Retraites: le spectre du cpe
Catégorie : Global
Thèmes : Retraites 2010
Certes on ne peut pas contester que ce fut là un des effets de cette mobilisation, de fait le CPE ne put être appliqué.
Ce qui est plus étonnant, c’est que ces mêmes partis et syndicats ont pour leur part été complètement étrangers aux mobilisations du CPE. Rien de nouveaux dans cette tentative assez ridicule de récupérer le nom de la dernière lutte importante qui eu lieu en France. Après tout, compter sur l’amnésie collective fait partie du jeux de la démocratie, et à ce jeux les éléphants des grands partis sont passés maîtres. A chaque élections, ils comptent bien que les votants aient oublié les différentes crasses dont ils sont responsables lorsqu’eux même étaient au pouvoir.
La plupart des participant-e-s à cette mobilisation doivent bien rire (jaune, couleur de ces syndicats et partis) en entendant ces déclarations.
Pour expliquer pourquoi, il est nécessaire de revenir rapidement sur quelques différents points qui ont fait que le CPE se démarquaient des mobilisations étudiantes précédentes, et qui expliquent sans doute les raisons de son succès.
Le premier point important, et qui justement rend ces déclarations risibles, c’est que aucun parti ou syndicat n’a été présent pendant le CPE. Tout au plus SUD étudiant, mais ce n’est guère tout ce que l’on pouvait voire en dans les facultés occupées. On peut même dire que l’un des préalable à ce mouvement, et qui fut un acquis pour ceux qui suivirent (anti-LRU principalement), fut d’écarter totalement l’UNEF, courroie bien connue du PS dans les facs. A tel point que pendant la LRU l’UNEF se faisait carrément siffler par l’AG pendant leur prise de parole. Ainsi débarrassé des bureaucraties syndicales habituellement là pour le cadrer, le mouvement anti-CPE put donner libre court à sa créativité.
L’autre point, c’est que cette lutte s’est rapidement posée des questions d’ordre stratégiques, à savoir quelles étaient les moyens à leur disposition pour faire plier le gouvernement. Poser la question de cette façon écartait d’emblée la stratégie de la négociation. La réponse fut trouvée assez rapidement, à savoir qu’il fallait viser l’économie pour que le gouvernement prenne le mouvement au sérieux. Le moyen trouvé pour ce faire fut de bloquer les flux de circulation de marchandise (dont celui des travailleurs, puisque pour le patronnat, il s’agit bien d’une marchandise). Ainsi pendant plusieurs semaines les personnes participant-e-s à la lutte se levèrent de bon matin pour aller bloquer ponts et routes, profitant de la sympathie de la population. Voila bien une méthode qui diffère de ces mobilisations déprimantes auxquelles les syndicats et partis nous convoquent de temps en temps, soit disant pour peser sur des négociations auxquels seules les élites sont conviées, et dont nous devons apprendre le résultat plus tard, peu importe qu’il nous déplaise.
Enfin un point important s’il en est, c’est que le mouvement anti-CPE, bien que constitué par des AGs dans les facs comme c’est le cas traditionnelement, avait un autre lieu de concentration : les facultés occupées, qui servaient de lieu de rencontres, de vie et d’organisation. Ces occupations s’étaient même complètement autonomisées des AGs étudiantes, comprenant les limites que pouvaient avoir la prétention de faire de la démocratie à 1000 personnes à main levée. Ce fut là une avancée certaine, et tout au moins même si cela créa des tensions, cela permit de faire en sorte de laisser de la marge à la créativité de chacun-e, et que chaque groupe puisse agir selon les méthodes qu’il souhaitait. Le livre « les mouvements ont faits pour mourrir » résume bien les tenants et aboutissants de cette organisation [2].
N’oublions pas quelques passages de la lutte anti-CPE qui montre cette récupération est malhonnète, particulièrement une des grosses manifestation à Paris ou le syndicat CGT collabora étroitement avec la police pour arrêter les étudiants anti-CPE.
Bien évidemment, pendant le CPE les manifestations furent présentes et importantes. Mais les participant-e-s au mouvement avaient aussi bien compris qu’elles ne suffisaient pas (en témoigne les manifestations contre la première réforme des retraites, ou des millions de personnes avaient manifesté sans résultat), et ce mouvement avaient donc directement envisagé d’autres possiblités d’actions. Des lieux pour se réunir, se rencontrer, vivre la lutte et s’organiser, et aussi le blocage de l’économie comme moyen de pression sur un gouvernement à la solde de ses amis les patrons et financiers.
Bref, se réclamer du CPE et tenter de le récupérer dans le cadre de partis comme le PS ou de mobilisation comme celle des retraites est juste complètement malhonnète et ridicule, tant les formes, les méthodes et les participants des deux mouvements ne sont pas comparable. En tout cas ce n’est pas aux partis qui assument de temps en temps le pouvoir, ni à ces syndicats qui signent les accords pour maintenir leur place de se réclamer du CPE. Et nous leur ferons savoir.
[1] http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/2010….html
Merci pour ce très utile rappel, qui montre bien que lorsqu’un mouvement n’a pas de syndicats dans les pattes, il montre des potentialités plus qu’intéressantes dans lesquelles, finalement, la plupart des salariés se reconnaissent. Ce qui s’est passé dans les manifestations de 2006.
On peut seulement ajouter que, malgré tout, un certain nombre d’organisations politiques ont quand même pu grenouiller en coulisses pour tenter de saboter certains aspects du mouvement anti-CPE, la LCR – renommée aujourd’hui NPA – par exemple, qui cherchait en commissions de saboter les décisions prises en AG. Mais ça n’a pas pu fonctionner partout ni tout le temps, heureusement…
A comparer bien sûr avec le mouvement actuel soi-disant contre la réforme des retraites…
Le premier point important, et qui justement rend ces déclarations risibles, c’est que aucun parti ou syndicat n’a été présent pendant le CPE.
En tant que participant-e du mouvement CPE, je ne suis pas du tout d’accord avec ça. Le soutien de la gôche (dans tout ce que ça peut avoir de pourri) a été une composante indispensable du succès du CPE, et les syndicats étaient très présents (en tout cas dans les endroits où j’ai eu l’occasion de participer à la lutte. Il y a avait effectivement une volonté de s’autonomiser, et de s’organiser plutôt sur la base des AGs de luttes, mais ça c’est une caractéristiques des mouvements depuis genre 1986 je dirais, indépendamment du succès ou de la radicalité des dits mouvements.
Entre le CPE, où la gôche mobilisait aussi et la LRU, où les étudiant-e-s se sont retrouvé-e-s tou-te-s seul-e-s, la différence en terme de niveau de répression et de sensation d’isolement a été énorme, et ça explique (là encore, dans ce que j’ai vécu localement) l’échec du mouvement LRU par rapport au CPE, deux mouvements qui partagent énormément en terme de modes de luttes, de dynamique et d’impasses.
Tout ça pour dire que je crois que là, tout de suite, dans la situation actuelle, notre problème ce n’est pas les syndicats, mais plutôt notre incapacité à s’organiser sans eux, et à trouver des modes de riposte qui ne dépendant d’un état-major institutionnel. Quand on aura ça, alors seulement on pourra, à mon avis, poser la question du dépassement des syndicats. Mais bon, c’est drôle aussi de taper sur les syndicats, simplement, je ne crois pas que compense nos manques actuels de perspectives.
Un exemple à suivre dès demain dans la rue : organisons nous sans les syndicollabos, qui travestissent la colère en revendication bien sage et cloisonnée, de peur que la lutte prenne trop d’ampleur. Exprimons notre rage.
Comme d’hab, dès qu’on critique les syndicats, on a droit au « syndicat caca » comme si c’est tout se qu’on dit. Comment essayer d’évacuer le fond… L’UNEF l’avait sortie celle là aussi, quand elle s’est fait lynchée en AG après la crasse qu’elle et la gôche avait fait aux étudiants en refusant de laisser passer les sans-papiers en tête de la manif.
Peut-être que la gôche a mobilisé pendant le CPE, et encore du bout des lèvres et de toute façon il fallait bien suivre le mouvement. De quoi elle aurait eu l’air, si l’opposition du moment regardait la bataille se passer sans paraître en être?
En tout cas elle n’en faisait pas parti, et l’expulsion de l’UNEF, autour de cette question de sans-papiers en est une belle démonstration.
Mais il n’y a pas besoin de la gôche pour avoir un soutien fort de la population, en tou cas la situation s’y prête.
La différence fondamentale avec la LRU, par contre, c’est qu’il a été impossible pour ce mouvement d’occuper une fac. A peine occupée, aussitôt expulsé. Sans lieu, les étudiant-e-s ont eu bien plus de mal à s’organiser et vivre la lutte ensemble. Et illes ont dépensé une énergie folle à essayer de maintenir l’occupation contre les flics et les anti-grêve. Le gouvernement avait bien compris qu’il ne fallait surtout pas laisser à nouveaux les facs occupées se transformer en lieu de vie/QG. C’était sa plus grosse erreur pendant le CPE.
C’est ce qui manque à ce mouvement des retraites. La colère est là, mais rien n’existe pour l’aggréger. Un lieu permettrait les rencontres et que les envies se communisent, les caisses de solidarités à se construire… Mais les syndicats ne risquent pas de l’offrir, ce lieu, ils savent bien qu’ils se retrouveraient débordés. Les perspectives on peu s’en donner, mais il faut réussir à franchir les barrières qui nous empêche des les atteindre…
Le point explose le score sur le sujet (ont-ils un contrat avec Martine Aubry pour lui dorer la pillule comme ça?), puisqu’il qualifie le CPE d’un « combat parlementaire »… Sic. Je mettrais même pas le lien vers ce torchon pour la peine.
Oui sur le CPE. Oui sur la tiédeur syndicale. Oui sur tout.
Mais après ?
Qui et comment fait-on descendre des millions de personnes dans la rue ou déclencher une grève générale ?
Qui et comment organise t -on les caisses de solidarité ?
Qui est prêt à se coltiner le travail d’organisation, capable de réunir tous ces gens au-delà des histoires de chapelles ?
Et une dizaine d’autres questions subsidiaires….
aujourd’hui à Grenoble, après la très grosse manif (70 000 personnes selon les organisateurs) s’est tenue une assemblée générale, appelée par les syndicats comme Sud ou la CNT. Environ 300 personnes y ont participé, des syndicalistes (même des dissidents CGT, et beaucoup de non syndiqués, des groupes se sont formés pour travailler sur la création et la gestion d’une caisse de solidarité, sur la com pour aider les copains qui voudraient lancer les mots d’ordre de grève reconductible (elle existe déjà à la SNCF avec Sud rail) sur les actions à mener sans attendre le nouveau mot d’ordre des syndicats bien assis dans leurs fauteuils.
La mayonnaise a l’air d’avoir pris, des choses vont se passer dès demain.
Il faudrait faire la même chose un peu partout et se coordonner …
Hier c’était la revue Démocratie et socialisme « mensuel pour ancrer le parti jsocialiste à gauche » (sic, la gauche de la droite dure peut-être?) qui publiait un édito repris sur le blog du parti « socialiste » 44, et qui affirme que « La gauche aussi, a su faire plier la droite à plusieurs reprises, avec le mouvement social, contre la loi Falloux, contre le CPE […] ».
L’imposture jusqu’au bout… Et évidemment pas moyen de commenter sur leur site, ni sur le blog du PS local… C’est ça la démocratie.