L’amendement Mariani, soutenu par le gouvernement, qui prévoit un test ADN pour toute demande de regroupement familial de la part de travailleurs immigrés résidant en France, est abject, ignoble, révoltant. C’est vrai qu’il est parfaitement « dégueulasse » d’instrumentaliser la question de l’immigration comme l’a affirmé la secrétaire d’État Fadela Amara1.

“La science au service de l’État policier !”

Ces tests qui permettraient la “traçabilité” des familles de travailleurs immigrés marquées comme du bétail, comme des bêtes d’abattoir, sont une nouvelle illustration que les progrès de la science sont de plus en plus mis au service du Capital, de son État et de son appareil de répression. Ce traitement jusque-là réservé aux criminels évoque le marquage au fer rouge des bagnards du 19e siècle. C’est l’empreinte d’un État de plus en plus totalitaire qui cherche à contrôler et à fliquer les êtres humains en général et les travailleurs en particulier dans tous les moments de leur vie avec les moyens les plus modernes et les plus coûteux, avec le recours aux progrès scientifiques et l’appel à la technologie dernier cri. Alors que les progrès de la génétique sont utilisés contre les travailleurs immigrés, d’autres applications des avancées scientifiques sont déjà au service de l’État bourgeois contre l’ensemble de la classe exploitée. Ainsi, des dispositions récentes sont en train d’imposer les moyens les plus sophistiqués de la police “scientifique” et de l’armée : la ministre de l’Intérieur, Madame Alliot-Marie se propose, par exemple, de tripler le nombre des caméras de vidéosurveillance sur tout le territoire et de les installer notamment dans les artères des grandes villes, dans les stations de métro et dans les cités de banlieue en suivant le modèle britannique. Et cela au nom de la lutte contre d’éventuels agissements terroristes ainsi que pour prévenir, de façon plus générale, les “troubles de l’ordre public”. Le récent salon de la police et de l’armée a mis en vedette des drones, ces petits avions sans pilote de l’armée (déjà mis en service dans les guerres) que l’État français entend désormais utiliser comme instrument de surveillance dans les manifestations de rue afin de pouvoir cibler et repérer les “fauteurs de troubles”2. Dans le même sens, un hélicoptère muni de caméras infrarouges a été testé aux alentours du stade de France à Saint-Denis lors de la coupe du monde de rugby. Depuis, l’outil informatique et Internet jusqu’à l’électronique et à la médecine, la classe dominante dispose aujourd’hui d’un formidable arsenal technologique de surveillance et d’encadrement de la classe exploitée de même que pour terroriser et intimider les populations (non seulement en France, mais également dans d’autres pays comme par exemple la “très démocratique” Grande-Bretagne).

C’est le règne de “Big Brother” et la réalité dépasse désormais la fiction du roman de George Orwel, “1984”.

“L’hypocrisie et le cynisme de la bourgeoisie”

Le test ADN a provoqué une véritable levée de boucliers au sein de la classe politique : d’une partie de la droite (Villepin, Balladur…) à la gauche et à l’extrême gauche, c’est un tollé. Le 14 octobre, à l’appel de SOS-Racisme, de Charlie Hebdo et de Libération, plus de 6000 personnes se sont rassemblées dans la salle du Zénith à Paris pour proclamer « Touche pas à mon ADN ! » sur le modèle du fameux « Touche pas à mon pote ! » avec de multiples personnalités artistiques comme Isabelle Adjani ou Josiane Balasko et un vaste front commun unissant le villepiniste Goulard, le centriste Bayrou et le “socialiste” Hollande. Tous ces gens-là ne sont que des hypocrites !

En particulier, derrière leur fausse indignation, les partis de la gauche “plurielle” cherchent à se refaire une virginité à bon compte. Ils ont démontré qu’ils ont toujours été à la pointe des mesures répressives et de la lutte contre l’immigration clandestine, en particulier contre les immigrés qui cherchaient une “terre d’asile” pour fuir la misère et la barbarie guerrière de leur pays d’origine. C’est sur la déclaration du “socialiste” Rocard “La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde” que la classe dominante s’est toujours appuyée pour justifier sa politique répressive en matière d’immigration. C’est Mitterrand, avec son Premier ministre Edith Cresson et son ministre de l’Intérieur Pierre Joxe, qui a inauguré et mis en service la politique d’expulsion par charters. Avec un succès jamais interrompu. Les fameux accords de Schengen et la mise en place d’un “bouclier européen contre l’immigration clandestine” ont été signés par Jospin, alors Premier ministre. Tout ce beau monde encense le président socialiste espagnol Zapatero qui, avec sa police, ne cesse de traquer les migrants africains, en les poussant à s’empaler sur des clôtures grillagées à Ceuta ou Mellila ou en les escortant (avec la complicité de la police marocaine) dans le désert saharien pour les abandonner et les condamner à crever de soif et de faim.

Les partis de gauche profitent du caractère scandaleux des tests ADN pour s’en servir comme d’un leurre. Leur fausse indignation, c’est l’arbre qui cache la forêt. Les larmes de crocodile de la gauche plurielle ne servent en réalité que deux objectifs. Ce qui intéresse la gauche, c’est d’abord et avant tout d’exploiter l’indignation des citoyens pour préparer le cirque électoral des élections municipales. C’est celui qui criera le plus fort “Au loup !” qui raflera la grosse mise.

Par ailleurs, les cris d’orfraie de notre très “morale” gauche plurielle sur la question de l’ADN aboutissent à éclipser les autres mesures de la loi Hortefeux qui vont passer en douce alors que, elles aussi, sont une véritable crapulerie : tout étranger de plus de 16 ans demandant à rejoindre la France au titre du regroupement familial “sera soumis avant son départ à une évaluation de la connaissance de la langue française et des valeurs de la République”. Autrement dit, les femmes de travailleurs émigrés devront suivre sur place des cours de français alors qu’il n’y a pratiquement pas de structure éducative… (et les rares qui existent sont souvent payantes). D’autre part, les ressources exigées pour un regroupement familial seront indexées sur la taille de la famille (par exemple pour une famille de 6 personnes, il faudra avoir des revenus un tiers au-dessus du SMIC). A ce tarif-là, beaucoup de familles “françaises de souche” seraient, elles aussi, exclues du regroupement familial. De même, les parents devront conclure avec l’État un “contrat d’accueil et d’intégration pour toute la famille”. Autrement dit, au moindre démêlé ou accroc avec la police ou la justice d’un membre de la famille, ce sera l’expulsion immédiate. Par ailleurs, l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), dont les services dépendaient jusque-là du Quai d’Orsay, passera sous la tutelle directe du ministère de l’immigration. La politique d’immigration “choisie” s’opérera désormais à partir de quotas nationaux. Le ministre de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale, Monsieur Hortefeux, s’est donné le même objectif que celui déjà donné par l’ex premier flic de France, Nicolas Sarkozy dans sa politique “d’immigration choisie” : l’expulsion de 25 000 immigrés en situation irrégulière par an. Et il met les bouchées doubles pour l’atteindre d’ici la fin de l’année. Bref, il s’agit de “faire du chiffre” en matière de politique de contrôle des flux migratoires. Tout cela s’accompagne déjà d’une multiplication des contrôles d’identité, de la chasse au faciès, d’une intensification de rafles de parents à la sortie des écoles, d’expulsions de squats de travailleurs qui ne peuvent plus être logés décemment, de traque aux clandestins, de “chasse à l’homme”. Cette politique ignoble et inhumaine pousse de plus en plus d’immigrés à des actes désespérés, tel le cas de cette femme sans papiers d’origine asiatique qui s’est défenestrée, et qui est morte, parce qu’elle pensait être concernée par une perquisition dans l’immeuble où elle était logée. Et pour accompagner cette politique répugnante, le “copain” de Nicolas Le Petit, Brice Hortefeux est bien décidé à réprimer tous ceux qui abritent ou hébergent des immigrés clandestins 3

L’inhumanité profonde de ces mesures4, c’est celle d’un système capitaliste historiquement condamné, un système en putréfaction qui ne peut apporter que de plus en plus de barbarie.

“L’obscurantisme : un symptôme de la bourgeoisie décadente”

Le test ADN de la loi Hortefeux n’est pas une nouveauté. Sarkozy, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, avait déjà proposé un test ADN pour dépister le “gène” de la délinquance chez les enfants qui entrent à l’école maternelle. Et il avait suggéré cette même mesure pour débusquer le “gène” de la pédophilie. 5 Mais au-delà de son ignorance dans le domaine scientifique, ses prises de position avaient pour avantage de caresser dans le sens du poil l’électorat de Le Pen, c’est-à-dire les secteurs les plus arriérés idéologiquement de la société française, les plus affectés par les préjugés racistes et xénophobes6.

Ce type de préjugés n’est pas nouveau. Il date principalement de la colonisation, lorsqu’il fallait à la bourgeoisie “justifier” les crimes qu’elle perpétrait contre les populations indigènes. Mais le développement de ces préjugés à la fin de 20e siècle, en même temps que la montée des intégrismes religieux, révèle un pourrissement sur pieds d’une société qui était déjà entrée en décadence depuis la Première Guerre mondiale, une décadence qui a trouvé avec le nazisme et le stalinisme ses expressions les plus tragiquement caricaturales. Évidemment, Sarkozy et son ami Heurtefeux ne sont pas Hitler ou Staline. Ce sont des “démocrates”. De même, la situation d’aujourd’hui n’est pas celle des années 30 et 40, marquées par la guerre mondiale. Mais l’obsession des deux comparses pour “faire du chiffre” en matière d’expulsion des immigrés a des relents de celle de Hitler et de Staline qui, eux aussi, demandaient à leurs fonctionnaires de “faire du chiffre” en matière de déportations. Ils sont les sinistres exécuteurs des basses oeuvres d’un système capitaliste dont l’impasse historique ne peut qu’exacerber toujours plus le caractère inhumain, dont l’irrationalité croissante ne peut que favoriser la montée des idéologies obscurantistes issues de la nuit des temps.

“Quelle solidarité avec les immigrés et leurs familles ?”

Les prolétaires “français de souche” doivent affirmer haut et fort leur solidarité envers leurs frères de classe immigrés, victimes de l’ignominie du gouvernement Sarkozy-Fillon-Hortefeux et consorts. Si les immigrés ont fui leur terre natale, en laissant leur famille au pays, ce n’est certainement pas pour venir “manger le pain des français” ou pour leur “voler leur emploi” ou “profiter” de l’État Providence (avec sa “sécurité” sociale et ses allocations familiales) comme le prétend Le Pen avec la caution de Sarkozy, Hortefeux et tous leurs complices. S’ils sont venus en France, c’est tout simplement parce que “chez eux”, la vie était devenue un enfer. Ils cherchaient une terre d’asile. Malheureusement pour eux, la “douce France”, “terre d’asile”, n’est pas disposée à “accueillir toute la misère du monde”, comme disait si bien Michel Rocard. C’est le capital en crise qui dicte sa loi. Si on veut bien faire venir des immigrés, il faut que ce soit “rentable”. C’est pour cela que Sarkozy veut une “immigration choisie”, qu’il essaie, autant que possible, de limiter la venue des familles des travailleurs immigrés, qu’il n’a de cesse de s’attaquer à la dignité de ces derniers.

La solidarité est la seule force qui puisse rendre à l’homme sa dignité, cette dignité que le capitalisme lui a retirée en le traitant comme une marchandise qu’on peut maintenant “choisir” dans le grand magasin du marché mondial. Avec l’aggravation de la crise économique, le sort que subissent aujourd’hui les immigrés, c’est celui qui attend demain tous les travailleurs “français de souche”.

La seule solidarité réelle envers les travailleurs immigrés victimes de la répression féroce du Capital et de son État policier, c’est la lutte la plus large, la plus solidaire et unie possible. Une lutte contre toutes les attaques que porte aujourd’hui la bourgeoisie à la classe ouvrière (retraites, frais de santé, baisse du salaire réel, conditions de travail, etc.). Une lutte qui permette à l’ensemble de la classe ouvrière, dans tous les pays, de développer la force et la conscience pour être en mesure de renverser ce système barbare et de construire une nouvelle société, sans classe, sans exploitation et sans frontières nationales. Plus que jamais est à l’ordre du jour le vieux mot d’ordre des exploités :

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

Courant Communiste International

1 Cela n’empêche pas l’ex-présidente de l’association “Ni putes ni soumises” de se déclarer à l’aise dans ce gouvernement sous la tutelle d’un premier ministre qui a lui-même qualifié de “détail” aux relents lepénistes cette mesure. Il y a des limites à l’insoumission… même s’il n’y en a pas à l’arrivisme. Il y a quelques mois, le journal Le Prolétaire qualifiait avec raison l’association de Fadela de “Mi-putes, mi-soumises”. Aujourd’hui, Fadela ne fait plus les choses à moitié.

2 Un des prétexte est de “protéger” les manifestants contre les “casseurs” dont on sait pertinemment qu’ils sont souvent manipulés pour discréditer les véritables mouvements de la classe ouvrière. Ce n’est pas un hasard si, pendant le combat contre le CPE au printemps 2006, les images de la télévision, particulièrement à l’étranger, en rajoutaient sur les quelques actions violentes des jeunes des banlieues (lesquels sont provoqués quotidiennement par les forces de police) au détriment notamment des images des assemblées générales.

3 L’hypocrisie de la classe régnante n’a pas de limites : alors même qu’elle célèbre comme des héros ceux qui ont caché des familles juives pendant l’occupation, elle considère comme des criminels ceux qui, aujourd’hui, offrent leur protection à des clandestins sans papier.

4 Une inhumanité qui n’a pas l’air de scandaliser beaucoup ce grand spécialiste de “l’humanitaire”, le docteur Kouchner, qu’on n’entend guère sur la question des tests ADN et qui, depuis la gaffe de ses déclarations jusqu’auboutistes sur l’Iran, semble surtout préoccupé de tout faire pour ne pas déplaire à son maître.

5 On ne peut pas reprocher à Sarkozy de n’avoir pas fait d’études scientifiques ; il n’avait pas la “vocation”. Il était plus brillant dans le domaine de la magouille politique (il avait tout juste 28 ans lorsqu’il a rafflé la mairie de Neuilly-sur-Seine à Pasqua, pourtant orfèvre en matière de coups tordus).

6 Des secteurs qui ont beaucoup de mal à admettre que leurs ancêtres, avant les gaulois, venaient tous d’Afrique.