Au lendemain du premier tour des présidentielles, nous apprenons que les ouvriers des usines Airbus ont de nouveau exprimé leur colère contre les attaques du capital.

Mercredi 25 avril, la direction annonce le montant des primes pour cette année: 2,88 euros ! (1) L’année dernière, ces mêmes primes se situaient autour de 4500 euros. La perte de salaire est brutale, il s’agit d’une coupe claire dans les budgets de ces familles ouvrières.

Se sentant traités comme des chiens à qui on daigne jeter quelques miettes, les salariés d’Airbus ont immédiatement réagi. A Toulouse d’abord, dans les ateliers, la colère s’est transformée en lutte. Une chaîne décide d’arrêter spontanément et sans préavis le travail, puis les ouvriers demandent aux autres ateliers de les suivre jusqu’au bureau de la direction. D’atelier en atelier, le courage et la volonté de ne pas se laisser faire se répandent. Un ouvrier raconte ainsi ce qu’il a vécu : “Hier en arrivant à 16h00, tous les gens de ma vacation ont pris connaissance de la prime de 2,88 euros. Les compagnons ont refusé de bosser, et un mouvement spontané de grève a démarré. Toute la FAL [atelier de montage] a suivi”. Et ce gréviste pointe avec insistance la spontanéité de la réaction contre l’avis des syndicats : “Un responsable syndical a d’ailleurs pris la parole […] pour tenter de nous faire reprendre le travail, en disant que le symbole de ce mouvement avait été noté, mais que maintenant c’était bon il fallait gentiment revenir bosser”. Ce que dévoile clairement ce témoignage, c’est que les syndicats sont des saboteurs patentés de la lutte et que les ouvriers vont être contraints de plus en plus à ne compter que sur eux-mêmes pour développer leurs ripostes. Ainsi, un responsable syndical s’inquiétant de son manque de maîtrise, a tenté de s’informer “discrètement” auprès de ses syndiqués sur l’ampleur de la combativité en leur demandant implicitement de calmer leurs ardeurs : “Cette action n’était pas à l’initiative d’un syndicat, il faut faire attention à ce que l’on fait [sic !].Veuillez nous donner un peu la tendance de ce matin”.

Même scénario sur les sites de Saint-Nazaire et de Nantes. L’indignation se répandant comme une traînée de poudre, les ouvriers ont suivi leurs collègues de Toulouse en réalisant à leur tour des débrayages “sauvages”. Ils sont alors sortis massivement de l’usine pour en bloquer l’entrée. Et là encore, ce fut sans et même contre les officines syndicales : “Ce n’est parti d’aucun syndicat. Ça vient d’un ras-le-bol des salariés eux-mêmes” a affirmé un salarié aux journalistes. Sur ces deux sites, là aussi, l’annonce d’une prime dérisoire a été reçue comme une véritable insulte, faisant rejaillir les souffrances et les pressions quotidiennes : “On nous demande de faire des heures supplémentaires le samedi alors que toutes les embauches sont fermées et les contrats intérimaires ne sont pas renouvelés” témoignait, la rage au ventre, un autre ouvrier. 2,88 euros… ce chiffre est devenu pendant quelques heures le symbole de l’inhumanité de la condition ouvrière.

Évidemment, à Toulouse comme à Saint Nazaire, les syndicats n’étant pas parvenus à empêcher l’explosion de colère des ouvriers, ont très rapidement repris le contrôle de la situation en prenant le train en marche. Ainsi, comme l’a fait remarquer un travailleur de l’usine Airbus de Toulouse : “quelques heures plus tard, avant le repas de midi dans mon atelier, FO a organisé un simulacre de débrayage en évitant d’inviter tous les ouvriers”.

En se dressant collectivement contre leurs exploiteurs, en refusant d’être traités comme du bétail, les travailleurs d’Airbus ont montré ce qu’est la dignité de la classe ouvrière. Ils viennent de rappeler que, face aux attaques incessantes, dans toutes les boîtes, des patrons et de l’État, il n’y a pas d’autre solution que de lutter tous unis. Malgré toutes les manœuvres de la bourgeoisie visant à monter les ouvriers les uns contre les autres, à développer la concurrence entre eux, la situation sociale est marquée par une tendance croissante à la solidarité active entre les prolétaires. Un ouvrier de Saint-Nazaire l’a d’ailleurs dit explicitement : “On voulait être aussi solidaire du mouvement à Toulouse” ! En se propageant ainsi de chaîne en chaîne, d’atelier en atelier, puis de site en site, cette réaction des travailleurs d’Airbus a montré le chemin que doit prendre toute la classe ouvrière face aux attaques et aux provocations incessantes de la bourgeoisie. Elle a mis en évidence que les syndicats sont bel et bien des forces d’encadrement de l’ordre capitaliste. Dans les mois et les années à venir, les ouvriers n’auront pas d’autre choix que de se confronter toujours plus fortement au sabotage syndical, pour pouvoir développer leur solidarité et leur unité dans la lutte.

Enfin, ces explosions de colère à Airbus (de même que la multitudes de petites grèves dans l’automobile, à la Poste, chez les enseignants, etc.) viennent de révéler que, malgré le battage électoral et le “triomphe de la démocratie”, il n’y a pas de trêve réelle dans la lutte de classe.

Béatrice – Courant Communiste International

(1) Cette annonce particulièrement scandaleuse pourrait être une provocation pour mieux faire passer l’annonce le 27 avril du détail des suppressions de postes sur les sites. Il n’en demeure pas moins que la réaction spontanée des ouvriers est exemplaire.