Facebook, nouveau terrain de jeu de l’extrême droite identitaire
Category: Global
Themes: Racisme
Facebook, nouveau terrain de jeu de l’extrême droite identitaire
Depuis quelques jours, l’annonce d’un « apéro géant » agite Facebook et les milieux politiques radicaux, nationalistes et identitaires d’un côté, antifascistes de l’autre. Il s’agit en effet d’un événement se présentant comme suit :
« Apéro géant Saucisson et pinard à La Goutte d’Or !
Description : • Parce que La Goutte d’Or tire son nom du vin blanc qu’on y produisait ; • Parce que la rue Myrha et d’autres artères du quartier sont occupées, particulièrement le vendredi, par des adversaires résolus de nos vins de terroir et de nos produits charcutiers ; • Parce que la nécessité de la lutte contre l’alcoolisme, mise en évidence par Emile Zola, qui avait situé à La Goutte d’Or son célèbre roman L’Assomoir, ne doit pas conduire à une solution aussi extrémiste que la prohibition ;
Parisiens de souche, provinciaux de Paris, Parisiens exilés et amis de la capitale française dans tous les pays, rejoignez-nous ! »
Cette présentation étant assez absconse, elle n’a au début que moyennement attiré l’attention des uns et des autres jusqu’à ce que la pseudo agence de presse des Identitaires, Novopress, éclaire un peu mieux l’initiative par le biais d’une « interview » de l’initiatrice du projet par Bruno Larebière, mise en ligne le 27 mai dernier. On y apprend en effet qu’une « Sylvie François », habitant le XVIIIème arrondissement, aurait décidé, toute seule, comme une grande, de lancer cette idée d’apéro pour lutter contre la « prohibition islamique » qui régnerait à la Goutte d’Or et qu’elle serait ouverte à tous les soutiens, promettant que tout se passerait bien.
Fort bien. C’est évidemment peu dire que nous ne croyons pas un traître mot de cette fable. Depuis la montée en puissance des plateformes de partage vidéo et des réseaux sociaux, « faire le buzz », c’est-à-dire créer l’événement, est devenu l’un des moyens privilégiés de faire de la politique avec peu de moyens. À ce petit jeu, les Identitaires sont devenus champions, masquant ainsi par le biais de la Toile une faiblesse chronique dans le monde réel. Il nous semble donc évident que cette initiative d’apéro géant à la Goutte d’Or émane du Bloc Identitaire. Quelques éléments nous permettent d’avancer cette hypothèse :
La thématique : même si les Identitaires sont loin d’avoir le monopole charcutier, la thématique cochonne est devenue l’un de leurs arguments récurrents. Rappelons à ce titre la soupe animée par Odile Bonnivard et l’association SDF depuis plus de 6 ans. Même si Mme Bonnivard et son mari sont fâchés avec les Identitaires depuis 2 ou 3 ans et que ceux-ci ne peuvent plus se prévaloir de cette expérience, il n’en demeure pas moins qu’ils y ont été associés durant les premières années.
L’origine : qui est « Sylvie François » ? Une personne réelle, un ectoplasme ? Une jeune femme prenant l’initiative de lancer ce type de projet y aurait sans doute réfléchi à deux fois alors que la pression des autorités sur les « apéros géants » s’est considérablement accentuée depuis 15 jours et que ce projet a donc toutes les chances d’être interdit. À moins que ce ne soit réellement le but, nous y reviendrons ci-dessous. Mais il y a donc de toute façon peu de chances qu’un individu normalement constitué se lance seul dans une telle embrouille.
Le site de médiatisation extérieur à Facebook : Novopress est tout sauf indépendant. Le site émane du Bloc Identitaire et est animé par Bruno Larebière qui est membre de la direction du Bloc Identitaire. Aucun autre site n’a relayé l’information et à l’évidence l’initiative n’émane pas des milieux de la Nouvelle Droite Populaire ou du Parti De la France [1]. La seule structure citée est Riposte Laïque mais cela ne fait que confirmer l’éventuelle implication du Bloc Identitaire puisque le compagnonage de la structure autrefois de gauche avec l’extrême droite est un fait de plus en plus avéré. Par ailleurs, « Sylvie François » sera l’invitée du Journal de l’Identité sur Radio Courtoisie vendredi prochain, journal qui est parfois animé par Larebière. Le monde est petit !
Quel peut être l’intérêt du Bloc Identitaire de ne pas apparaître à ce stade du projet alors que le groupe est friand de médiatisation ? À l’évidence, Fabrice Robert et ses camarades ont compris qu’une politisation trop précoce pourrait faire peur à un réseau social dont l’engagement n’est pas évident. Il est donc plus intéressant pour eux de voir quelle tournure va prendre l’événement. Or deux scenarii sont possibles :
Soit la préfecture de police interdit l’apéro pour un éventuel risque de « trouble à l’ordre public » et dans ce cas le Bloc pourra hurler au scandale sans avoir engagé d’autres moyens qu’une campagne médiatique très légère, peu coûteuse et très rentable en terme d’image. C’est sans doute le scénario souhaité car le Bloc a-t-il les moyens d’assumer un risque de confrontation physique dans le XVIIIe arrondissement de Paris ? De notre point de vue, la réponse est non et la préfecture ferait donc un magnifique cadeau à l’extrême droite en interdisant la manifestation.
Soit la préfecture n’interdit pas et dans ce cas l’apéro peut se tenir. Les organisateurs seront alors devant un choix cornélien. S’ils renoncent par crainte des conséquences d’un débordement, l’échec est cinglant et ils seront largement déconsidérés. Le Bloc n’étant pas apparu comme initiateur du projet, il n’en subira pas les retombées. S’ils ne renoncent pas, l’apéro doit se tenir et de son succès ou de son échec dépend le bilan final en terme de réussite politique. Le Bloc peut alors faire le choix de revendiquer ou pas l’initiative.
Il est donc finalement très difficile de pronostiquer ce qui va se passer et nous saurons le 4 juin de quoi il en retourne. Dans tous les cas, cette affaire prouve, s’il en était besoin, que l’extrême droite identitaire a très bien compris les tenants et les aboutissants des nouvelles formes d’utilisation d’Internet et en particulier des réseaux sociaux. Ce type de mobilisation devrait donc se multiplier même si rien ne prouve qu’une ebullition militante sur Facebook puisse se transformer en autre chose qu’un pshiiit dans le monde réel. A suivre avec attention donc…
[1] Même si on retrouve des militants de tel ou tel groupe dans les profils ayant rejoint le groupe, comme Thomas Joly (PDF) ou Baptiste Coquelle (GUD).
Comments
Comments are moderated a priori.Leave a Comment