Camille a refusé de donner son adn : elle est relaxée
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Ce mercredi 21 mars, devant une salle solidaire d’habitants de Mâcon, de Monceaux-les-Mines, et d’autres personnes venues du Jura, de Lyon et même de la Drôme, et avec la présence de journalistes et d’un nombre important de policiers, dans cette petite ville tranquille, le tribunal de Mâcon a relaxé Camille en mettant du coup hors-la-loi les gendarmes qui lui ont imposé un prélèvement de son ADN, qu’elle a eu entièrement raison de refuser de s’y soumettre. Contrairement à l’apparence, la magistrate n’a pas suivi les réquisitions du procureur de la république qui demandait une condamnation, mais par contre elle a tenu compte des arguments de Camille et de son avocat lyonnais, Jacques Debray, qui a plaidé la relaxe.
Cette affaire a débuté dans la nuit du 8 septembre 2006, où une jeune fille de 26 ans, Camille, qui se trouvait dans une voiture avec un ami sur le parking d’un petit village dans les environs de Mâcon, s’est fait contrôler par une patrouille de gendarmerie. Sans motif, les gendarmes ont fouillé la voiture et n’ont trouvé dans la boîte à gants qu’une pipe à eau. Puis ils les ont fouillé aussi tous les deux sans trouver ni sur eux ni dans la voiture la moindre trace de quelque chose de répréhensible. Ils ont cependant arrêté l’ami de Camille et l’ont placé en garde à vue avant de le relâcher avec un simple rappel à la loi. Mais le surlendemain, Camille a été convoquée à la gendarmerie pour un prélèvement de son ADN : ce qu’elle a catégoriquement refusé. Et voilà pourquoi, le 21 mars, Camille passe en jugement !
Pratique totalitaire
La juge demande à Camille pour quelle raison elle a refusé le prélèvement de son ADN qui pourrait faire partie du fichier national des empreintes génétiques.
Camille explique très clairement qu’elle a refusé parce qu’elle pense que le fichage massif ne doit pas se faire. « C’est une pratique de pays totalitaire. Et on ne peut garantir à l’avenir ce que pourrait faire de ce fichier un autre régime politique en France. L’État devient Big Brother. Cela donne beaucoup trop de pouvoir aux gouvernants par rapport à la population qui devient alors très faible. Quand la loi est inquiétante pour la population, il est de notre devoir de la refuser, et de dire, en passant au tribunal, que la loi n’est pas juste. »
La magistrate intervient en disant qu’il y a possibilité de demander l’effacement de son empreinte génétique. Camille lui répond que de toute façon cette demande ne serait pas automatiquement appliquée.
De plus, Camille réexplique qu’elle n’est coupable de rien, que ni la pipe à eau, ni la voiture ne lui appartenaient, et que si elle a admise qu’elle fumait de temps en temps, rien ne pouvait indiquer qu’elle avait consommé du cannabis.
Le clone
Complètement à côté de la plaque, le procureur s’est attaché, dans un très long développement pseudo-scientifique, à marteler qu’il ne fallait pas refuser le prélèvement biologique car avec le peu qui est récupéré comme ADN, ce n’est pas suffisant pour faire un clone !!
Il a bien sûr parlé de l’affaire d’un violeur élucidée grâce au FNAEG , alors que cela n’a absolument rien à voir avec ce procès intenté à Camille.
Puis il a pris l’attitude de facilité d’inverser les rôles en disant que la totalitaire c’était Camille, qui veut donner des leçons de démocratie devant un public nombreux, puisqu’elle refusait une loi votée par des représentants élus, elle. Puis il a vite continué à s’embrouiller en tentant de justifier le gendarme interpellateur, tout en alléguant que la formule de cet enquêteur est maladroite.
Le procureur requis alors la condamnation d’une amende de 400 euros.
Dérive arbitraire
C’est alors qu’arrive de façon sérieuse la plaidoirie de Jacques Debray, l’avocat de Camille.
« Je m’étonne tout d’abord de constater que ce mercredi matin, 21 mars, des pièces ont été rajoutées au dossier, alors que l’affaire date du 8 septembre 2006. Cela indique bien que cette affaire n’est pas claire du tout. En effet le dossier, quand il a été consulté, était délibérément vide, puisqu’il ne contenait que la photocopie de la convocation de Camille et un PV de synthèse des plus sommaires, en tout cas pas suffisamment étoffé pour indiquer une quelconque culpabilité de Camille.
Et là, ce matin des pièces jaillissent par miracle ! Mais voilà que ces pièces sont postdatées, alors, on ne peut donc aucunement en tenir compte.
Voyons alors ce qui est indiqué sur le PV de synthèse : « Camille a refusé de se soumettre au dépistage biologique, pour avoir usé de produits stupéfiants. » Et c’est tout. Déjà un dépistage n’est pas un prélèvement. De plus, l’usage de stupéfiants n’entre pas dans la liste, pourtant très longue, des délits qui peuvent entraîner un fichage ADN.
Un PV est là pour s’assurer que la loi a été respectée. Là elle ne l’a pas été. Il n’y a rien pour juger. Il n’y avait pas la possibilité de demander le prélèvement ADN de Camille. Même avec toutes les dernières extensions, l’usage de stupéfiants n’est pas spécifié. Ce qui est certain, c’est qu’on ne peut se prononcer sur la culpabilité de Camille …sans rien. Là, c’est extrèmement grave !
C’est essentiel ce qui se détermine ici. C’est le procédé qui est totalitaire. Là, on arrive à un fichage de toute la population. Il y a plein de gens très sérieux qui disent que des dérives arbitraires sont possibles. Un mémoire vient de sortir indiquant les dangers de tous ces fichiers et notamment les dangers d’utilisation de ces fichiers de façon malveillante, de façon personnelle. Il indique que 21% des informations du fichier STIC sont inéxactes : c’est faramineux ! C’est extrêmement grave.
Au départ, le fichage génétique a été instauré en 1998 pour ficher les délinquants sexuels. Mais les lois Sarkozy et Perben ont considérablement étendu le champ d’application du fichage ADN. Et il suffit « d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’une personne ait commis une infraction ». Il est devenu possible en France de ficher quelqu’un sur une simple présomption de culpabilité.
Cette affaire illustre les dérives de ce type de fichage. Et ce genre de cas va forcément se multiplier. Car le problème aujourd’hui, c’est que les policiers et les gendarmes peuvent décider de prélever l’ADN de n’importe qui sans aucun contrôle des autorités judiciaires. Bref, c’est l’arbitraire le plus total. Et le fait que tout le monde puisse faire l’objet d’un fichage génétique montre qu’on dérive vers une société totalitaire.
Il y a un déséquilibre total depuis quelques années : d’après Monsieur le Procureur, « les droits de l’homme c’est le droit à la sécurité ». Je ne vois pas la finalité de ficher un fumeur de cannabis. On est bien dans la procédure d’un fichier généralisé. La loi n’est pas la norme absolue. Là, c’est très grave !
Il y a de plus un gros problème d’interprétation du texte 106-56, à cause de la contrainte. En effet il y est écrit qu’on n’a plus besoin du consentement de le personne si elle a commis un crime grave. Ce qui veut dire que pour un délit moindre, le consentement de la personne est obligatoire. Or comment peut-il y avoir consentement possible sous la contrainte ?
C’est ubuesque pour Camille. Est-ce proportionné de demander à Camille de donner son ADN ? Est-ce pour confondre un criminel ? Et il y a une disproportion considérable dans les peines prévues. Refuser de se soumettre à un prélèvement d’ADN est passible de 15.000 euros d’amende et d’un an de prison ferme. Même une amende de 400 euros c’est déjà trop quand on n’a rien fait d’autre que refuser un fichage arbitraire de son ADN ! D’autant qu’on n’a aucune garantie sur le devenir de ces données. Comment seront-elles utilisées, protégées ? Personne ne le sait et la Commission nationale de l’informatique et des libertés est impuissante vu le nombre croissant de personnes fichées. C’est pourquoi les juges ont un rôle essentiel pour une application de cette loi dans le respect des droits de l’homme.
Je demande la relaxe pure et simple. »
La relaxe
Après avoir délibéré, la présidente du tribunal de Mâcon accorde la relaxe à Camille, considérant qu’il n’y avait pas lieu de la soupçonner et que les gendarmes ne pouvaient pas demander un prélèvement de son ADN.
Ce qui veut dire que la police et la gendarmerie ne doivent plus faire n’importe quoi en ce qui concerne le prélèvement ADN.
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