Une ville de l’est de la france avril 2009 témloignage
Catégorie : Global
Thèmes : OTAN 2009Répression
Lieux : Bordeaux
Comme vous l’avez sans doute lu dans la presse et sur divers sites, les imminentes festivités otanesques ont d’ores et déjà transformé la ville de Strasbourg en une zone de contrôle policier et militaire d’une ampleur, dixit même le journal Le Monde, jamais atteinte. En fin de semaine, c’est toute circulation et déplacement qui seront quasiment interdits sur une distance d’une centaine de km allant de l’aréoport d’Entzheim, au sud-ouest de Strasbourg, jusqu’à la ville allemande de Baden-Baden, située plus au nord et où sera logé une partie des”invités”.
Depuis quinze jours, les contrôles de police ont été rétablis à la frontière et des gens refoulés. Quant au centre de Strasbourg, la moitié de l’espace est marquée au fer rouge — ou orange —, ce qui implique au minimum d’arborer un badge d’autorisation pour pouvoir rentrer chez soi. J’ai donc été, la semaine dernière, cherché mon étoîle jaune à la Kommandantur, puisque ma rue d’habitation fait frontière entre la zone relativement libre et celle franchement occupée. Certains habitants de la zone rouge — ceux de la place de Bordeaux — sont, quant à eux, consignés à résidence et doivent effectuer, pour mettre le nez dehors, une demande téléphonique qui doit être sérieusement motivée. Même chose dans la ville allemande de Kehl. D’autres encore ont reçu de la préfecture un chèque de vacances leur intimant l’ordre d’évacuer sans discussion leur logement haut situé, lequel se trouve momentanément métamorphosé en guérite remplie de tireurs d’élite. Tout le centre ville est sillonné jour et nuit par des patrouilles de militaires, mitraillette au bras et doigt sur la gachette. L’ambiance sonore est à l’avenant, puisque le ciel est régulièrement traversé par des escadrilles d’hélicoptères qui font du rase-motte au dessus de certains quartiers.
“Ce sommet est donc une grande chance pour notre ville” est-il dit dans une lettre que le maire socialiste Roland Ries a jugé bon d’envoyer à tous ses administrés. On ne saurait en effet mieux dire. On se livre en effet à un essai grandeur nature de militarisation de l’espace, du genre de celui qu’il faudra bien mettre en oeuvre si la situation sociale évolue plus mal aux yeux de la domination.
Dans le même temps, on espère familariser ce genre de décor aux yeux d’un bon nombre de gens, ceux-là mêmes qui — comme le laisse entendre la lettre du maire — sont assez bêtes pour ne pas quitter la ville et qu’il importe donc d’impressionner. Plus généralement, dans l’utopie du capitalisme total, la transformation de toute la planète en zone rouge constitue, sinon une sorte d’idéal, bientôt une réelle nécessité. Ville purgée d’une partie de ses habitants, ceux restants placés sous haute surveillance, voilà le digne pendant politique d’un monde où des machines-robots produisent mécaniquement des objets à peine destinés aux hommes, lesquels pour beaucoup ne sont déjà plus en mesure de se les procurer.
Il est difficile d’en évaluer l’ampleur et la profondeur, mais il est visible que cet état d’exception — non officiellement proclamé et sans doute dérogatoire à des lois qui, de toute évidence, ne servent décidément plus qu’à assommer ceux qui ne le sont pas encore — suscite un sentiment très répandu d’exaspération, déjà bien alimenté par ailleurs.
A peine installé, le contre-sommet est déjà l’objet de provocations policières évidentes. Dans la lignée de ce qui se passe ces derniers mois, il est certain que le ministère de la police et la préfecture locale ont prévu une répression exemplaire. Des renseignements personnellement pris auprès de médecins du CHU m’ont confirmé que tous les hopitaux des deux départements d’Alsace avaient réquisitionné tout leur personnel et se trouvaient en état d’alerte maximal ; de même, l’organisation SOS médecins a triplé ses effectifs pour la fin de semaine. Des regroupements, autrement dit entassements, ont été rapidement effectuées dans les prisons, afin de libérer de la place pour de nouveaux arrivants.
Strasbourg un mois d’avril 2009
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