« Si l’erreur a une mère, cette mère est la routine. » Al Zamakhshari

La répétition jusqu’à la perfection est le B A-BA de tout
conditionnement, que ce soit la répétition d’un geste jusqu’à sa maitrise
parfaite, ou la répétition d’un message, d’une idée jusqu’à son
implantation totale dans l’esprit des gens. A force d’habitude le chien
de Pavlov, se mettait à saliver dès qu’il entendait le tintement d’une
cloche. Les manifestants se mettent sagement en rang et avancent dès
qu’ils entendent les mégaphones.

Il y a derrière ces promenades bimensuelles quelque chose de profondément
abrutissant et désespérant. La contestation s’y exprime en rang bien
ordonnés et le martèlement cadencé des slogans officiels, empêche de
penser, empêche de parler, empêche simplement de se révolter. Les
parcours identiques et répétitifs ne réservent ni surprise, ni aucune de
ces petites imperfections qui différencient la réalité, des idéaux, qui
font de la révolution un jeu qui se joue dans la rue.
Suivre la banderole, suivre le camion-sono, suivre tout simplement celui
qui est devant et toujours avancer, sans jamais emprunter les chemins de
traverses ni les voies interdites, sans se demander ou l’on va.

C’est la routine qui prend le dessus, rendez vous à heure fixe au même
endroit, départ à heure fixe, on défile avec les mêmes personnes en
criant les mêmes choses et à la fin c’est les mêmes impressions qui se
mélangent: devoir accompli, désillusion, impuissance. On se disperse
sagement, on remballe son matos on va boire une bière à la terrasse d’un
café en se gargarisant sur les chiffres du jour et en espérant que la
prochaine manif sera aussi réussie et peut être un peu moins chiante.

Et pourtant beaucoup y reviennent toujours, car chaque fois c’est le même
dilemme qui s’offre a chacun de nous d’un coté ne pas y aller pour cesser
de reproduire cette mascarade, dire merde envoyer chier les syndicats et
le spectacle de la contestation; de l’autre la certitude que si on n’y va
pas on rate une occasion de l’ouvrir. Un espèce de chantage à la
conscience, ne rien faire, se taire, cesser de s’opposer à l’innommable
c’est mourir et pourtant la seule forme d’opposition massive et
collective que l’on nous propose est elle même muette. Cette liberté de
manifester nous enferme.

La révolte commence toujours par une rupture de la routine, celle de la
pensée. Derrière chaque acte de révolte, derrière chaque prise de
position il y a à l’origine une remise en question des habitudes de
pensée. Face aux certitudes, blocs inébranlables de l’imaginaire
collectif, apparaissent les fissures du doute.
Briser la routine c’est déjà en soi un acte révolutionnaire, c’est un
affront à la médiocrité et à la paresse intellectuelle dans laquelle
nous sommes maintenus par le spectacle dans l’espoir que nous ne nous
éveillerons jamais.

Aujourd’hui nous vous proposons de briser la routine, de le faire
collectivement.
Pour cela plutôt que de rendre la rue et qu’après la routine d’une
manifestation sage et bien encadrée, reprenne la routine du spectacle de
nos vies, nous vous proposons d’occuper la rue. Occuper la rue pour
discuter, se rencontrer, pour tisser les liens que la médiation
spectaculaire nous a toujours empêché de tisser, et tenter de
matérialiser nos désirs.

SAMEDI 2 OCTOBRE, après la manif…On tient la rue!