Des comparaisons réductrices de christine delphy
Catégorie : Global
Thèmes : Genre/sexualités
Dans une entrevue qu’elle a accordée au quotidien montréalais Le Devoir, le 1er octobre 2007, la chercheuse féministe française, Christine Delphy, a déclaré au sujet des consultations sur les « accommodements raisonnables » au Québec :
«Je suis contente. Je voudrais que l’on se pose aussi la question du port du talon haut. Le nombre de chevilles tordues, si vous saviez… 80% des patientes des podologues sont des femmes», dit-elle avec la plus grande ironie avant de poursuivre. «On peut s’inquiéter du fait que les sikhs portent de petits poignards, mais personne ne s’alarme de savoir que les adolescents transportent des armes à feu et tirent sur d’autres dans les écoles!»
Je trouve cette réflexion un peu simpliste. Le symbole véhiculé par le port du voile, souvent imposé par des hommes à des femmes – et qui n’a pas son équivalent pour les hommes dans les cultures qui l’imposent (ce qui est en soi significatif) – ne se compare pas au symbole du port de souliers à talons hauts, que nous sommes libres de ne pas porter sans être menacées de représailles. Et une cheville tordue n’équivaut pas aux coups, blessures et menaces de mort que certaines subissent parce qu’elles ne portent pas le foulard ou le voile tel qu’il est prescrit. Cette sorte d’ironie a pour effet d’éluder et de ridiculiser une réflexion sérieuse sur le sens du voile, souvent imposé à des enfants dans certains pays. Presque tous les jours, nous recevons des messages au sujet de femmes de différents pays (y compris la France) qui sont menacées de représailles si elles refusent de porter le voile.
Pourquoi est-il si dangereux pour certaines de refuser de porter ce voile si le port du voile relève simplement de « la liberté de conscience »?
Lire l’article intégral:
Pour ma part, je trouve que la réaction de Mme Carrier est parfois de mauvaise foi, en ce qui concerne les intentions de Christine Delphy dans cet article. Quand celle-ci parle de l’intéret que les gens portent sur le voile, elle ne parle pas de l’Afghanistan, comme le prétend Micheline, mais de la France, des médias et des gouvernants français.
En effet, ceux-ci se révèlent être préoccupés par le sort des femmes, alors qu’ils n’en n’ont pas vu l’intérêt avant (pas de réelle politique contre les violences faites aux femmes, pas d’égalisation des salaires…).
Ce que dénonce Christine Delphy en ironisant, c est le fait, sous couvert d’une pseudo politique pour le droit des femmes, d’avoir pris une mesure xénophobe concernant les filles musulmanes. Ca ne veut pas dire qu’elle nie l’oppression que certaines peuvent subir, loin s’en faut. Mais elle dénonce l’alibi de la lutte contre l’oppression subie par les femmes, utilisée par des politiques qui nous démontrent chaque jour leur vision neo colonialiste, et sexiste de la société.
enfin, Mme Carrier rapproche le libre choix évoquée par des femmes voilées à celui de certaines prostituées ayant librement choisies. Je suis tout à fait d’accord avec cette comparaison en revanche pas dans la même finalité. Elle défend alors l’idée des femmes victimes, opprimées sans liberté de penser, de choisir. Il ne s’agit pas de dire que ce ne soit pas la majorité des cas, nous sommes d’accord la dessus, en revanche, elle ne reconnait pas le droit de choisir de ces autres femmes, minoritaires, qui ont décidé, et ce la se respecte, de porter le voile ou de se prostituer.
Bien entendu, le combat des femmes afghanes doit être soutenu, il s’agit d’un autre espace géographique et d’une autre réalité que l’on ne niera pas ici.
Le débat doit être mené en France. Qu’est ce que signifie féministe quand on n’accorde pas à des femmes croyantes le droit de se rendre à l’école avec le voile correspond à leur croyance. Qu’est ce que cela signifie d’être féministe et d’appuyer une loi clairement islamophobe sous pretexte qu’on lui a apposé l’étiquette « contre l’oppression des femmes ».
Ce que veut dire Christine Delphy en parlant du bien être des femmes, c’est que si réellement nos politiques en étaient préoccupés, ils trouveraient des lois beaucoup plus importante pour le sort de toutes les femmes, ils nous ponderaient pas une loi concernant seulement une partie des femmes et qui au final serait une loi qui irait contre la réelle volonté de certaines musulmanes. On infantilise encore les femmes quand on prétend que même en se croyant libre de porter le voile ou de se prostituer elles sont opprimées, elles n’ont pas choisis, elles ne sont pas à même d’être lucides sur leur situation.
pour ceux et celles qui voudraient en savoir plus sur la position de Christine Delphy sur ce sujet et bien d’ autres:
http://www.teluq.org/webdiffusions/cdelphy_111007.html
Pourquoi se refuser à penser des proximités entre le didact de la taille 38, des talons ou autres à celui du port du voile. Est-ce tellement plus confortable de s’astreindre à de nombreux régimes pour ne pas être regardé de travers dans la rue, pour ne pas avoir de réflexion sur son tour de taille, sur les kilos qu’on a pris ou perdu que de mettre un voile???? Est-ce tellement plus confortable de s’astreindre à porter des vêtements moulants, décolletés, etc sous peine d’être traitée de « bonne soeur » ou de garçon manqué? Est-ce vraiment au nom des conditions de vie des femmes que l’on se refuse ces comparaisons.
Peut-on vraiment prétendre au féminisme quand on range tout un ensemble de femmes à partir d’un symbole religieux dans la catégorie soumise?? On peut se poser la question de savoir alors qui tente de soumettre qui. C’est, quoiqu’il en soit, une question que se pose nombre de femmes voilées en France à juste titre à mon avis.
Combattre la domination masculine en adoptant – ou pire pour promulguer – la domination blanche judéo-chrétienne ou la domination de classe c’est bien ce qu’un certain nombre de féministes se refusent à faire (voir par exemple l’article d’Elsa Dorlin « pas en notre nom »). Les formes de domination font système, en adopter une pour prétendre combattre les autres c’est plus que douteux et c’est en tous les cas totalement contre productif pour améliorer les conditions de vie des femmes. Ça l’est d’autant plus quand on prend la domination de certaine pour cacher la domination d’autre.
A ce titre on ne peut comparer la situation de femmes en France ou en Afghanistan sans prendre en compte le poids de la domination blanche, de la domination économique et la domination culturelle de populations entières en s’appuyant simplement sur le fait qu’elles portent le même symbole religieux, et en homogénéisant ainsi la symbolique que des femmes donnent à ce symbole.
Micheline Carrier à beau jeu de dénoncer les propos de Christine Delphy de réducteur, tout en mettant sur le même ordre de situation tout un ensemble de femmes sous prétexte qu’elles portent un bout de tissu sur la tête, sans prendre en compte les différences de situations matérielles, culturelles, idéologiques, etc.
Fort intéressant de soutenir « La « conscience » des femmes iraniennes, par exemple, qui défient le gouvernement en ne portant pas un voile ou foulard « réglementaire », et qui sont emprisonnées, qu’est-ce qu’on en fait ? », mais pourquoi pas soutenir également l’insoumission de femmes françaises, qui défient le gouvernement et la domination blanche en portant un voile ou un foulard « non réglementaire » et se font virer de leurs écoles, de leurs boulots, conspuer… (Dont certaines portent le voile en France l’enlèvent quand elles retournent dans le pays où ont grandi leur parents ou grands-parents, eh oui).
De ces femmes qui nous disent que leurs problèmes ne viennent pas de leur « culture », de leur religion, ou de leur homme, mais des formes d’oppression raciste et de classe, qui leur refusent l’accès à une formation, un logement, un emploi, un revenu décent. Peut-être est-ce trop compliqué de penser ces différents ordres matériel, moral, culturel, politique en même temps, pour distinguer les situations des unes et des autres, et ne confondre le combat contre une religion ou des religions (et toutes les manières qu’il y a d’y croire et de les pratiquer), des peuples ou des cultures, avec celui des conditions de vie des femmes…
Face aux propos simplistes, réducteurs, mensongers que l’on peut entendre régulièrement sur le voile, qui participent à la reproduction et l’extension d’un ordre ethniciste et raciste, de la part de personnes se réclamant du féminisme donc pour l’amélioration des conditions de vie des femmes on peut comprendre que Christine Delphy s’adonne à l’ironie.