échec lutte l.r.u
Catégorie : Global
Thèmes : Luttes étudiantes/lycéennes
L ‘échec du mouvement étudiant contre la « loi de réforme des
Universités » (LRU) n’est pas une défaite extérieure. L’expliquer
par la seule action des étudiants anti-bloqueurs soutenus par les
organisations de droite, ou par la seule « capacité de conviction » du
gouvernement dans le rapport de force qui l’oppose à sa prétendue contestation,
revient à s’interdire de le comprendre véritablement.
Les raisons de l’échec sont à chercher du coté des formes d’organisation de cette lutte elle-même et d’un choix tactique monomaniaque ainsi que dans l’idéologie à laquelle elle est intégrée et qu’elle reproduit plus ou moins consciemment.
Les Assemblées Générales,ont été par excellence le lieu d’une telle reproduction. Ce n’est
rien de moins que leur bureaucratisation de fond en comble, par l’action combinée des syndicats
et organisations majoritaires, qui a conduit à la sclérose du mouvement. De ce fait, elles n’ont été
qu’une pépinière de commissions,comités et pinailleries.
Exclusivement centrées sur la question du blocage, elles se sont dès l’origine, par principe, fer-
mées à toute émergence possible d’une vision de la logique capita-liste dont toutes les lois ne sont
que le produit. Elles se sont fermées à toute forme de projetvéritable de société. Même aux
moments les plus forts du mouvement, ou la question du blocage était acquise, au moment ou les
anti-bloqueurs avaient déserté les lieux, alors que les discussions pouvaient prendre de la hauteur, les A.G. restaient aveuglément et quasi mécaniquement tendues vers l’objectif de faire voter le blocage.
Leur fonctionnement effectif peut se résumer à ceci : avaliser la plupart des propositions d’un comité de lutte noyau-
té par les syndicats étudiants réformistes. Ce comité de lutte devenait, de fait, un comité décisionnel, en contradiction avec la
souveraineté de l’AG.
Ainsi les AG des étudiants tel-
les qu’elles se sont déroulées lors
de ce mouvement, loin d’être un
lieu de discussions, de proposi-
tions d’organisation émanant de
chacun des individus en lutte, loin
d’être le lieu d’une critique sociale effective, n’ont été qu’un lieu de discours.
En fait de critique et de projet de société, la seule juxtaposition de revendications partielles, dont celle du réengage-
ment financier de l’Etat qui ne signifie pas autre chose que larevendication, portée par les étudiants, de leur propre reconnais-
sance par la logique qui les écrase. Le mouvement étudiant n’afait ainsi que préparer purement
et simplement les conditions de sa propre soumission, de son propre échec. Il faut ici souligner que
le seul point des discours qui rencontrait l’adhésion des grévistes comme de leurs opposants était
celui de la croyance en la valeur des diplômes et du travail qu’ilsimpliquent. L’illusion la mieux par-
tagée du milieu étudiant, quelles que soient les directions politiques, ne signifie à son tour pas
autre chose que la volonté d’intégration à cette froide mécanique
sans sujet qu’est la logique capitaliste elle-même. Comme l’ensemble des grèves syndicalistes,
celles des étudiants, de politique qu’elle était encore en 68, s’est transformée en grève revendicative dans un premier temps pour en être réduite aujourd’hui au rang de grève défensive.
Pourtant, c’était du mouvement contre le CPE que le mouvement étudiant actuel prétendait avoir tiré les leçons. Or, c’était
bien contre la société capitaliste dans son ensemble, et contre les moyens que son idéologie met en œuvre pour toujours tuer dans l’oeuf toute forme auto-organisée et autodéterminée, qu’une partie des acteurs du mouvement contre le CPE s’était élevée.
Malgré cela, là où les différents groupes se
réclamant de la tendance « Ni
CPE, ni CDI » avaient commencé à
se coordonner en vue d’une cri-
tique radicale et globale du travail
forcé lui-même, en vue du refus
d’un avenir qui serait toujours
celui de l’exploitation en bonne et
due forme au-delà du seul CPE, le
mouvement actuel s’est enferré
dans le refus d’une seule loi qu’il
s’est révélé finalement incapable
de repousser, étant d’ores et déjà
au pied du mur.
Force est donc de constater que le bénéfice des leçons, des avancées en matière d’organisation et de modes d’action, n’a pas
profité pour cette fois. La seule « leçon » retenue a été d’ordre tactique. Mais retenue ne veut pas dire comprise ; tout au contraire.
La tactique des blocages, expérimentée lors du CPE, avait certes largement contribué au succès dumouvement. Mais ce succès a été le produit non des blocages en eux-mêmes mais de la critique générale du système dans laquelle ils s’inscrivaient. Ne retenant de cet ensemble que l’outil, convaincus qu’ « à moins de cent » on pouvait bloquer, par tous les temps, une fac de 30 000 étudiants, une partie du mouvement s’est obstinée à jouer la carte du blocagepour le blocage. Peut-être espé-
raient-on comme cela « radicaliser » les étudiants en lutte.
En fait,ce sont les non-grévistes qui se sont radicalisés, organisés(d’ailleurs efficacement) et opposés au blocage jusqu’à le faire
sauter. Ce que les organisations d’extrême-droite n’avaient pu réaliser, une tactique faussement révolutionnaire (puisque décon-
nectée de son fond idéologique) est parvenue à le faire.
Dans une situation sociale générale explosive, certains étudiantEs ont tout de même cherché à sortir de la fac, à unir leur mouvement à celui des travailleurs en lutte.
Les tentatives faites dans ce sens n’ont jamais rencontré le soutien qu’elles méritaient, et la volonté « d’élargir le mouvement »
est restée lettre morte. L’étape actuelle du mouvement étudiant
se clôt donc par un triple échec :
*idéologique,
* organisationnel et
* tactique
Cet échec est aussi le nôtre.
Bien qu’ayant analysé assez rapidement la situation et compris l’impasse tactique dans lequel le mouvement s’enfermait, nous n’a-vons pas été en capacité d’en modifier le cours. Il nous semble cependant que les trois lignes de force qui se dégagent en creux de notre critique (inscription de la lutte dans une analyse du système, organisation d’assemblées populaires, souplesse tactique) sont de nature, si nous parvenons à les porter comme il convient, à modifier la suite des événements.
Car il y aura bien d’autres événements…
Julien
(NB : Cet article fait référence à la
situation toulousaine
Pendant plusieurs semaines, un mouvement a secoué les universités françaises. Les étudiants mobilisés réclamaient l’abrogation de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (dite LRU), votée en catimini le 10 août dernier (voir Partisan n°216). Le mouvement a duré plusieurs semaines, malgré la trahison rapide de l’UNEF. Des étudiants sympathisants de Voie prolétarienne ont participé au mouvement dans les facultés de Tolbiac (Paris 1) et de Saint-Denis (Paris 8).
A l’instar de Nanterre, Rennes II ou du Mirail, la faculté
de Tolbiac (Pierre-Mendès-France de son nom de baptême) est de celles qui lancent les mouvements étudiants. Le noyau militant est constitué de quelques dizaines de syndicalistes (SUD, FSE, CNT) et d’autonomes, «vétérans» de la lutte anti-CPE. Parmi les syndicalistes, beaucoup de militants des JCR, quelques-uns du PCF ou de petits groupes trotskystes (CRI). Autour d’eux, s’est agrégé un deuxième cercle de plusieurs centaines d’étudiants, généralement en première année de licence (le Centre Tolbiac accueille principalement des première et deuxième années), qui vivent leur première lutte étudiante.
Les assemblées générales commencent dans la semaine du 8 octobre, soit une semaine après le début des cours. Elles ont lieu dans l’amphithéâtre N, le plus grand du centre, qui compte un peu moins de 800 places assises. Les premières AG sont maigrichonnes : quelques centaines d’étudiants, pour la plupart déjà engagés. A chaque nouvelle assemblée (2 par semaine), les étudiants, rameutés par les tracts et les affiches, sont plus nombreux. Les choses sont plutôt bien organisées, le débat à peu près démocratique. Finalement, après deux semaines, nous sommes près d’un millier : l’AG est assez légitime, on peut voter le blocage. C’est parti pour six semaines de lutte. Malheureusement, le mouvement révèle rapidement ses limites, principalement dues à l’emprise des idées petites-bourgeoises.
Domination du spontanéisme. L’idéologie libertaire fait consensus parmi les leaders. La plupart expriment une aversion pour une organisation autonome et poussée du mouvement étudiant. Le mouvement est théoriquement mené par deux structures très lâches, aux prérogatives respectives très floues : les assemblées générales et les comités de grèves ou de mobilisation. Les premières sont vouées à réunir tous les étudiants et à organiser le débat entre eux. Elles sont l’expression de la souveraineté des étudiants et de l’autonomie de leur mouvement (du moins théoriquement). On y vote les mots d’ordre et les modes d’action. Les comités regroupent les militants impliqués dans les luttes. Là, on discute des questions pratiques. Enfin, des commissions d’accès libre sont chargées de missions, comme la rédaction des tracts, les relations avec les médias ou les confédérations syndicales, etc.
Le refus d’une structuration du mouvement étudiant garantit la suprématie des organisations politiques et syndicales sur le mouvement, leurs mots d’ordre et modes d’action. Les militants trotskistes et anarchistes organisés dans les syndicats flattent le spontanéisme de la masse des étudiants et n’assument pas un rôle de direction politique au nom de l’unité jusqu’au bout. En AG, le débat tourne principalement autour de la question des piquets de grève. On ne peut pas discuter des questions politiques plus profondes sans être accusé de vouloir diviser le mouvement. Les mots d’ordres, votés en toute fin, lorsque tout le monde est crevé après 3 ou 4 heures d’AG, ne sont pas vraiment discutés. En comité de grève, seules les questions organisationnelles (notamment les querelles sans fin entre les uns et les autres sur la nature des mandats des délégués aux coordinations) sont tolérées, et là encore il n’est pas possible d’aborder les questions de fond (par exemple sur les mots d’ordres) sans être rabroué sous prétexte cette fois qu’«il y a des choses plus urgentes à faire». Il n’y a donc pas d’espace de discussion politique.
Tout le monde parle d’autogestion, mais dans les faits, il y a bien une base et un sommet. En haut, donc, les syndicalistes et les «totos» (les autonomes) rodés. En bas, les étudiants fraîchement introduits dans la lutte. Les premiers, souvent à courir à droite et à gauche, s’arrogent de fait le travail intellectuel : participation aux commissions, délégations en coordination nationale ou chez les cheminots. Les militants de bases se chargent du travail ingrat, la diffusion des tracts et la tenue des barrages.
Mots d’ordre réformistes. Le premier constat, c’est la domination idéologique totale de la petite bourgeoisie sur le mouvement. Toutes les organisations syndicales entretiennent les mêmes illusions sur le service public et le rôle de l’université dans l’Etat bourgeois. Même la CNT, qui se plaît à se présenter comme un groupe de purs et durs, n’est pas en reste avec des slogans du style «l’université n’est pas une marchandise». Ainsi, il serait possible d’obtenir, dans une société capitaliste, des universités d’Etat «libres» et «critiques». Comme quoi, on peut se prétendre marxiste et nier la dictature de la bourgeoisie.
En fait, la petite bourgeoisie crie son désespoir. Elle refuse d’admettre qu’il est impossible de revenir à l’«âge d’or» des Trente glorieuses, lorsque l’Etat pouvait se permettre d’investir dans un appareil éducatif massif et gratuit, et relativement accessible (mais bien évidemment au service de l’idéologie bourgeoise). Or, actuellement, du fait de l’aggravation de la crise capitaliste, l’Etat se doit de mettre un tour de vis et d’augmenter la rentabilité de son système éducatif. D’année en année, le nombre de places aux concours du CAPES et de l’agrégation diminue. La sélection est des plus féroces. Ce n’est pas un hasard si la plupart des militants du mouvement sont étudiants dans des filières où les concours de l’Education nationale constituent le premier débouché : histoire, philosophie, arts… D’où la revendication d’une augmentation du nombre de postes dans l’éducation, d’où les illusions sur la nature de l’état : on ne mord pas la main qui vous nourrit. Ce qui pousse beaucoup de ces étudiants à la lutte, c’est, avant tout, une peur bleue du déclassement ou la crainte de ne pouvoir prendre «l’ascenseur social».
Les étudiants sont bien conscients de la nature en partie corporatiste de leurs mots d’ordres. Ils vont donc tenter de gommer cet aspect en cherchant à se rattacher aux luttes ouvrières. On vote en assemblée générale des motions de soutien aux sans-papiers ou aux cheminots en grève (mais qui n’engagent à rien), on court derrière les bureaucraties syndicales. Une manifestation caractéristique de cette volonté de rapprochement, c’est l’identification aux luttes ouvrières par l’utilisation d’un vocabulaire emprunté : on parle de «piquet de grève» pour les barrages, de «débrayage» lorsqu’on perturbe les cours. On répugne à utiliser le terme de «blocage» et on lui préfère celui de «grève». Nous avons même entendu certains étudiants affirmer sans rire qu’ils bloquaient leur outil de travail !
Il ne faut pas compter sur les organisations politiques d’extrême-gauche pour orienter les mots d’ordre. Celles-ci font preuve d’un suivisme total. Même la militante de LO, très impliquée, n’émet jamais de critique politique. De la LCR et du PCF, n’en parlons pas.
La sympathie des étudiants envers les revendications de la classe ouvrière et leur volonté de se lier à son combat, même de façon inconséquente, sont le signe positif d’une prise de conscience, en rupture avec les revendications corporatistes. Toutefois l’unité avec la classe ouvrière ne se fera pas, comme le souhaitent les syndicalistes dirigés par les trotskistes et les réformistes, par le haut, par un accord entre bureaucraties syndicales ouvrières et étudiantes. Les liens solides avec le prolétariat ne peuvent se construire que dans des relations directes entre comités ouvriers et comités étudiants en lutte. Pour construire cette unité politique, il faut aussi combattre les illusions et perspectives réformistes parmi les étudiants, par le débat et en rompant avec l’activisme. C’est le rôle des militants communistes marxistes-léninistes à l’université.
Le mouvement social de l’automne 2007 a une nouvelle fois fait ressentir les blocages liés aux bureaucraties syndicales. Alors que les journées de grèves ont atteint des records dans certains secteurs (SNCF,…) et que le mécontentement a été massif, il a fallu toute l’application des directions syndicales pour empêcher le développement d’un mouvement de grève reconductible puis pour éviter ensuite la convergence des luttes. Malgré les rivalités entre syndicats, obligés de rester à l’écoute de la base, cette période a démontré une fois de plus la nécessité d’une auto-organisation de la lutte.
— Auto-organisation et syndicats
Les commentaires sur ce mouvement de l’automne laissent penser que l’auto-organisation a fait de grands progrès : la majeure partie des AG de la SNCF revendiquait le retour aux 37,5 annuités pour tous, contre la position des syndicats (sauf SUD-Rail), et refusait les négociations tripartites entreprises par entreprises. Mais cela n’a pas suffit pour empêcher les syndicats, à l’exception encore de SUD, de participer à ces négociations, au mépris de l’avis de la base.
L’organisation en Assemblées générale et la souveraineté de ces AG ne semblent plus contestées dans certains secteurs faiblement syndiqués (chez les étudiants où l’AG est le seul moyen de se mobiliser), elles restent un combat dans d’autres secteurs, comme l’éducation, où les AG sont faiblement fréquentées.
L’auto-organisation vise justement à éviter la substitution des syndicats aux prolétaires en lutte. Or le syndicalisme est bien le résultat de la volonté d’organisation du prolétariat. Mais le fonctionnement de la structure syndicale (prise en main par une catégorie du prolétariat, voir de la petite bourgeoisie) et l’institutionnalisation du syndicalisme (son intégration dans les processus de gestion de la vie économique et sociale) contribuent à éloigner le syndicat du prolétariat dont il est plus le représentant que l’émanation. La plupart des syndicats sont, de façons différentes, entre les mains d’une bureaucratie qui défend des intérêts parfois différents de ceux du prolétariat dans son ensemble.
L’auto-organisation vise alors à supprimer cette couche bureaucratique qui fait tampon entre les classes en lutte. La mise en place d’assemblées générales souveraines, où les personnes mobilisées peuvent prendre le contrôle de leur lutte, est le moyen essentiel pour mettre sous tutelle les bureaucraties syndicales.
Si ces pratiques d’assemblées semblent aujourd’hui assez largement entrées dans les habitudes, elles n’ont pas encore toujours acquis une légitimité incontestable. Le cas du mouvement étudiant contre la LRU nous fournit un bon exemple des limites ce cette auto-organisation.
— Le rôle des assemblées générales
Ce mouvement étudiant de 2007 a été massif, en tout cas au regard des mobilisations antérieures, et ce, dés le début. Nous pouvons d’ailleurs le constater en nous basant sur les chiffres des différentes AG qui ont parfois atteint des records. Par exemple, à Nantes, le 8 novembre, une assemblée générale a réunie plus de 1500 étudiants en droit. Le 21 novembre, 3000 personnes réunies à Grenoble. Fin octobre, 400 à Orléans, 600 à Strasbourg, 900 à Reims. Le 6 décembre, 2000 personnes en assemblée générale à Toulouse-Rangueuil, puis 2000 à Nancy.
Mais, a contrario, si les chiffres sont importants pour ce qui concerne les assemblées générales, ils sont faibles pour la participation aux actions et manifestations. A Rouen, fin octobre, l’assemblée générale rassemblant 700 à 1000 personnes est suivie d’une manifestation à 200 ! L’occupation décidée par une assemblée générale de 500 étudiants et étudiantes à Strasbourg le 16 novembre sera mise en œuvre par seulement 50 personnes.
Il semble en fait que les assemblées générales ne soient plus simplement l’instance de débat et de décision des personnes mobilisées, mais simplement le lieu de discussion et d’information où se fait le travail de conviction. La composition des assemblées ne cesse de changer, même des militants impliqués ne prennent plus la peine d’y venir systématiquement, à Paris VIII ou à Strasbourg par exemple. De fait les AG traitent plusieurs fois la même question et sont trop longues ou trop nombreuses, ce qui n’incite pas à s’y investir plus.
La participation massive aux assemblées générales n’est pas donc pas synonyme d’engagement. La conclusion qui s’impose est la nécessité d’un autre cadre de débat de fond, de « politisation », de conviction, permettant à l’AG de se concentrer sur ses taches stratégiques et d’organisation.
— La légitimité des assemblées générales
Si elle n’a pas été contestée à l’intérieur du mouvement anti-LRU, plusieurs signes « extérieurs » démontrent que la légitimité des AG n’est pas unanimement acceptée, d’autant plus qu’elle court-circuite les institutions syndicales capables de contrôler le mouvement.
Tout d’abord, l’organisation de la droite à travers ses nombreuses officines (« Etudiants Contre le Blocage », « UNI », « Stop la Grève » ou encore « Liberté chérie »), répond à une stratégie délibérée de l’Elysée pour tenter de contrer ce mouvement. Leurs nombreuses interventions en assemblée générale visaient à en empêcher le fonctionnement et la prise de décision. Leur volonté était évidemment de transformer l’Assemblée générale en lieu d’information, de propagande gouvernementale et de bloquer la lutte.
Les stratégies des administrations des universités étaient également très visibles. Dans leur volonté de « casser » le mouvement, tous les moyens étaient bons : fermer les universités pour empêcher la tenue des assemblées générales, organiser les votes à « bulletin secret » pour enlever la légitimité démocratique à l’assemblée générale et pour la livre à toutes les manipulation visant à placer la lutte sous la direction de la communauté universitaire (c’est-à-dire celle de la hiérarchie académique).Ces votes ont par exemple été organisés, dans la plus grande confusion et avec de nombreuses irrégularités, à Lille 3 (vote pour le blocage), Metz ou Rennes 2. Les administrations, sous la pression gouvernementale, sont même allé E s jusqu’à arrêter les cours pour faire voter les étudiants, sans participation aux débats, sous l’ordre des enseignants et des personnels de direction, contre le blocage ou la lutte.
Mais au-delà de toutes ces pratiques du pouvoir, le mouvement étudiant a lui-même contribué à paralyser ses AG. Dans les communiqués des coordinations nationales étudiantes, le comptage des universités mobilisées se fait à partir du nombre des assemblées générales de la semaine. Les assemblées générales sont vues comme une action de contestation par le simple fait qu’elles existent, ce qui n’est pas faux. Mais le mouvement ne se donne souvent pas de perspectives d’action, permettant réellement d’exercer une pression sur le pouvoir, en dehors de la douzaine de fac où les AG ont été suffisamment massives pour organiser des occupations ou blocages longs. L’AG est une action et non plus un moyen pour organiser l’action.
— L’organisation de la lutte
En dehors de l’assemblée générale, les diverses commissions, comité de grèves, ateliers, etc. n’ont pas démontré plus leur efficacité. Ces structures, plus petites, plus adaptées à l’investissement de chacun qu’une assemblée de 500 ou 1000 personnes, plus efficaces et moins lourdes à faire fonctionner, ont montrer les limites de l’engagement militant. Le bilan fait à Paris VIII est significatif et permet d’évoquer des problèmes plus ou moins présents ailleurs (Paris VI, Metz, Strasbourg, Aix-Marseille) : les horaires et les mandats ne sont jamais respectées, certaines commissions ne se réunissent pas fautes de participants (pourtant inscrits), d’autres sont sous le contrôle de quelque gourous charismatiques, et d’autres encore sont le lieu de confrontations musclées entre fractions politiques… En fait, ces structures souffrent du manque d’implication des non-militants présents dans la lutte, du manque d’autodiscipline de tous… et donc du fait que beaucoup des étudiants et étudiantes présents dans les AG ne sont pas convaincus de la nécessité de ces mobilisations ou ne souhaitent pas s’investir directement.
Ces problèmes sont relativement graves sur le plan de la démocratie, essentielle pour que les structures visant à l’auto-organisation ne tombent pas sous le contrôle d’une catégorie d’experts-militants. Or souvent, surtout dans les AG très massives, la parole est monopolisée par ces « experts ». La nécessité de choisir des délégués aux coordinations nationales renforce encore le rôle de ces intermédiaires, d’où, par endroits, la mise en place de quotas de « non-syndiqués » parmi ces délégués. Mais le problème reste le même : encartés dans les syndicats ou pas, une très petite partie seulement des personnes présentes en AG s’investit réellement. Et c’est ainsi que se dégage une nouvelle catégorie d’intermédiaires, au point que la salle se retrouve dans un rapport frontal avec la tribune, chargée de distribuer la parole et appliquer l’ordre du jour : soit on accepte ces « représentants », soit on la refuse, sans penser à simplement la contrôler ! A Paris VIII, le 24 novembre, la situation tendue entre la salle et la tribune aboutit au départ de celle-ci en plein milieu de l’AG, et donc… à la fin de l’AG !
Ne peut-on pas se passer de ces « délégués » ? Ne peut-on pas les remplacer ? Devant la passivité de nombre des personnes mobilisées, des idées semblent s’imposer pour transformer les facs en des lieux ouverts à la participation de tous, pour casser la hiérarchie universitaire, impulser une fac alternative. A Paris XIII, comme à Grenoble, diverses activités sont tentées pour repolitiser les lieux, permettre à chacun de s’investir dans le débat, instaurer une coopération entre enseignant-e-s et étudiant-e-s dans la formation universitaire !
— {{ Une auto-organisation à tâtons }}
Il semble évident que la simple existence des AG ne suffit pas à caractériser l’auto-organisation.
Ce mouvement étudiant qui proclamait haut et fort son fonctionnement démocratique et son indépendance vis-à-vis des syndicats a souffert d’une dépolitisation générale des facs et d’un manque de travail de conviction préalable.
La force d’un mouvement se joue… avant le mouvement.
L’importance d’une structure syndicale démocratique, comme SUD (sans toutefois avoir un regard angélique sur le fonctionnement de SUD), est primordiale. Paradoxalement, il semble bien que le contournement des bureaucraties syndicales se joue dans les syndicats et dans leur travail quotidien. Leur renforcement et leur légitimation sont nécessaires à leur démocratisation et leur activité reste essentielle pour permettre à chacun et chacune sur les facs d’avoir les armes utiles pour s’investir réellement dans un mouvement.
Alternative libertaire – Alsace
Le mouvement contre la LRU a pris place dans un contexte politique particulier : Sarkozy élu quelques mois plus tôt, avec pour objectif affiché de désarmer le mouvement social. Pourtant la grève du 18 octobre a rassemblé très largement, avec un cortège étudiant conséquent dans plusieurs villes. Cette manifestation et la reconduction de la grève à la SNCF ont donné une véritable impulsion au mouvement sur les universités. Il s’est étendu très rapidement : les réflexes du CPE et les
réseaux militants se sont réactivés rapidement. Ce mouvement a prouvé que les étudiants voulaient lutter, et qu’il était possible de résister à Sarkozy.
Pourtant nous n’avons pas obtenu l’abrogation de la LRU. Pourquoi ? Le mouvement s’est arrêté pour plusieurs raisons, notamment parce que la coordination nationale n’a pas réussi à s’imposer comme la direction du mouvement, ni à l’étendre à plus de la moitié des universités…
Une loi complexe…
Le mouvement est parti rapidement sur certaines facs, donnant l’impression à beaucoup de militants qu’il n’y avait plus besoin de convaincre, ou seulement pendant les AG. Or cette loi était assez complexe et ses conséquences difficiles à faire comprendre. La majorité des étudiants était en désaccord avec la logique générale de la loi. Mais parfois même les militants très investis ne pouvaient pas (ou ne cherchaient pas) à expliquer ce qu’elle changerait, très concrètement, à nos conditions d’étude.
Profs et IATOS, avec nous !
Si dans certaines facs (Censier, Saint-Denis) les professeurs et IATOS ont participé quotidiennement au mouvement avec les étudiants, ce fut assez rare ailleurs. Les présidents de facs ont cherché à diviser profs, personnels et étudiants… souvent avec succès, cette volonté d’isoler le mouvement étudiant n’ayant pas été combattue systématiquement par les syndicats
de profs et de personnels. Des pressions administratives ont été exercées sur les plus précaires, ceux qui auraient le plus volontiers rejoint le mouvement, puisque la loi les concernait directement.
Rebutés par ces obstacles, nous n’avons pas fait assez d’efforts pour les convaincre de participer. La réactivation du réseau « Sauvons La Recherche » et la création de « Sauvons L’Université » a été positive, mais tardive et insuffisante.
La répression
Elle a été plus importante et plus rapide que lors du mouvement CPE, pas tant dans les manifs (moins massives donc plus faciles à disperser), que sur les facs : il y a eu des interventions policières dans une quarantaine de facs pour briser les blocages et évacuer les occupations. De nombreuses facs ont été fermées administrativement, au moins ponctuellement. Ce qui a eu
pour effet de désorganiser le mouvement sur les facs concernées : difficile de réunir un comité de grève régulier et d’animer la grève quand ta fac est fermée un jour sur deux ou trois !
Le blocage, seul moyen d’extension du mouvement ?
Ces dernières années, le blocage des lycées et des facs s’est imposé à plusieurs reprises comme un moyen d’action nécessaire pour permettre à un maximum d’étudiants de participer aux assemblées générales, et rendre la grève possible.En effet, on ne peut plus faire grève simplement en n’allant pas en cours, il faut faire en sorte que les cours ne se tiennent pas, pour éviter la défaillance, la perte de bourse etc. Cependant, le blocage a souvent été pris comme une fin en soi, plus que comme
un moyen d’action au service de l’élargissement de la grève. Parfois, plus d’efforts ont été consacrés pour le maintien d’un blocage avec peu de grévistes, que pour (re)convaincre les étudiants de la justesse du mouvement, des problèmes que posait
la loi etc. Du coup il y avait peu d’étudiants présents quotidiennement à la fac, moins de militants et donc moins de possibilités d’action. En conséquence, nos liens avec les lycéens et les travailleurs n’ont pas été assez forts : peu de forces étaient
disponibles pour aller débrayer des lycées, rencontrer des travailleurs en grève…Cette sous-estimation du besoin d’élargissement explique aussi la faiblesse des manifestations : la minorité d’étudiants grévistes actifs n’a pas pris suffisamment conscience du besoin vital d’être toujours plus nombreux, et de le montrer dans la rue. Du coup la participation en manif a été très basse (alors que chacun se souvient de l’impact qu’avaient les manifs monstres du mouvement CPE).
Construction d’un mouvement national, direction du mouvement
Une autre difficulté s’est posée : construire une direction solide au mouvement, qui soit légitime aux yeux de l’ensemble des étudiants et qui soit audible nationalement, dans les médias etc. Les réflexes du CPE ont permis de mettre en place rapidement une coordination nationale dont les chiffres sont montés vite et qui a contribué à l’élargissement rapide du mouvement dans les premières semaines.
Mais cette coordination n’a pas pour autant été une vraie direction pour tout le mouvement : un certain nombre d’AG n’ont pas jugé prioritaire d’y envoyer des mandatés, et très tôt un fort sectarisme s’y est développé, renforcé par les manœuvres de la direction de l’UNEF (fausses délégations…). Un des résultats a été son échec à se doter de porte-parole utiles et reconnus.
Ces problèmes ont été volontairement renforcés par le courant autonome (les « totos ») : réflexes anti-organisations, fonctionnement anti-démocratique, priorisation des actions minoritaires sur les manifs de masse, et des questionnements métaphysiques sur l’analyse de la LRU…
Ce courant a pris de l’importance pendant
le mouvement (il n’a pas été noyé dans
la masse des étudiants, contrairement au
CPE), et représente un réel danger pour le
mouvement étudiant.
Conclusion provisoire
Ce que ce mouvement démontre encore une fois, c’est qu’une nouvelle génération militante est en marche. Depuis 2002, il y a eu au moins un mouvement de masse chaque année dans la jeunesse : contre LePen en 2002, contre le LMD en 2003, contre le guerre en Irak en 2003 et 2004, contre le Loi Fillon sur les lycées en 2005, les révoltes dans les quartiers en novembre 2005, le CPE en 2006, la LRU en 2007… Mais nous avons peu de victoires à notre actif, ce qui peut finir par être assez démoralisant…
Si nous ne voulons pas que cette combativité exceptionnelle s’évapore, nous devons être plus forts, plus structurés, pour gagner les prochaines batailles : il y a urgence à s’organiser !
La place de Sud-étudiant dans la mobilisation
Sud s’est inscrit dans la mobilisation dès le début en participant au collectif national contre l’autonomie. D’emblée, Sud a été pour l’abrogation de la loi. Mais être pour l’abrogation ne suffit pas à avoir une orientation efficace pour gagner. Sur des questions fondamentales,Sud n’a pas proposé une orientation conséquente et a surfé sur la mobilisation.
Pire, il n’y a eu aucune volonté de se confronter aux courants autonomes qui refusaient de structurer démocratiquement la lutte, qui relativisaient le mot d’ordre central de la LRU ainsi que l’importance des manifestations. Cela s’est souvent traduit par le refus de doter les AG de comités de grèves élus.
À la coordination nationale, Sud argumentait contre le comité de grève national et pour des mandats impératifs, ce qui conduisait à affaiblir dans les faits la capacité d’élaboration et d’initiative…Donc à empêcher qu’elle se pose comme une direction alternative à celle de l’Unef.
Le rôle de l’Unef
En négociant au nom du mouvement, sans vouloir l’abrogation de la loi, la direction de l’unef a clairement trahi la mobilisation. En adoptant une position attentiste au début c’est-à-dire sans freiner consciemment l’essor de la grève, elle a refusé tout simplement de la construire.
Hormis Tours et Lille, la tendance majoritaire de l’Unef n’a participé à aucune coord’. La direction de ce syndicat a refusé de s’inscrire dans la lutte et de s’opposer frontalement à la politique de privatisation de l’université. Aucune orientation, aucune perspective n’était proposée et défendue pour permettre au mouvement de gagner.
L’Unef a tourné le dos à la grève et a appelé au retour au calme. L’absence du syndicat
majoritaire pour mener cette bataille a eu des conséquences directes sur l’implication
massive des étudiants.
Se syndiquer à l’Unef
L’une des raisons pour lesquelles notre lutte n’a pas obtenu de victoires est le manque d’implication de la grande masse des étudiants dans la grève. Il est incontestable que l’Unef a une influence sur ces étudiants. Il y avait donc un enjeu important à contraindre la direction de
l’ UNEF à rejoindre notre mobilisation. Mais cette bataille ne peut se mener de manièredissociée d’une bataille contre la bureaucratie syndicale.
De fait, le meilleur moyen de mener ce combat est d’être à l’unef pour combattre au quotidien la bureaucratie, mais aussi militer quotidiennement aux côtés des étudiants qu’elle influence… Pour que la première organisation étudiante soit réellement contrôlée par les étudiants eux-mêmes !
Keira, [Lille] Dossier « Bilan et perspectives du mouvement contre la LRU »
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« Se battre pour la réunification des syndicats étudiants, se battre pour un syndicat unique est la meilleure manière de à la fois organiser des luttes efficaces et à la fois de mieux pouvoir combattre l’influence de la bureaucratie syndicale.
Wang, [Nanterre] » édito
fevrier 2008 – n° 89 – “red”
analyse par jm pailler (prof de droite – histoire )sur un site de droite ; situation à toulouse
http://www.acrimed.org/article2760.html
http://www.acrimed.org/article2755.html
http://twk.lacrymale.info/2007/12/09/desinformation-et-…le-3/ > Lille LRU & journalisme
http://lille43000.over-blog.com/article-7251456.html
la lutte des classes en milieu étudiant :
http://drapeaurouge.over-blog.com/article-17730531.html
parti communiste maoïste français ( style maoïste)