20 décembre 2007 : des Sans-papiers détenus au centre de rétention du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) entament un mouvement de protestation : cahiers de doléances, revendications écrites sur les vêtements …

27 décembre :certains des détenus commencent une grève de la faim, expliquant entre autre : “Nous nous sommes fait arrêtés pour certains lors de démarches au commissariat, pour d’autres lors de démarches administratives, pour beaucoup lors de rafles anti-immigrés. Nous refusons d’être traités comme des sous-hommes et appelons l’ensemble des gens qui pensent encore que nous sommes des êtres humains à dire « Stop » à cette politique raciste.” Abou considéré par la police comme un des meneurs du mouvement est transféré au CRA de Vincennes. Le même jour, les détenus de Vincennes entament à leur tour une grève de la faim et refusent de rentrer dans leurs chambres. Abou, qui passe devant le tribunal est libéré

Dans la nuit du 28 au 29 décembre, 150 CRS font irruption dans le centre de Vincennes pour forcer manu militari les détenus à rejoindre leurs chambres.

29 décembre : Le mouvement s’étend dans les deux centres de Vincennes où de nombreux sans-papiers rejoignent la grève de la faim et refusent de rentrer dans leurs chambres. Les CRS entrent à nouveau pour mater la révolte. Des prisonniers sont mis en isolement. Mais les grévistes continuent d’exprimer leur détermination à ne pas céder. Ils demandent l’arrêt de la politique du chiffre, des rafles et des expulsions. Ce n’est pas une « amélioration des conditions de rétention » qu’ils veulent, mais bien la fermeture des centres eux-mêmes, car ceux-ci ne peuvent pas être humanisés.

30 décembre : Témoignage au CRA de Vincennes : Il y a à peu près un mois, un sans papier s’est évadé du centre de rétention de Vincennes. Depuis cet évènement, les policiers sont particulièrement énervés et virulents envers les « retenus ». Par exemple, ils entrent dans les chambres pour faire des fouilles à n’importe quelle heure de la nuit, ils font entre 8 à 10 rondes par 24 heures, au lieu de 3 habituellement. Suite à cette évasion, les policiers ont eu pour ordre de dénombrer, tous les soirs, les sans-papiers pour vérifier qu’aucun ne s’est enfui. Avant hier, les retenus n’ont pas accepté de se faire comptabiliser comme du bétail et ont refusé de remonter dans leur chambre. Les policiers ont appelé les CRS en renfort qui ont passé une partie de la nuit à Vincennes. Hier soir, routine. Les policiers exécutent leur tour de surveillance et accusent un homme en train de fumer d¹avoir fait entrer un briquet en rétention. Ils le menottent pour l¹emmener en isolement. Les autres sans papiers jugent cet acte injustifié et interpellent à leur tour les policiers pour leur demander de le relâcher. Ils font valoir leurs droits et leur refus de l’arbitraire. Mouvement de masse, violences policières, au final, il y a trois blessés légers parmi les retenus. Ils ont vu un médecin, apparemment pas de jambe cassée. Les CRS sont revenus en renfort et sont restés jusqu’à 4 heures du matin.

31 décembre : peu après minuit un feu d’artifice a été tiré au-dessus du centre de rétention de Vincennes.

02 janvier 2008 : les Sans-papiers détenus au Mesnil-Amelot communiquent qu’ils poursuivent la grève de la faim.

03 janvier : une manifestation rassemble 200 personnes devant le centre de rétention de Vincennes. La mobilisation prend de l’ampleur. Tous les jours des rassemblements ont lieu devant le centre.

04 janvier : la préfecture organise une visite guidée pour les journalistes afin de prouver que rien ne se passe à l’intérieur et que les conditions de détention n’y sont pas inhumaines, les crapules relaient complaisament. Le même jour, Paul WEM, prisonnier du Mesnil-Amelot également considéré par les keufs comme un meneur, est expulsé vers le Gabon alors que le Tribunal administratif de Melun n’avait pas encore statué sur le recours formé la veille contre son APRF (arrêté de reconduite à la frontière). Or, il se trouve qu’il ne serait pas gabonais, mais camerounais. À ce titre, l’accès au territoire gabonais lui est interdit – et il demeure enfermé, en zone d’attente au moins dix-neuf jours.

05 janvier : une manifestation rassemble un millier de personnes devant le CRA de Vincennes. Parloir sauvage, chants et échange de slogans avec les détenus ; feu d’artifice depuis le parking. Les flics chargent et matraquent, une personne est arrêtée, elle sera relâchée le lendemain.

09 janvier : Les détenus nous racontent que le samedi 5 janvier, la police est venue voir les et leur à demandé d’arrêter en échange d’une prochaine libération. Alors que la grève de la faim a cessé, personne n’a été libéré et les pressions policières continuent : les fouilles quotidiennes plusieurs fois par jour, les difficultés à voir un médecin… Leur impression est que les autorités du centre veulent les diviser. Ce qui fait dire à certains que si rien ne change d’ici demain, ils reprendront la grève de la faim.

10 janvier : Hier à 19 heures, ne voyant aucune libération, les détenus ont refusé d’être comptés et de descendre au réfectoire. Ils nous disent qu’ils restent solidaires et prennent les décisions ensemble.

11 janvier : Ils continuent de se réunir et dénoncent la manière dont la police leur attribue arbitrairement une nationalité, comment les détenus sub-sahariens sans passeport sont présentés aux ambassades de Guinée, du Mali ou du Sénégal qui délivrent des laissez-passer sans preuve de leur nationalité.

13 janvier : Un détenu témoigne de ce à quoi peut ressembler une journée au centre de rétention de Vincennes. « Tous les matins on nous fouille. On descend au réfectoire vers 9 h. Ce midi, on nous a servi des haricots blancs périmés depuis le 5 janvier. Quand on l’a signalé, on nous a répondu qu’ils n’étaient pas là pour regarder les dates. Qu’ils ne voulaient rien savoir. Quand on se repose, les policiers viennent fouiller les chambres. La nuit, ils sont dans le couloir. Lorsque qu’on doit se rendre aux toilettes, ils nous suivent et laissent la porte ouverte. Ils nous provoquent. Ils nous dérangent la nuit en mettant l’alarme entre minuit une heure, pour qu’on ne dorme pas. Malgré tout, on doit se réunir pour communiquer Il ne faut pas qu’on lâche. Il faut que tout le monde soit d’accord pour relancer la lutte. »

14 janvier : Nous continuons de téléphoner quotidiennement au centre de rétention de Vincennes. On nous a confirmé que dans un pavillon, une vingtaine de personnes ont refusé de s’alimenter pendant au moins trois jours.

15 janvier : Nouvelles du CRA de Vincennes : “On continue de discuter entre nous. On fait des réunions entre les deux pavillons : une personne se rend au grillage pour raconter aux autres ce qu’il se passe dans l’autre pavillon et vice-versa.”

16 janvier : « On a fait une réunion. On s’est parlé pour relancer le mouvement. Beaucoup de personnes n’ont pas le moral. Il ne faut pas baisser les bras.”

19 janvier : Dans le cadre de la journée d’action contre les centres de rétention et contre la directive européenne qui prévoit d’allonger la durée de rétention, 4000 personnes manifestent jusqu’au centre de rétention de Vincennes. “Près de 400-500 personnes rentrent sur le parking. Les flics tentent de les en empêcher. Gros pétards qui détonnent, caillasses, pots d’échappement, bouts de bois et cannettes commencent à voler sur les gardes mobiles et les keufs. De l’autre côté, loin derrière les différentes lignes de gardes mobiles, et derrières les barbelés du centre, les retenus sont là. Ils gueulent « Liberté », ils chantent, agitent des draps blancs ainsi que des banderoles. Ils ne semblent pas se laisser abattre et ils ont l’air toujours bien déterminés. Pas d’arrestation, un feu d’artifice tiré, une voiture (de keufs ou de bourge ?) a vu un de ses pneus crever… Le soir même, la police est entrée dans les chambres pour fouiller et retourner les matelas.

Des manifs ont lieu dans de nombreuses autres villes contre les centres de rétention : Angers, Nîmes, Lyon, Rennes … A Toulouse, une personne enfermée crâme son matelas au moment du rassemblement.

22 janvier : Depuis le matin, 20 sans-papiers (sur les 30 présents) retenus au CRA de Palaiseau sont en grève de la faim pour obtenir leur libération. À minuit, à Vincennes, les détenus ont refusé d’être comptés et de rentrer dans leurs chambres. Ils ont essayé de dormir dehors. Les CRS sont intervenus pour les obliger à réintégrer leurs chambres. Tout le monde criait L-I-B-E-R-T-É.

23 janvier : A Vincennes, des détenus ont mis le feu à leur chambre, en brûlant des papiers. La police et les pompiers sont intervenus. Ambiance extrêmement tendue. 6 personnes en grève de la faim au centre de rétention de Nantes. Un rassemblement est appelé le jour même devant le centre

24 janvier : Certains détenus ont refusé de manger et ont jeté la nourriture sur le sol.

25 janvier : Depuis 18h30, les sans-papiers du centre de rétention de Vincennes se battent contre la police. Ils ont commencé par refuser de se rendre réfectoire pour protester contre les traitements indignes qu’on leur inflige tous les jours. 21H : un détenu nous raconte que Brard (député-maire de Montreuil) est venu dans le centre de rétention : « Il nous a dit qu’il fallait respecter les policiers. Il nous a dit qu’ils n’étaient pas responsables et que les décisions venaient de plus haut. Les gens lui ont répondu qu’ils ne cherchaient pas améliorer leurs conditions de détention, ils veulent la liberté. ». Une chambre a déjà été incendiée. Sur place, on parle d’émeutes. A Nantes, un des grèvistes de la faim est libéré. Un autre considéré comme un des meneurs est envoyé sur Rennes.

26 janvier : entre 16H et 20H, une trentaine de personnes se rassemblent en solidarité devant le centre de Vincennes. Fort déploiement de flics qui tentent de canaliser le rassemblement loin des grilles, mais à deux reprises des parloirs sauvages s’improvisent avec cris et échanges de slogans avec les retenus. Ensuite le parking est évacué manu militari.

Compte rendu de détenus : Midi « Un premier feu a pris dans les toilettes. Ensuite, deux chambres ont brûlé. On a refusé de manger. On a empêché l’accès au réfectoire en bloquant les portes. La police nous a demandé de laisser passer ceux qui voulaient manger. Ils ont fini par nous dégager. Mais seulement une minorité est allé manger. » Pendant le rassemblement (15h) « La police nous empêche l’accès à la passerelle depuis laquelle nous pouvons vous voir. Mais nous pouvons vous entendre. »18h « Une soixantaine de CRS sont entrés dans le centre. Ils ont fouillé toutes les chambres. Ils nous ont fouillé. Ils ont trouvé un briquet. Ils ont transféré deux personnes dans l’autre bâtiment. » Le soir, des détenus sont tabassés

27 janvier : La tension ne cesse de monter depuis hier soir au centre de rétention de Vincennes. Les familles ont attendu en vain de pouvoir rendre visite à leur proche. Les affrontements directs entre sans-papiers et policiers ont repris dès cet après-midi. Deux départs de feux ont de nouveau nécessité l’intervention des pompiers. Un sans-papier qui doit sortir tantôt expliquait se faire tout petit, rester dans son coin pour ne pas se faire remarquer : « on dirait que c’est la guerre ici ». Autres échos : 15h « Aujourd’hui, dans le bâtiment deux, le feu a pris dans une chambre de quatre personnes. Les pompiers sont entrés pour éteindre le feu. Ils nous ont enfermés dans le réfectoire. 20 policiers sont venus chercher 4 personnes violemment. Ils sont en garde-à-vue pour avoir mis le feu au centre. »

Vers 15 heures, une soixantaine de personnes tentent de se rassembler pour protester contre le camp de rétention de vincennes, mais la présence policiére massive encadre immédiatement le rassemblement.

28 janvier : Rassemblement d’une vingtaine de personnes à Nantes devant le CRA au commissariat Waldeck-Rousseau, où un détenu continue la grève de la faim entamée le 20 janvier. Des slogans sont lancés au rythme des tôles ondulées du chantier. Un rassemblement est appelé tous les soirs devant le Centre à partir de 17h30. A Rennes, au CRA de St Jacques de la Lande une grève de la faim a également débuté.

Au Centre de Vincennes, l’ambiance est extrêmement tendue.Trois tentatives de suicide et les personnes sont transportées à l’Hôtel Dieu. Quatre détenus sont mis en isolement : motif, ils parlent trop avec les « agitateurs  » de l’extérieur, ou ils se sont mis en colère pour une visite supprimée. Quatre autres personnes sont extraites du Centre et placées en garde à vue. Considérés comme meneurs, ils sont accusés de la mise à feu des chambres.

29 janvier : A l’issue de la garde à vue, deux des personnes sont relâchées et ne sont pas ramenées en centre de rétention. Deux autres détenus qui ont fait une tentative de suicide sont libérés.

30 janvier : Les deux autres personnes placées en garde à vue, sont transférées au dépôt pour passer devant la 23 em chambre correctionnelle à Cité. Pour l’une d’entre elles, le dossier est directement classé par le procureur faute d’éléments, elle est relâchée. La deuxième passe en comparution immédiate. La qualification retenue est « incendie involontaire avec une cigarette oubliée allumée ». Il prend deux mois avec sursis mais est immédiatement libéré. Les quatre sont donc libres. Au Centre de Vincennes, deux nouvelles tentatives de suicide.

31 janvier : des détenus contactés par téléphone à Vincennes expliquent que certains d’entre eux sont toujours en isolement, d’autres en grève de la faim, d’autres désespérés parlent de suicide.

1 février : une quinzaine de détenus déchirent leurs cartes (qui servent à la fois à avoir accès à la bouffe, au médecin, à la Cimade, mais aussi à vous contrôler à chaque instant et à vous compter à minuit). Ils les jettent ensuite dans le couloir.

3 février :Un détenu explique que la situation est toujours tendue dans le Centre : de nombreuses personnes sont en grève de la faim, tous les jours il y a des tentatives de suicides (par pendaison, médocs ou en se tailladant les veines). Après passage à l’Hôtel Dieu, c’est très aléatoire : ces personnes sont soit relâchées, soit ramenées au Centre. Il dit aussi que des bagarres éclatent régulièrement avec les flics et que ces derniers flippent qu’ils foutent le feu. Le rassemblement et les feux d’artifice de samedi soir ont bien été entendus à l’intérieur. Ca fait toujours chaud au coeur…

Au Cra 2, des détenus se sont réunis pour écrire une lettre au commandant du centre. La police a voulu isoler la personne qu’il jugait être à l’initiative de cette lettre. Les détenus s’y sont opposés. Deux d’entre eux ont été mis en isolement, un autre a le doigt cassé. Cra 1 « Dimanche, on a refusé de manger le midi et le soir. La nourriture était périmée. On a décidé d’écrire une lettre au commandant. Pendant qu’on l’écrivait un policier est passé dans le couloir pour demander ce qu’on faisait. Il a ajouté que c’était n’importe quoi. Quelqu’un lui a répondu « ta geule ! ». Il est parti et il est revenu avec 5 collègues. Ils ont voulu le prendre récupérer la lettre. On a refusé. On a dit qu’il n’avait rien fait qu’il ne faisait qu’écrire une lettre. On a manifesté pour qu’il laisse le monsieur. Alors, une quarantaine de policiers du centre ont débarqué et nous ont frappés. Un monsieur a le doigt cassé. Il a un certificat médical. Il a porté plainte contre le policier avec la Cimade. Ce soir on a une réunion tous ensemble. » « On a voulu écrire une lettre au commandant. À ce moment-là, un monsieur égyptien est venu me voir pour me demander s’il pouvait dormir avec des gens qui parlent la même langue que lui. Le policier était pressé de le ramener dans sa chambre. J’ai répondu au policier de nous laisser nous entraider et de se taire. Cinq autres policiers sont revenus pour m’enmener. Les autres retenus s’y sont opposés. Ils sont alors revenus à vingt pour m’emmener. Les autres retenus s’y sont opposés. Ils ont cassé le doigt à un monsieur et ils ont gardé deux personnes. Pendant tout ce temps, on s’est mobilisé pour qu’ils les libèrent. Ils ont finalement été relâchés.

04 février : « Hier, une quinzaine de personnes ont déchiré leurs cartes et les ont jetées dans le couloir. La police nous parle mal.Les rasoirs qu’ils nous donnent, je ne sais pas ce qu’ils ont. Parfois, je me demande s’ils n’ont pas déjà servi. Tous les gens qui s’en servent ont des boutons. Hier soir, un nouveau retenu est arrivé, les flics ne lui ont pas donné de chambre, ils lui ont dit : « trouve-toi une chambre ». Ils font cela quand il n’y plus de place dans le centre. Les refus de comptage, je dirais que c’est presque tous les jours. Parfois, on refuse un peu. Parfois, on refuse beaucoup. »

05 février Cra 2 : « Il n’y a toujours pas de chauffage. Le soir, il fait froid dans les chambres. Ça fait 11 jours que je suis ici. C’est la première fois que je rentre dans un centre de rétention C’est une prison, ça rend les gens dépressifs. Moi, je ne m’alimente pas depuis 11 jours. Hier soir, les flics ont éteint la télé. Un jeune a demandé aux flics de la rallumer. La policière lui a répondu : « Va te faire enculer ! » Il lui a sauté dessus. Ils se sont battus. Ils l’ont placé en isolement. On a manifesté pendant 20 minutes pour qu’il en sorte. Ils l’ont sorti de l’isolement. Aujourd’hui, il a été libéré. Ils m’ont retiré mon portable parce qu’il y avait une caméra. On n’a pas le droit d’avoir de stylos ni de papier. »

« Je suis passé hier devant le Juge des Libertés et de la Détention. On était sept. C’était décidé d’avance. On a tous pris 15 jours de plus. Tout à l’heure, le commandant m’a reçu dans le couloir. Je lui ai parlé de nos préoccupations. Ils nous ramènent des jeunes policiers qui nous insultent. Nous avons des problèmes pour accéder aux soins. Des personnes sont expulsées sans être averties à l’avance. Ils viennent les chercher tôt le matin pour les emmener. Les gens du guichet ne nous respectent pas. Quand nous avons besoin de leur demander quelque chose, ils ne nous répondent pas. Ils restent à parler au téléphone. La nourriture est périmée. Les briquets sont interdits. Si nous voulons fumer, il faut demander du feu aux policiers qui disent ne pas en avoir. Les policiers se moquent de nous. Ils nous disent qu’ici on est nourri et logé et nous demandent ce que l’on veut de plus. Ils nous manquent de respect. Parmi les policiers certains sont racistes. Ils disent qu’ils sont chez eux et pas nous. Ils veulent créer des problèmes entre les ethnies. Lorsqu’on refuse de manger, ils nous disent de laisser manger les Chinois, de laisser manger les Congolais. Mais nous sommes tous d’accord pour ne pas manger et personne n’est forcé. Nous, on veut notre liberté. On n’est pas venu en France pour aller en Prison. On a dit au commandant qu’aujourd’hui nous attendions des réponses à notre lettre. »

07 février : J’ai parlé au commandant au sujet de la lettre. Il m’a dit l’avoir faxée au préfet. Mais il n’y a toujours pas de résultats. Des gens ont été libérés. Des nouveaux arrivent dans le centre. Je ne peux pas leur parler de la lutte tout de suite. Je dois d’abord leur expliquer comment fonctionne le centre. Ils doivent d’abord régler leurs affaires avec l’ambassade. C’est dur de les convaincre.

08 février : CRA 1 « Il y a un peu de calme. La plupart des anciens, les plus combattants ont été libérés. Il y a beaucoup de nouveaux. Il ne peuvent pas tout de suite se mettre à protester. Il faut qu’ils voient et qu’ils comprennent. Ceux qui sortent de garde-à-vue, ils ont faim, on ne peut pas leur dire de ne pas manger. Pour l’instant, il n’y a pas de cœur à faire des choses. Moi aussi, j’ai senti que j’étais en danger. Mais, je sais qu’il est important que nous exprimions notre colère. On a toujours pas eu de réponse à la lettre que nous avons écrite. On s’est un peu arrêté. Quand nous faisons des choses à l’intérieur notre but est de mobiliser les associations. Si elles ne se mobilisent pas, c’est difficile. »

Nous les informons de la manif du lendemain. « C’est bien, cela va nous faire plaisir. On va essayer de sortir et de manifester avec vous. » Nous leur expliquons que la police nous empêche d’approcher trop proche du centre.. « Nous aussi, elle nous empêche de venir vous voir. »

Il y a un garçon malade. Il était dans une chambre en bas proche de l’infirmerie. Quatre policiers sont venus pour l’emmener de force dans une chambre en haut. Nous sommes tous sortis des chambres et nous avons dit aux policiers de l’emmener à l’hôpital ou de le laisser dans la chambre proche de l’infirmerie. Ils l’ont finalement emmené à l’hôpital. »

09 Février : Nous appelons depuis le rassemblement devant le centre de rétention de Vincennes. CRA 1 « On vous entend. Nous aussi, on a manifesté à l’intérieur pour vous accompagner. Une personne a été mise en isolement. On s’est tous rassemblés. Une personne de chaque communauté est présente. On discute de ce que l’on peut faire dans les prochains jours. Il faut que vous restiez mobilisés. » CRA 2 « On est sortis dehors. On vous a vus. On s’est tous mis à la grille et on a crié liberté. J’ai l’impression qu’en France tout le monde devient « bleu ». Les policiers étaient plus nombreux que vous les manifestants. »

10 février : « Ce midi, nous avons refusé de manger. La date de péremption de la nourriture est aujourd’hui. Nos proches ne peuvent pas nous amener à manger dans le centre. Les policiers disent que c’est interdit. Nous devons aussi acheter nos cigarettes dans le centre. On en dépense de l’argent ici. »

11 février : « Les gens n’ont pas le moral. Plus personne ne descend dans les salles communes. Le réfectoire et la salle télé sont vides. Les gens restent dans leur chambre. On sort s’asseoir dehors entre 14 et 16 heures quand il y a du soleil. Je suis là depuis 18 jours et je suis fatigué. J’ai envie de sortir. »

12 février : A 1h25 du matin, nous recevons un coup de téléphone de quelqu’un avec qui nous sommes en contact à l’intérieur du centre « Tout a commencé vers 11H30 suite à une provocation de la police. Nous étions dans la télé. La police a éteint la télé sans rien dire, sans explication. On a demandé qu’ils la rallument. Ils n’ont pas voulu. Le ton est monté très vite. Ils ont voulu prendre une personne pour la mettre en isolement. On a empêché la police de le prendre. Ils nous ont demandé de monter dans les chambres pour le comptage, on a refusé. Alors, ils sont revenus en nombre. Ils étaient plus de 50. Ils y avaient des CRS et des policiers. Ils nous ont séparés en deux groupes puis ils nous ont tabassés dans l’escalier, dans le couloir dans les chambres. Je dirais qu’il y a cinq personnes blessées dont deux graves. L’un semble avoir le bras cassé, l’autre le nez cassé. Pour celui qui a le nez cassé, ils sont rentrés dans sa chambre et ils l’ont tabassé. Il y a plein de sang dans sa chambre et dans le couloir. L’infirmier est venu et il a dit qu’il ne pouvait rien faire et qu’il fallait appeler les pompiers. Les pompiers sont venus. Ils ont emporté cinq ou six personnes. Certains sont à l’hôpital, d’autres sont en isolement, on ne sait pas trop. »

Témoignage recueillis ce matin mardi 12 février 2008 à 11 h. « Entre 3 h 30 et 4 h, ils sont venus nous fouiller. Ils nous ont tous sortis dehors. Certains n’ont pas eu le temps de s’habiller. On a attendu une demi-heure dans le froid. Pendant ce temps-là, ils ont fouillé les chambres. Puis, ils nous ont fouillés 10 par 10. Quand nous sommes rentrés dans les chambres, on a trouvé un Coran déchiré et piétiné. Des chargeurs de portables détruits, les fils coupés, des téléphones avaient disparus. »

Départ et mise à feux de deux chambres 3h. Deux blessés graves emmenés à l’Hôtel Dieu dans la nuit. Cet après midi, un est rentré au CRA AVEC LE CERTIFICAT MEDICAL : traumatisme crânien sans perte de connaissance, avec plaie et agrafes, et hématomes importants au bras.le deuxième n’est pas revenu ce soir, il aurait le nez cassé.Les 4 personnes considérées comme responsables des violences ont été transportées au CRA2.

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