Occupation de la fac de tolbiac
Catégorie : Global
Thèmes : Education
Nous, étudiants de Tolbiac, mais aussi d’autres universités, accompagnés par des troubadours, des malotrus, des terroristes, bref des délinquants en tout genre, avons décidé spontanément d’occuper notre université.
Cette décision prise et votée durant l’AG n’est que le résultat d’une envie de se réapproprier nos lieux de vie, de passage, de rencontre, de reproduction et quelques fois d’études.
Nous occupons ce lieu, vide la nuit, avec détermination pour créer un espace où se libérer des rapports utilitariste du quotidien de cette société capitaliste.
En Italie, une vingtaine d’universités sont occupées. En Grèce, des manifestations sauvages non déposées, ont lieu tous les jours.
En Guadeloupe et Martinique, depuis deux semaines, la grève est générale.
Tous les soirs, les îles sont en feu : des barricades naissent à tous les coins de rues.
Manifester une fois par semaine ne sert à rien. C’est pourquoi, ce soir nous tentons, de donner une autre forme à notre mouvement.
Un peu marre de ces simplicités : « manifester une fois par semaine ne sert à rien » s’entend vite et paresseusement « manifester ne sert à rien. Voilà qui prépare une abstention qui ne fait qu’entériner le pouvoir des organisations instituées. En langue ancienne on dira que c’est tout compte fait une position droitière.
D’abord, « une fois par semaine », cela peut permettre de compter, de mesurer un élargissement (que des villes entrent dans la danse, toujours plus swing), et pas forcément pour légitimer des représentants, encore que si ceux-ci sont des mandatés au sein de coordinations adéquates au mouvement, cela puisse minorer le pouvoir des organisations instituées, voire disqualifier leur ligne, ce qui n’est pas rien, loin s’en faut.
Ensuite « manifester ». Croire que la manifestation est un moyen mort, inutile et une pure ânerie qui ne démontre que l’impuissance (et le goût morbide de l’impuissance ?) de ceux qui y cèdent.
L’ajout du terme « sauvage » prétend souvent redéfinir l’impact de la manif. Cela ne suffit pas. Sauvage, oui, mais pas seulement. On peut opérer des blocages tranquilles. On peut manifester de lieux d’éducation en lieu de chômage, on peut mobiliser durant une manif, dans des quartiers, envahir des entreprises. On peut beaucoup plus que ce que l’utilisation de ces termes laisse entrevoir. À se couper les ailes et les jambes, on reste dans un problème de tête. Gisants et désarticulés.
Il faut arrêter de faire de l’occupation un mythe (et du blocage de son lieu d’assignation l’alpha et l’oméga). L’occupation est un fait, une multiplicité (et certaines sont juste bouffeuses de temps, malvenues, inutiles, tristes, des replis, les alibis d’une pauvre valorisation de soi).
Oui, tout mouvement réel a un besoin impérieux de se constituer comme collectivité, et pour cela de s’approprier des lieux de manière durable pour s’y développer. Mais garder un fragment de 36 ou de 68 pour se sentir fort est illusoire. La seule politique qui tienne est de porter au dehors la force qui peut se constituer dans un lieu. Encore faut-il avant tout accorder toute l’attention possible à la construction de cette force. La magie vient avec et après.
Tolbiac ? Il y eut souvent des occupations dans cette fac. Elle est conçue après 68, contre les mouvements, pour être facilement contrôlable par la prefecture,la présidence, la police. Le bâtiment centralisé comme rarement, permet, si la situation se renverse, un contrôle collectif par le mouvement.
Encore faut-il qu’il s’agisse d’autre chose que d’une « avant garde » révolutionnariste et/ou quotidienniste (on se souviendra si possible et malgré la putrescence libérale et individuelle qui nous corrompt tous qu’une bonne définition du communisme indique qu’il s’agit du « mouvement réel qui abolit l’état de choses présent »).
Il y a une manière très évidente d’échapper à ces formes d’impuissance. C’est de considérer les AG, aussi nulles et vides soient-elles, comme un enjeu politique désicif. De ne pas les laisser à la parole vide des bureaucrates, d’y débattre, d’y convaincre, d’y proposer des initiatives concrètes, et de les décider collectivement afin de les mettre en oeuvre le plus largement possible.
La puissance ne résulte pas du caprice (qu’est-ce que c’est que ces révolutionnaires qui jouent au loto, qui jouent pour perdre, qui paient l’impôt des procédures judiciaires avec appétit ? Qu’est-ce que c’est que ce goût de l’isolement si ce n’est l’un des meilleurs services que l’on puisse rendre à ce monde d’individualisation, de séparation). Prendre l’initiative ce n’est pas comme aller au tabac du coin pour gratter un jeu, ah quelle émotion ! en sachant que l’on va perdre et de suite. Perdre, peut-être, mais que s’agit-il de vivre ? Comment lutter ? CONSTRUIRE ou laisser l’initiative au capital, pas d’autre alternative. L’entre soi est la norme sociale à rompre dès le premier geste, dès la première pensée (par exemple, pour occuper, on prendra soin de le décider le plus collectivement possible, puis d’inviter par un tract, des prises de parole, des sms, etc. à un rdv qui y conduise)
D’abord les occupations, on le sait, on doit les ouvrir (AG, fêtes, groupes de travail, commissions), et quand il n’y a plus d' »étudiants » parce que cette figure est dissoute dans des contraintes qui excédent celles de l’université.
En même temps les projeter au dehors (cette fac voisine 4 lycées et Censier, ainsi qu’une annexe de PVII), y compris hors du monde scolaire (Pôle emploi, boites, gares).
Et ça ça veut dire ne pas exclure la manifestation comme moyen, mais tout au contraire l’organiser, la concevoir, la conduire, l’assumer, la peupler. En faire un outil central, comme tout autre, ponctuellement. Toujours prêts à varier dans les modalités d’existence collective. Ingérables, pas marginalisés volontaires.
Même pour rigoler, il faut du sérieux. Sinon on pleure, et on ne comprend ni ne transforme rien.