Le 13 octobre dernier, un article était posté sur le site d’indymedia Nantes décrivant l’expulsion d’un immeuble appartenant à la SIEMP ainsi que l’arrestation de ses occupants dans le quartier de ménilmontant, à Paris. Le ton du bref article, parce qu’il appelait à la mobilisation, était bien sûr alarmiste. Nous voulions revenir sur quelques faits.

Une guerre silencieuse fait rage.
Le soir, ou tôt le matin, quand les flics déambulent dans les quartiers populaires pour faire leurs rafles, ils le font discrètement, efficacement. Invisibles, ils font tout juste des ponctions dans le corps social d’un quartier, qui n’a plus qu’à pleurer le lendemain au palais de justice ses disparus, encadré par la gendarmerie.
Dans les écoles, les collèges et les lycées, les récalcitrants sont signalés administrativement. Parfois, le soir, ils bouffent du poulet basquaise, menottés à un banc. Et c’est encore en silence. Dans les quartiers, les procédures massives d’expulsions se nomment désormais réhabilitations. Les bailleurs, qu’ils soient sociaux ou non, ont cette chose en commun avec les êtres vivants: quand ils s’étendent, c’est pour prendre de la force. A Paris, la plupart de ces procédures sont aujourd’hui gérées par la SIEMP, une institution contrôlée par la gauche, PS et Verts confondus; pourfendeurs, dans le passé, des espaces laissés vacants.

Les révoltés sont discrètement requalifiés “terroristes”. Pourtant, il y a juste quelques années de cela, ils étaient “irresponsables”. Ont-ils grandis? Ou est-ce la peur, LEUR peur, qui grandi, peur de voir une chose s’étendre, venir de partout et se lier, incontrôlable. Possibilité qu’ils savent pour le moment bien tapie dans ce rêve de parvenu qu’ils nous dealent, un rêve qui se fendille pourtant comme une crise généralisée de manque de quelque chose, de quelque chose dans ses poches, dans son assiette, au dessus de sa tête.. Ou juste de quelque chose.
Comme cette atomisation à laquelle ils travaillent tant s’est souvent inversée des manières les plus étonnantes dans le passé, ils se mettent à parer en avance… Lois sur la récidive, fichage ADN, peines plancher, militarisation des espaces publics, construction de nouvelles prisons, criminalisation des grévistes, enfermement des mineurs… C’est que, par éclairs, leur rêve ressemble à une vitrine ouatée protégeant des choses vides, et quand il s’écroule parfois, c’est le son d’un orage que l’on entend. Voyez les grèves sauvages, les résistances aux expulsions, les séquestrations de patrons, les sabotages, les incendies, les émeutes…
Quelque chose se cherche, et quand ça se trouvera…

Le 13 octobre dernier, l’article ne rendait pas compte d’une chose importante, sans doute par précipitation, et sans doute parce que ce n’était pas le moment : Ce fut une belle expulsion.
La maréchaussée du quartier n’est pas intervenue, sûrement intimidée par des tracts et une banderolle décidément pas misérabilistes, ainsi que par un nombre d’occupants difficile à évaluer.
Dehors, les groupes se forment en bas de l’immeuble, en contrebas de la rue… C’est une brigade spéciale qui tente, en vain, d’enfoncer plusieurs des barricadages érigés par on-ne-sait quelle bande de malins bricoleurs. Pour finir, ils enfoncent deux murs, non sans avoir par erreur défoncé la porte d’un voisin. La fougue, certainement… Pour “légaliser” cette expulsion sauvage, la SIEMP, comme d’autres bailleurs dans plusieurs villes (Lyon, Grenoble), a préalablement pris soin de déposer plainte pour dégradation. Une “technique” juridique leur permettant d’éviter une procédure plus longue en référé.

Dehors, dans le quartier de Ménilmontant, la militarisation de l’espace ne passe pas inaperçue. Durant six heures, le barrage de la rue et le déploiement policier échauffe les esprits. Silence et apathie n’y règnent plus. Des CRS sont sortis, mais devant la tension qui monte, ils sont vite rangés. Ce que la SIEMP fait d’habitude discrètement, administrativement, tôt le matin ou tard le soir, elle est obligée de le faire en plein jour, sans avocats, sans juges, sans recommandés avec accusé de réception. La situation, aujourd’hui, révèle de vrais visages, de vrais mouvements, de vrais camps, qui se font face. Physiquement. Les forces en présences n’ont ici que faire d’argumentations juridiques.

100 à 150 personnes seront finalement de la partie, en différents endroits (devant la porte de l’immeuble, plus bas dans la rue, entravant la circulation des camionnettes de flics et leur jetant divers projectiles allant de la bouteille à la table de café…). L’expulsion n’est pas tranquille, dans les fourgons les flics sont encore tendus, et le bouclage du quartier se poursuit deux heures après l’évacuation finale des lieux.
C’est, bien plus qu’un lieu de perdu, le souvenir qui reste de cette belle journée d’octobre.

10 personnes seront finalement interpelées, ainsi qu’un mineur attrapé pendant les échauffourées qui suivent. Ils passeront en procès le 5 novembre prochain à 9h00, à la 28ème chambre correctionnelle de Paris, inculpés de dégradation grave en réunion.