La conscience en miettes
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Les élections ne changeront rien, c’est une évidence, mais elles sont tout de même le révélateur de ce qui se passe dans notre société.
S’il n’y a aucun intérêt à essayer de comprendre celles et ceux qui sont directement intéressées par la pérennité du système en place, il est par contre intéressant d’examiner le comportement de celles et ceux qui veulent le renverser.
Ce qui s’est passé à la « gauche de la gauche » c’est un peu comme si on avait voulu mélanger dans un récipient différents produits et, qu’à la suite de ce brassage laborieux, on retrouve les mêmes produits chacun de leur côté ( ?). Si cela se produit sur le plan physique, on en conclura simplement que les produits ne peuvent pas se mélanger, trop différents « de nature ». Toute schématisation est bien sur hasardeuse mais, la comparaison est-elle soutenable avec le brassage de la « gauche de la gauche » dans les fameux collectifs ? En partie oui.
LA FAUSSE THEORIE DU « DENOMINATEUR COMMUN »
Cette « théorie » se fonde, consciemment ou inconsciemment, sur une vision réductrice, et pour le coup schématique, de ce qu’est une conscience collective. Elle analyse celle-ci comme un ensemble inerte qui serait composé de strates différentes, d’où les différences des uns et des autres, reposant sur un socle qui constituerait ce fameux « dénominateur commun ». Ce serait effectivement facile si les êtres humains fonctionnaient comme cela. Le problème c’est que ce n’est pas du tout le cas.
Le « désir de changement » est à la fois quelque chose de concret et d’abstrait…
Concret, car il s’agit de remplacer un système par un autre système, et quand on regarde l’Histoire on voit concrètement ce que cela veut dire,… la fertilité de l’imagination permet de « voir » ce système en fonction de ses désirs, de ses valeur, de son éthique,…
Abstrait, parce que si l’on sait le « pourquoi ? », on ne sait par contre rien sur le « comment ? » et sur le « quoi ? »
Le « comment » fait intervenir des appréciations, des analyses, forcément divergentes, une ou des stratégies, elles aussi divergentes, des tactiques qui ne correspondent pas aux intérêts immédiats de toutes et tous… la discussion purement théorique ne peut que s’enliser, ou aboutir à un compromis stérile.
Le « quoi » reste toujours dans le vague, et pour cause, il est concrètement largement dépendant du « comment »…
Autrement dit le fameux « dénominateur commun » n’a de « commun » que le nom. C’est certes un dénominateur mais qui ne repose sur rien de concret, simplement sur des espoirs, des déclarations d’intention… Rien de concrètement sérieux pour établir une stratégie opérationnelle.
LE MARCHE ELECTORAL
Le champ électoral est particulièrement propice à cette abstraction des attitudes.
Le champ électoral est essentiellement abstrait, en effet, il est une espèce de vaste « marché » dans lequel il y a des « offres » et des « demandes ».
Les « demandeurs » ce sont bien sûr les électeurs qui formulent leurs besoins, leurs désirs et souhaitent, comme un consommateur, qu’ils soient satisfaits… chacune et chacun défendant ses intérêts, son petit domaine…
Les « offreurs » se sont les candidats qui, s’ils veulent être élus doivent plaire et promettre. Ils « démarchent » auprès des électeurs-demandeurs comme des représentants de commerce vantant la qualité de leur produit.
Et l’on s’étonne que les candidats fassent de la surenchère ? Mais c’est le contraire qui serait surprenant.
En fait, et concrètement, l’élection repose sur une transaction implicite entre l’offreur et le demandeur. Dans la mesure ou l’offreur arrive à convaincre le demandeur qu’il est le seul à pouvoir lui procurer ce dont il a besoin, ce dernier est de fait contraint de « passer le marché »… ceci est illustré par la remarque que l’on entend souvent : « De toute manière on n’a pas d’autre choix… » ou « Il vaut mieux ça que rien !… »
On a atteint là un degré de non conscience civique total. Notre réaction tient plus du réflexe pavlovien que de la réflexion….. Le réflexe nous est imposé par le choix que l’on a fait pour nous et qui nous explique que « c’est comme cela et pas autrement… et que c’est ça la démocratie ( ?)» et il est provoqué par la nécessité, dite « civique », de ne s’en tenir qu’à ce choix : « Voter est un droit, mais aussi un devoir ». A ce stade, le citoyen ne mérite même plus le qualificatif de « citoyen »
Cette maxime : « Voter est un droit, mais aussi un devoir » est, quand on y réfléchi un minimum, plus une injonction qu’un principe démocratique.
LES FAUX SEMBLANTS
Qu’un candidat, alternatif, altermondialiste, contestataire, qui sait « payer de sa personne », « ait une image médiatique », « ait du charisme »…., se présente aux élections présidentielles, ne change évidemment rien au raisonnement précédent… pas plus d’ailleurs, sur le fond , aux conséquences du résultat de l’élection.
Sur la forme c’est différent. Par exemple, un tel candidat va permettre à la multitude de celles et ceux qui, à juste titre, ne font plus confiance aux partis politiques, de s’exprimer en votant… mais que vont-ils réellement exprimer par ce vote ? La défiance envers les partis ? Le fait qu’ « ils en ont marre » et qu’ « ils voudraient que ça change « ? Bien ! Et alors ? C’est tout ? C’est vrai qu’ils vont pouvoir « se compter »… Et alors ? Que feront-ils de ce chiffre à valeur toute relative ?
Or c’est cette « forme » qui donne l’illusion que l’on modifie le « fond ».
Satisfaction éphémère qui garde closes les portes de l’avenir.
« Mais ça fait du bien de dire ce que l’on pense et de voir que l’on est nombreuses et nombreux à le penser !… »
Alors soit, si l’on pose le vote en terme de « plaisir » on peut comprendre, mais alors disons le tout de suite : l’élection est un défouloir et seulement un défouloir.
De même que le Carnaval était en plein Carême un moment où l’on pouvait s’éclater, transgresser la norme, dire, hurler,… et le lendemain tout redevenait comme avant, … l’élection apparaît comme un tel moment… une fois les feux de la rampe éteints… tout redevient comme avant, le carrosse électoral se transforme en citrouille de la quotidienneté.
RECONSTRUIRE LA CONSCIENCE
Cette véritable lobotomie politique que nous subissons aujourd’hui, qui transforme le citoyen en machine à reproduire le rapport social dominant n’est pas une fatalité. Tous les systèmes dans l’Histoire ont eu recours à cette méthode, la violence, la religion, le droit, la morale, la rhétorique,… en étaient les instruments, l’Etat, et ses valets, en était l’acteur.
Sommes nous éternellement condamnés à cette situation? Si l’on s’y prend de cette manière, c’est-à-dire en nous contentant du dispositif officiel mis en place, très certainement…
Comment alors le dépasser ?
Si le système fonctionne selon sa propre logique politique, qu’il verrouille et contrôle et que nous mettions, de notre côté, en place une pratique sociale alternative, alors il y a tout lieu de penser que le dépassement du système est au « bout du chemin ». On peut même, éventuellement, contrairement à ce que pensent certains, utiliser tactiquement le système officiel, mais encore faut-il que nous ayons une pratique qui fonde la stratégie du mouvement et lui donne un sens historique.
La conscience critique si elle se construit à partir de l’analyse critique du système en place, devient une conscience politique opérationnelle lorsqu’elle s’enracine dans une pratique sociale qui prouve que les rapports sociaux que l’on souhaite existent et s’avèrent supérieur aux rapports dominants… Ce n’est pas autrement que la bourgeoisie commerçante a réussi à imposer son système de domination, et c’est à contrario par l’ignorance d’un tel principe que les expériences soviétiques et des gauches ont toutes échouées.
La puissance du discours ne saurait remplacer la puissance déterminante de la pratique. Les beaux parleurs qui nous vendent leur camelote progressiste ne nous proposent que du vent… c’est pour cela que chaque fois… nous nous enrhumons !
Patrick MIGNARD
Voir aussi les articles :
« VICTOIRE DE « LA » POLITIQUE, MORT « DU » POLITIQUE »
«SE REAPPROPRIER L’ECONOMIQUE ET LE SOCIAL»
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