Partout : deuxième lettre de dan depuis la prison de la santé
Catégorie : Global
Thèmes : Immigration/sans-papierEs/frontieresPrisons / Centres de rétention
Partout : deuxième lettre de Dan depuis la prison de la Santé
« Peu importe de marcher quand on a des ailes pour voler »
Comme toujours, alors que le pouvoir nous promet l’apocalypse en tentant de couper court à toute velléité de transformation sociale des rapports à coups d’incarcérations, de harcèlement judiciaire, d’interdictions de communiquer et de dispositifs de surveillance aux ridicules prétentions d’omnipotence, la lutte continue et les rencontres brisent l’isolement de ceux que l’on cherche à écraser en silence ; car dans un monde de dominations, la liberté et son combat ne peuvent que rompre ce silence de mort qu’ils souhaiteraient voir régner parmi ceux pour qui cette vie de servitude est insoutenable.
Dans la révoltes à l’intérieur des prisons pour étrangers à travers l’Europe [1] comme dans les mouvements insurrectionnels massifs au Maghreb et au Moyen-Orient, sonne le même cri de colère : la liberté entière, immédiate et inconditionnelle.
Partout la volonté de faire sauter la dernière arche, partout les mêmes cris de rage, partout ce même amour de la vie. Mais partout aussi les sirènes hurlantes de la répression, le bruit des clés dans les portes blindées, le coup de marteau cinglant du juge qui te prive de ta liberté, le coup de matraque du flic qui vient stopper ton élan, le coup de feu assourdissant du militaire qui vient transpercer tes rêves ou le coup de tampon du préfet qui te reconduit à la frontière.
Partout s’oppose à la lutte contre l’existant, l’arsenal du statu quo, qu’il soit juridique, militaire, politique ou citoyen. On brise, on isole, on désigne. « Terroriste », « criminel », « marginal », « déséquilibré », « saboteur », « clandestin », « despérado », « extrémiste ».
Quelle soit démocratique ou dictatoriale, partout l’usine à gaz judiciaire et policière sévit là où elle sent que son règne s’effrite, partout où la haine rentrée de l’oppression éclate au grand jour, se partage et se transforme en une joie incontrôlable, celle remplie des rires et des larmes de bonheur des bienheureux brisant leurs chaînes, poignardant l’ennui d’une morne vie ; l’échine courbée dans un atelier, l’esprit enfermé dans un 17 mètres carré, les mains attachées dans un commissariat dégueulasse ou les poches vidées dans un étal de marchandises convoitées.
Alors ça vole, ça pille, ça rigole, ça réapprend à courir pour de bonnes raisons, ça tire la langue,ça refuse et ça jette des pierres là où l’on souhaiterait nous voir prostrés dans la frustration d’une vie sans vie, trop courte, trop longue. Dans le faux décorum d’une paix sociale négociée par d’autres que nous.
Mais la beauté se trouve du côté de ceux qui se révoltent.
Dans une période de « crise » où les gens ont de moins en moins de choses à perdre, le pouvoir ne peut que craindre tout élan de liberté réelle. Je ne parle pas des éternelles Cassandres de la gauche, qu’elles soient parlementaires ou de Tarnac [2] ; je ne parle pas de toux ceux ceux qui voudraient nous faire croire que pour se débarrasser de tout pouvoir, il faudrait d’abord y accéder, ni de tous ceux qui pensent qu’il faut se contenter des armes que nous concèdent ceux au pouvoir pour mener nos luttes, non, ne soyons pas si pessimistes et résignés.
Soyons infidèles, incontrôlables et ingouvernables.
Il paraît clair, en ce qui me concerne, qu’Olivier et moi ne sommes pas en prison pour quelques tags, ni même pour un non respect d’obligations judiciaires, nous sommes incarcérés en raison d’un rêve que nous portons profondément dans nos coeurs, l’absence totale d’autorité, la volonté de combattre la mort qu’est cette vie que l’on veut nous faire endurer, et parce que nous n’avons jamais hésité à prendre la rue pour en discuter, pour exprimer ces désirs de liberté à tous ceux qui voulaient bien en discuter avec nous et les partager. Nous sommes incarcérés pour ce que nous sommes, non pas pour ce que nous avons ou aurions fait, ce ne sont que des prétextes.
Le fait que tout continue, que les discussions, tables de presse, débats, nouvelles rencontres et actions ne fassent que se multiplier depuis nos arrestations montre bien que pour étouffer nos révoltes et nos solidarités, les pouvoirs en place et le pouvoir en général ne pourront qu’abdiquer ou être détruits, et les dernières révoltes dans les pays arabes nous montrent aussi que ce désir est plus fort que les balles, aussi vrai qu’il voyagera toujours à travers barreaux et panoptiques.
Spéciale dédicace à tous ceux qui, en Libye comme ailleurs, jouaient en cachette aux fléchettes sur les portraits de leurs oppresseurs et qui aujourd’hui jouent avec d’autres armes, et le rire aux lèvres.
Une autre pour tous ceux qui ne restent pas au chaud malgré la répression, rage et courage !
Ni patries, ni frontières, ni nations.
Ni justice, ni paix.
Liberté. Partout !
4 mars 2011, depuis la Maison d’Arrêt de La Santé,
Dan
PS : Vous pouvez toujours m’envoyer vos pensées, de la manière que vous estimerez la plus adéquate, et notamment par courrier en français ou anglais à : Sayag Daniel – n° 293350 – 42 rue de la Santé – 75 674 Paris cedex 14
[1] … comme par exemple à Vincennes près de Paris, Gradisca, Trapani, Turin et Modena en Italie, ou Steenokkerzeel à Bruxelles, où les sans-papiers enfermés en centre de rétention se sont révoltés fin février, incendiant leurs cages, s’évadant et saccageant le mobilier.
[2] Cf. la proposition des « 10 de Tarnac » adressée à la bourgeoisie dans son journal préféré, Le Monde du 25 février 2011, où ils proposent à Sarkozy de s’exiler dès maintenant (mais aussi où ils tentent encore une fois de récupérer des camarades et compagnons, tout en minimisant à chaque fois les faits que l’Etat reproche à ces derniers, et en les sortant de leur contexte de lutte).
2+1, ça fait 3.
Pourquoi y’a écrit sur tous les sites (ici, Indy-Grenoble, Même pas peur, Brèves du désordre…) que c’est sa deuxième lettre publique alors que deux autres ont déjà été publiées auparavant ?
Hmmm ?
http://nantes.indymedia.org/article/23029
Je sais, ce n’est pas très important, c’est juste un peu ridicule.
un peu declamatoire et poseur…. avec bon point et mauvais points (les mechants tarnac par
exemple, vous vous rendez compte ils ecrivent dans le monde, moi je suis un vrai
je poste sur indymedia…). Toujours la course à la radicalité, on dirait une cour d’école.
J’en ai rien a foutre des tarnacs mais c’est marrant, et bien curieux, de devoir se positionner par rapport a eux.
et arretez de penser que l’etat tremble. Il réprime, c’est tout, vous et beaucoup d’autres,
enfin surtout « beaucoup d’autres », et pas qu’a belleville ou montreuil, l’alpha et l’omega de certains….
Quand poserez vous des questions pertinentes sur ‘la propagande par le fait’ que
vous semblez privilégier ? Personne n’ira pleurer un distributeur ou une vitrine, au contraire
mais vous espérez quoi, un effet d’entrainement ??? A ce demander si vous
bossez pas en sous main pour un syndicat occulte de vitrier ! Je renvoi aux débats
d’il y a plus d’un siècle sur la propagande par le fait, et d’ailleurs j’imagine que vous les connaissez.
Je pense qu’elle a été abandonné en partie a cause de la répression, mais surtout pour des
questions tactiques.
Bien sur la répression ne doit pas empêcher l’action, mais y’aurait pas une réflexion tactique à adopter ?
Faire de la taule pour quelques vitres et tags ça immobilisent les militants, qui meme sorti
sont tricard car connu et surveillé (vous en etes la preuve). Ensuite ça mobilise le milieu, bcp des
« événements’ devenant des concerts/manifs de soutien, et pendant ce tps la on n’est pas ailleurs sur
d’autres luttes. Je ne dis pas qu’il ne faut pas etre solidaire, mais comme personne n’a rien à dire sur
les modes d’actions des uns et des autres, après on se retrouve de fait solidaire de modalité d’action
choisit par d’autres et sur lesquels on n’a pas d’emprise. Demain, je vais aller me faire plaisirs et aller
dans un comico droiter un flic, et après j’irais en taule et vous ferez des concerts de soutien pour
que je puisse cantiner. Personne n’aura le droit de critiquer mon action, et tout le monde se devra d’etre solidaire. MAis qu’aura gagné « la cause » ?
Vous citez les révoltes tuinisiennes ou egyptienne en exemple, mais même si ces pays ont tjrs eu
des résistants qui prenaient tous les risques, les révolutions qu’il y a eu la bas ne leur doivent rien.
Trouvez moi à travers l’histoire une seule révolution qu’on peu lier directement dans sa généalogie à des petits groupes affinitaires menant des « luttes d’avant garde » qui auraient servi de modèle ?
C’est mon avis, et il sucitera forcement son lots d’insulte. Mais SVP posez au passage des questions
pragmatiques sur les modalités de lutte, et pas trop déclamatoire si possible du genre, « Notre soif de liberté
est incommensurable et l’Etat tombera en lambeau sous la masse de nos assauts microscopiques qui ensemble créeront un torrent de désir triomphant qui abattra l’oppression généralisée de nos coeurs et de nos vies…. »
Par exemple : faire de la taule pour des tags démontrent bien le poids de la repression, en conséquence
comment fait-on pour diffuser nos méssages sans la subir ? Les tracts c’est pour les nuls (?), tout le monde en fait,
le tag c’est mieux ? Si le message tagué avait été collé via une affiche, la repression aurait été la même ? Pas sur.
La diffusion du message aurait été le même ? Oui, un message tagué ou collé c’est la même, la repression non.
Vous pouvez répondre ‘ »t’es un lache tu fuis l’affrontement », comme ceux qui disent « vos prisons seront nos
universités »… Super, la prison c’est super dans le CV du militant radical….
Elles sont quand même un peu nases ses lettres. Peut-etre qu’il faudrait lui dire de raconter un peu autre chose. En tous cas bon courage à lui!
S’il y a bien quelque chose à reprocher aux gens de Tarnac, c’est d’avoir lancé la mode des lettres publiques d’inculpés…
Quand on lit ce genre de lettre on se dit qu’on s’en passerait bien…
Le renouveau du romantisme révolutionaire dans les années 70 a été une plaie, mais il échappait (tant bien que mal) au ridicule en étant lié à des actes à peu près à la hauteur de cette posture.
Aujourd’hui il semble que n’importe qui puisse déclamer ce genre de lyrisme à deux sous : « partout où la haine rentrée de l’oppression éclate au grand jour, se partage et se transforme en une joie incontrôlable, celle remplie des rires et des larmes de bonheur des bienheureux brisant leurs chaînes, poignardant l’ennui d’une morne vie ».
Quant à ce genre d’affirmation : « Olivier et moi ne sommes pas en prison pour quelques tags, ni même pour un non respect d’obligations judiciaires, nous sommes incarcérés en raison d’un rêve que nous portons profondément dans nos coeurs », c’est assez repésentatif du genre d’aveuglement que peu provoquer le confinement dans le milieu anarchiste.
Non désolé les gars, si la police s’en prend à vous ce n’est pas du fait de vos rêves.. C’est bel et bien pour des tags (et quelques autres choses), et bien entendu en vertue d’une stratégie du pouvoir qui vise (très opportunément, en ce moment) à construire de nouvelles figures ennemies, comme par exemple l' »anarchiste autonome d’ultra-gauche ».
Si, en tant qu’anarchistes, nous voulons être à la hauteur de ce qu’il se passe aujourd’hui (les révoltes au maghreb et au moyen-orient notamment) il va falloir d’abord falloir sortir de l’adolescence…
et que dire de la justice de la france qui va encore se ridiculiser …Si vous les voyez ces ultra-gauche, anarchistes, autonomes, terroristes ou je ne sais pas quoi ? De jeunes barbus et chevelus, les yeux écarquillés, en plein rêve d’adolescents, notre jeunesse, quoi! rien à voir avec celle des banlieues. Si c’est de cela que la france a peur, ya soucis a se faire … pour cette france !
Quand je pense que je paye des impôts pour rémunérer des juges et des policiers qui jouent aux gendarmes et aux voleurs au lieu de travailler sérieusement. J’espère que le moment venu, tout ces fonctionnaires sauront identifier des terroristes, des vrais, ceux qui nous veulent vraiment du mal …