POUR AUTANT, LE NUCLÉAIRE N’EST PAS UNE MANIÈRE DE PRODUIRE DE L’ÉNERGIE COMME UNE AUTRE. Bien plus qu’un simple fournisseur, il induit de nouvelles formes d’organisation et de gestion des populations par l’Etat, ses auxiliaires et ses annexes. Il entérine encore un peu plus les formes d’organisation sociales, politiques et économiques existantes. Loin de la simple contre-expertise, le constat est à faire que l’apparition du nucléaire civil ou militaire pose de multiples questions quant à ses implications directes et indirectes. En effet, une société nucléarisée, pour exister, a d’absolues nécessités. Celles-ci sont économiques, scientifiques et militaires.

LA PREMIÈRE D’ENTRE ELLES EST QUE LA MISE EN PLACE D’UNE INDUSTRIE sous-tend évidemment une forme d’organisation économique qui puisse lui permettre de disposer de main d’oeuvre, l’extraction de l’ensemble des matières premières, d’entreprendre de grands travaux de voirie, de construction, de pouvoir gérer des populations, etc. En bref, la misère et l’exploitation quotidiennes. En cela, le nucléaire n’a rien d’exceptionnel.

LA QUESTION MILITAIRE DE LA SOCIÉTÉ NUCLÉARISÉE prend tout son sens au vu des débats scientifiques et politiques autour des déchets, du risque et de l’irradiation. Et c’est en cela que le nucléaire est spécifique. Les déchets qu’ils soient enfouis, recyclés dans l’armement ou dans des projets de nouvelles énergies, restent une menace constante dont nul ne sait réellement ce qu’il est possible de faire pour s’en débarrasser ou les gérer durablement. Malgré les quelques accidents dans les centrales, le nucléaire et les risques qu’il induisait furent longtemps cachés, minimisés. Tout comme les risques d’irradiation pour toutes les personnes travaillant dans la mise en place et le maintien de cette industrie. Des gisements aux centrales, de leur construction à leur entretien.

DEPUIS HIROSHIMA, CES RISQUES N’ÉTAIENT PERÇUS QUE D’UN POINT DE VUE MILITAIRE. Les irradiés n’étant alors que des victimes de guerre et les populations exposées aux irradiations dues aux essais de bombes nucléaires dans le pacifique, le Sahara, le Penjab ou ailleurs, de simples dommages collatéraux.

L’ACCIDENT DE TCHERNOBYL FUT L’UN DES TOURNANTS dans la politique menée par les gestionnaires du nucléaire. Un temps nié, le risque devenait réalité, palpable par la dimension de la contamination, par l’existence d’humains en zones contaminées, par la gestion d‘une survie et le confinement. Loin de calmer leurs ardeurs, les défenseurs du nucléaire mandatèrent une somme de scientifiques afin d’examiner la situation et d’en tirer des conclusions allant dans le sens d’une continuité des programmes nucléaires existants. Bien plus que faire accepter la simple présence du nucléaire, les nouvelles politiques en la matière se sont tournées vers le contrôle des populations exposées. Ces dernières années, les exercices de simulation se sont multipliés sous couvert de rassurer les populations potentiellement exposées, ces politiques visent à l’acceptation d’une vie en zone contaminée. Des hordes de scientifiques, de médecins et de militaires sont mobilisés. Les uns pour nous expliquer qu’il est possible de survivre et de continuer à vivre dans ces conditions. Les autres pour nous faire comprendre les armes à la main que le choix n’est laissé à personne. Accepter une longue agonie ou être tué, accepter de continuer à être un des rouages de ce monde qui nous consume ou le quitter. Pas besoin d’aller en Biélorussie, le projet de l’EPR ( European Pressurized water Reactor) à Flammanville prévoit l’inondation des marais alentour en vu d’un meilleur confinement des habitants de la région contaminée en cas d’accident. Simple sacrifice humain sur l’autel des choix économiques et politiques.

LE NUCLÉAIRE NE PEUT EXISTER SANS UNE PLUS GRANDE MILITARISATION DE NOS VIES, SANS UN PLUS LARGE CONTRÔLE DE L’ETAT ET DE SES SCIENTIFIQUES SUR NOS EXISTENCES. IL N’EXISTE DE CRITIQUE DU NUCLÉAIRE SANS REMISE EN CAUSE DE LA SOCIÉTÉ QUI LE PRODUIT. IL N’EXISTE PAS DE LUTTE CONTRE LE NUCLÉAIRE SANS DESTRUCTION DE CETTE SOCIÉTÉ.