale, atomisée, séparée convient parfaitement à un type de subjectivité sociale que le capitalisme a produit : la subjectivité libérale, y compris « subversive », contestatrice ». Que de prétendus « anarchistes » y reconnaissent le milieu « naturel » de leur liberté, rend suspects ce « milieu » autant que ces « libertés ».
En effet, beaucoup de libéraux se déguisent en anarchistes pour justifier leur « je fais c’que j’veux ».
Tout ce que cela prouve, c’est que la forme actuelle de la diffusion du savoir, dans les milieux, communautaires, affinitaires, ne parvient pas à former des individus politiquement autonomes, capables de prendre la parole dans les réunions internes et publiques, de défendre des positions, d’en combattre d’autres, de contribuer ainsi au débat vivant, du mouvement et à son expansion.
Tout cela prouve du même coup que les individus qui font du travail manuel, de la participation aux travaux domestiques, de la « débrouille » et de la survie, le centre de leur existence, ne font que déléguer leur pouvoir à des spécialistes de la politique et de la subversion.
Quoi d’étonnant à cela ?
Quand l’économie, le domestique, dominent à ce point les priorités collectives, pourquoi faudrait-il s’attendre à une élévation du niveau politique des communautés et des milieux ?
Nous prétendons combattre partout l’hégémonie de l’économie et nous acceptons, au nom de la réappropriation de certaines pratiques, de voir l’économie nous dicter nos priorités en matière de modes de vies, d’intervention dans les luttes.
La spécialisation n’est que la conséquence la plus visible de cette domination absolue de l’économie sur nos vies.
Spécialisation de la pensée et de la politique que nous avons encouragée, par facilité, acceptant donc de déléguer en ces domaines, un pouvoir dont on ira ensuite se plaindre d’avoir été dépossédés par l’université, l’intellectuel de profession, le politique et le révolutionnaire professionnels.
L’inconséquence de ces comportements commence à être pesante, et visible. On ne pourra pas éternellement se cacher derrière des « ça me prend la tête ».
Pour l’heure, ce que démontrent les faits objectifs, au niveau national, c’est que l’évolution en cours, historique et politique, de ces milieux communautaires de survie, de ces pratiques affinitaires de « subversion », ne débouche pas sur une politisation efficace des rapports sociaux capitalistes mais à un renforcement du petit ghetto autonome, à un enlisement toujours plus profond dans la dimension domestique de l’existence ; domesticité de l’existence qui entretient un faible niveau de politique entre camarades laissant la place à la psychologisation généralisée des rapports sociaux.
Psychologisation dont nous ne pouvons plus faire l’impasse, parce qu’elle noyaute et détermine désormais toutes les pratiques et tout les contenus. C’est donc aussi avec les catégories de la psychanalyse que nous devons critiquer les pratiques existantes.
En un mot, pour contrer un apolitisme enrobée d’idéologie, qui ne peut déboucher que sur une subversion abstraite et essentiellement moralisante des rapports sociaux, il faut démontrer le lien intrinsèque, psychique, de la « subversion » avec le libéralisme culturel (les conduites « transgressives ») et démontrer que la neutralisation de la subversion n’est possible qu’à partir du moment où les conditions sociales atomisées, la jouissance et la satisfaction narcissiques, passent pour des symptômes d’émancipation sociale.
Le débat ne fait que commencer.
« Hors du Parti point de salut », voici tout le « contenu » de ce texte caricaturalement autoritaire. Bordiga, sors de ce corps !
« Hors du Parti point de salut », voici tout le « contenu » de ce texte caricaturalement autoritaire. Bordiga, sors de ce corps !
Hors de Max la menace, point de salut, voici tout le contenu caricaturalement libertaire de son intervention. Maurice Joyeux sort de ce corps !
Ce texte a le mérite de poser une bonne question : est-ce en menant des actions individuelles, en agissant de façon « exemplaire » chacun dans son coin, en défendant constamment le droit pour chacun de faire ce qui lui plaît comme il lui plaît, que l’on peut instaurer un rapport de force avec la bourgeoisie ?
Le constat fait par ce texte est particulièrement sombre, c’est peut-être ce qu’on peut lui reprocher ; cependant les AG, assemblées populaires, rassemblements, cercles de discussion et d’action se multiplient et nous offrent des perspectives à creuser. Et pas seulement en France.
Au passage, se réunir et discuter ne signifie pas créer un parti, ni devenir bordiguiste ! Heureusement !
Il n’est pas question dans ce texte de simplement « se réunir et discuter » comme le croit notre Candide, mais bien, pour qui sait lire, de « se constituer en communautés politiques, de dimension nationale (!) et internationale », « d’intervenir sur les luttes de pouvoir », de « mener une guerre » (ce qui « impose » des « obligations »), de « formaliser les moyens collectifs de création de l’intellectuel collectif » (!), « d’instaurer des formes d’apprentissage collectives de l’action politique et militante », d’instaurer une « procédure collective de vérification des pratiques » (!), de fonder « une coordination politique de type nationale » (!), de « neutraliser » (!) « sous le contrôle du collectif » on ne sait quels « individus » qui n’auraient « rien à dire » (!), de traiter en « suspects » les « prétendus anarchistes » qui voudraient défendre entre autres leur « liberté d’expression », cette « merde libérale », etc., etc.
Bien du plaisir en tout cas à tous ceux qui seraient tentés par ce « communisme-anarchisme » de caserne, et bon courage à ceux qui voudraient passer à la pratique en allant « se battre physiquement dans les quartiers populaires pour faire respecter [ces] idées et [ces] pratiques » ! Bande de rigolos !
Ce n’est pas parce qu’on n’est pas forcément d’accord avec la réponse qu’il apporte que la question posée est mauvaise. En tout cas, je suis d’accord qu’on peut la poser.
Maintenant, c’est sûr que si la réponse qu’il apporte est de reconstruire un parti bourgeois comme ceux qui existent déjà, ça n’a pas de sens et ça ne tient pas compte des leçons de l’histoire. Mais il n’y a pas forcément tout à jeter dans la réponse apportée par ce texte… On peut le critiquer sans considérer qu’il soit faux du début à la fin.
La discussion part en latte là, mais vu comment le texte de départ était incriminant et cherchait la merde, c’est peut-être pas étonnant. Mais, en tout cas, vive les approfondissements, et à bas les querelles à deux francs cinquantes.
Si vous voulez vous embrouiller à un tel niveau, retrouvez-vous dans la rue et tapez-vous sur la gueule. Si l’état bourgeois a interdit les duels, c’est p’t’être bien que c’était trop cool pour lui. Mais Indymedia n’est pas un défouloir collectif pour nos frustrations diverses.
Ce texte est effectivement dérangeant car il désigne des tares réelles. On peut comprendre pourquoi beaucoup de gens ont intérêt à dévier la discussion sur des aspects secondaires. C’est le propre des textes qui font mouche que de susciter ce genre de réactions.
retrouvez-vous dans la rue et tapez-vous sur la gueule. Si l’état bourgeois a interdit les duels, c’est p’t’être bien que c’était trop cool pour lui
« bon courage à ceux qui voudraient passer à la pratique en allant « se battre physiquement dans les quartiers populaires pour faire respecter [ces] idées et [ces] pratiques » ! Bande de rigolos ! »
et toi ducon, tu prétends pouvoir vivre librement à l’ombre des rackets de la drogue et de la religion? C’est toi le rigolo.