Les gesticulations présidentielles autour de la libération attendue d’Ingrid Betancourt y sont pour beaucoup : on parle souvent des FARC (1) ces derniers temps. Nicolas Sarkozy rêve ainsi de parfaire son image de sauveur d’otages patenté en atterrissant un jour à Roissy au bras de la franco-colombienne enlevée en 2002. Et pour cette occasion, les médias bourgeois n’ont de cesse de répéter dès qu’ils le peuvent que les FARC sont une organisation… révolutionnaire marxiste ! Pas une information dans la presse, pas un discours de politiciens, de droite comme de gauche, ne manque de mettre en exergue le caractère prétendument subversif et révolutionnaire des FARC. Tout ce battage est un tissu de mensonges qui n’a rien d’anodin. Il a pour but d’assimiler, de façon particulièrement écœurante et crapuleuse, la terreur aveugle d’une bande de pillards avec la lutte ouvrière et l’action des organisations révolutionnaires.
La genèse de cette “armée” se situe à l’époque de la Guerre Froide, une période où les guérillas sud-américaines sont totalement assujetties aux intérêts du bloc russe et dont la lutte “révolutionnaire” est en fait dirigée essentiellement contre la puissance rivale de l’URSS, les Etats-Unis. Ces guérillas, et toutes les luttes de “libération nationale”, sont donc en fait une composante à part entière du conflit militaire entre ces deux blocs. En Colombie, cette période est marquée par la débandade de l’Etat face à des affrontements entre bandes (la “violencia”), par la prise de pouvoir par l’armée et par la résistance de guérillas dispersées et rassemblées en 1964 par le Parti communiste de Colombie (stalinien) sous le nom de FARC. Bref, un schéma classique d’affrontements entre cliques bourgeoises et petites bourgeoises, qui se retrouve un peu partout en Amérique du Sud à cette époque. C’est donc de ce passé purement stalinien que les FARC tirent leur étiquette de “révolutionnaires marxistes”.

Depuis, les FARC sont une organisation paramilitaire très hiérarchisée, qui a vécu du vol de bétail et de prises d’otages jusqu’à découvrir le filon qui allait lui assurer richesse et pérennité : le trafic de drogue. Depuis 1982, les FARC ont même fait du narco-trafic une industrie stratégique dans leur contrôle du territoire. Estimés à 300 millions de dollars par an, les bénéfices de cette activité reposent sur une logique implacablement capitaliste : concentration des terres, expropriation des petits paysans, fondation d’alliances avec des trafiquants internationaux, etc. La prise d’otages reste une activité lucrative secondaire, au sein de laquelle les otages politiques sont minoritaires. 750 personnes seraient encore détenues, pour la plupart de riches propriétaires, des touristes, mais aussi des paysans expropriés, etc. Sans paiement de rançon, ils sont évidemment exécutés. D’ailleurs, aujourd’hui, les FARC ne s’embarrassent même plus de justifier leur action par une quelconque idéologie marxisante (entendre “stalinienne”). Les chefs des FARC, seigneurs de guerre mafieux, se posent ouvertement comme de véritables entrepreneurs à la tête de milliers d’hommes et de millions de dollars. Une bande bourgeoise en lutte pour une part de pouvoir politique et économique qui, pour parvenir à ses fins, tue (2), enlève, torture, exécute et drogue aveuglément et avec un parfait sang-froid.

En qualifiant cette bande d’assassins de “marxistes révolutionnaires”, la bourgeoisie propage donc un mensonge aussi grossier que nauséabond. Mais une fois encore, la palme de la tromperie revient à Lutte ouvrière. Cette organisation trotskiste s’est dressée contre les mensonges de la presse bourgeoise pour… défendre la lutte des FARC, dont les membres sont qualifiés de “camarades sud-américains révolutionnaires”. Qu’on en juge par cette déclaration d’amour enflammée :”Étiquetées’ terroristes’, les FARC se retrouvent logées à la même enseigne que l’étaient dans le passé les nationalistes de l’IRA irlandaise ou du FLN algérien, pour ne pas remonter aux résistants français de la Seconde Guerre mondiale… C’est aussi une façon de leur dénier le droit de s’opposer, les armes à la main, aux grands propriétaires terriens, aux narcotrafiquants, aux milices d’extrême droite, ce qu’elles font depuis plus de quarante ans. Car le combat des FARC, quelles que soient ses limites sociales et ses dérives s’inscrit dans la tradition des luttes qui ont opposé à plusieurs reprises, au cours du 20e siècle, les grands propriétaires terriens aux paysans pauvres, les possédants aux plus déshérités” (LO du 18 janvier 2008). On aurait pu risquer de s’étouffer à une telle lecture si l’on ne se savait pas déjà dans quel camp se place résolument LO, celui de ses “camarades” bourgeois de tous bords et du monde entier. FARC, FLN et autres IRA… toutes des organisations terroristes que LO défend sans sourciller, au prétexte qu’elles défendraient des causes minoritaires opprimées et/ou parce qu’ils habillent leurs crapuleries d’un verbiage marxiste ou révolutionnaire. Décidément, LO ne perd jamais une occasion pour apporter son obole à la propagande de la bourgeoisie.

Face à tous ces mensonges, il faut affirmer que la guérilla n’a rien à voir avec la lutte de la classe ouvrière. La longue expérience de l’horreur stalinienne nous a appris que derrière les discours “marxistes” se cachent bien souvent les pires ennemis du prolétariat. Les FARC font partie de ces groupes dont la moindre action glace le sang de quiconque s’inscrit dans une perspective authentiquement communiste.

GD – Courant Communiste International – www.internationalism.org

1) Forces armées révolutionnaires de Colombie (en espagnol Fuerzas armadas revo­lucionarias de Colombia).

2) Les FARC commettent régulièrement des attentats à la bonbonne de gaz, dont l’imprécision conduit au massacre de dizaines de civils innocents.